Le Ministère de la transition écologique et solidaire a publié son rapport d’évaluation du chèque énergie, créé par la loi de transition énergétique du 17 août 2015, pour remplacer les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz, avec 2 objectifs :
- se doter d’un dispositif plus équitable, qui bénéficie de la même façon à l’ensemble des ménages en situation de précarité, quelle que soit leur énergie de chauffage ;
- améliorer significativement l’atteinte de la cible de bénéficiaires par rapport aux tarifs sociaux.
La loi ayant prévu une mise en œuvre progressive du dispositif, le rapport, qui devait être remis au Parlement avant la généralisation prévue en 2018, tire le bilan de l’expérimentation menée depuis 2016 dans quatre départements (Ardèche, Aveyron, Côtes-d’Armor et Pas-de-Calais).
Télécharger le rapport d’évaluation :
- Rapport d’évaluation de l’expérimentation du chèque énergie (MTES)
En deux ans, 170 000 chèques ont été distribués dans ces quatre départements, soit une augmentation d’environ 3% par rapport au nombre de bénéficiaires de tarifs sociaux.
1. Critères d’éligibilité des ménages
Le chèque énergie est attribué « aux ménages dont le revenu fiscal de référence est, compte tenu de leur composition, inférieur à un plafond » (art. L.124-1 du code de l’énergie). Les critères d’éligibilité font donc intervenir deux paramètres :
- le revenu fiscal de référence du ménage
- la composition du ménage, exprimée en unités de consommation
4 millions de ménages en situation de précarité énergétique devraient en bénéficier.
2. Dépenses éligibles
2.1. La fourniture d’énergie relative au logement
Les dépenses d’énergie suivantes peuvent être réglées avec un chèque énergie : électricité, gaz naturel, chaleur, gaz de pétrole liquéfié, fioul domestique, bois, biomasse, ou autres combustibles destinés au chauffage ou à la production d’eau chaude.
Concernant le cas particulier des résidents en logements-foyers, pour lesquels les charges d’énergie sont entièrement collectives et intégrées à la dépense de logement, le bénéficiaire peut utiliser son chèque en paiement de la redevance due au gestionnaire du foyer.
Les dépenses de carburant automobile ne sont pas éligibles.
2.2. Les travaux de rénovation énergétique
Les travaux pouvant être financés par le chèque énergie sont ceux qui répondent aux critères d’éligibilité du crédit d’impôt transition énergétique (CITE). Les équipements acquis doivent répondre aux exigences minimales requises, et être installés par des professionnels certifiés.
3. Bilan de l’expérimentation
Selon le bilan gouvernemental, le dispositif a été globalement bien compris par les bénéficiaires dès la première année d’expérimentation. Le critère d’éligibilité, jugé plus simple, permet d’optimiser le ciblage des premier et deuxième déciles de revenu, et d’éviter les effets d’aubaine.
Les actions de communication proposées sont présentées en annexe.
- Utilisation par énergie
9 chèques utilisés sur 10 l’ont été pour payer une facture d’électricité ou de gaz naturel : 61,5 % des chèques 2016 remboursés l’ont été à un fournisseur d’électricité, et 29 % à un fournisseur de gaz naturel.
6,4 % des chèques ont été utilisés pour payer du fioul, et 2,6 % pour payer du bois, du GPL domestique, ou un autre combustible.
L’utilisation du chèque pour payer des travaux de rénovation énergétique concerne 63 chèques pour la première année d’expérimentation, ce qui peut s’expliquer, notamment, par le fait que la communication était axée sur le paiement de la facture d’énergie. Il est à noter aussi que le montant du chèque (bien qu’additionnable sur 3 années) ne permet en général de financer que très partiellement des travaux de rénovation énergétique. - La pré-affectation et l’usage en ligne du chèque énergie, des fonctionnalités à développer pour simplifier l’utilisation du chèque.
Le mécanisme de pré-affectation permet à un bénéficiaire d’indiquer, lorsqu’il utilise un chèque énergie pour payer une facture d’électricité ou de gaz naturel, qu’il souhaite que le chèque énergie qu’il recevra l’année suivante (s’il est toujours éligible) soit affecté automatiquement à ce même contrat. La demande de pré-affectation s’effectue sur le portail internet du chèque énergie ou auprès du numéro vert de l’assistance utilisateurs. En début de campagne, le bénéficiaire reçoit un courrier lui rappelant qu’il a pré-affecté son chèque, et lui permettant de modifier son choix le cas échéant.
L’expérimentation montre que l’usage en ligne, associé à la pré-affectation des chèques devraient constituer un gisement intéressant de simplification et d’économies de coûts de gestion.
4. Limites
Le rapport fait état de « résultats encourageants, qui peuvent encore être améliorés » concernant le taux d’utilisation et le non-recours et note « un axe de progrès » dans la mise en œuvre des dispositions protectrices associées au chèque énergie.
- Le ciblage et les montants :
Certaines personnes précaires peuvent ne pas recevoir de chèque énergie, si :
elles n’ont pas réalisé leur déclaration fiscale (il est à noter toutefois que la déclaration fiscale constitue une obligation, même pour les ménages non imposables) ;
elles sont nouvellement précaires : elles recevront en effet leur chèque énergie avec un décalage, puisque le revenu fiscal pris en compte est celui de l’année N-2 par rapport à l’envoi des chèques.
Pour les ménages aux ressources les plus modestes, le montant moyen du chèque énergie est d’environ 170 €. Plusieurs associations et relais sociaux interrogés dans le cadre de la présente évaluation ont plaidé pour un relèvement du montant du chèque énergie, de même que le médiateur national de l’énergie, l’AFG, l’UFE et plusieurs fournisseurs d’énergie.
Taux d’utilisation et non-recours : des résultats encourageants, qui peuvent encore être améliorés
- Chèque énergie et non recours sur l’expérimentation 2016-2017
- La mise en œuvre des dispositions protectrices associées au chèque énergie : un axe de progrès
Les consommateurs d’électricité et de gaz naturel, lorsqu’ils sont considérés en situation de précarité énergétique, bénéficient de protections supplémentaires. Jusqu’ici associées au bénéfice des tarifs sociaux de l’énergie, ces protections sont désormais accordées aux bénéficiaires du chèque énergie. Ces protections sont les suivantes :
- En cas de déménagement, la gratuité de la mise en service et de l’enregistrement du contrat ;
- En cas d’impayé :
- un abattement de 80 % sur la facturation d’un déplacement en raison d’une interruption de fourniture ;
- l’exonération des frais liés au rejet de paiement ;
- une protection contre les réductions de puissance pendant la trêve hivernale.
- Droit à un afficheur déporté gratuit permettant un suivi de la consommation énergétique en euros.
En revanche, il faut rappeler que l’interdiction d’interruption de la fourniture au cours de la période hivernale s’applique à l’ensemble des clients, et pas seulement aux clients identifiés comme étant en situation de précarité.
Il est à noter que les protections seront d’autant plus efficaces si les bénéficiaires sont connus avant que l’incident ne se produise : en effet, en cas d incident, un ménage qui n’aura pas été préalablement identifié comme éligible au dispositif chèque énergie sera confronté à une procédure de relance ordinaire, amenant plus vite à l ’interruption de l’énergie, des parcours de recouvrement plus sévères et l’obligation de régler d’abord entièrement les frais associés en attendant la prise en compte des droits associés au chèque énergie et le remboursement le cas échéant. D’autres moyens de signalement de ces clients aux fournisseurs d’énergie doivent être envisagés.
5. Enseignements et propositions :
- Renforcer l’information des bénéficiaires et mieux associer les relais sociaux
- Simplifier l’usage du chèque
- Améliorer l’accès aux droits associés
- Mieux informer les bénéficiaires du chèque énergie sur les dispositifs d’aide à la rénovation thermique des logements
- Revaloriser le montant du chèque énergie de 50€ en 2019, pour le porter à un montant moyen de 200€ par ménage et par an.
- Envoyer les chèques sur une période resserrée (pour ne pas pénaliser certains bénéficiaires qui recevraient tardivement leur chèque), mais suffisamment étalée pour assurer un bon accompagnement des bénéficiaires
La généralisation interviendra comme prévu en 2018. Compte-tenu de la date de mise à disposition des données fiscales, les ménages recevront leur chèque énergie au printemps de l’année 2018, comme pendant la phase d’expérimentation.
Les tarifs sociaux de l’énergie, quant à eux, resteront en vigueur jusqu’au 31 décembre 2017. Les droits associés (notamment protection contre les réductions de puissance) sont quant à eux préservés jusqu’au 30 avril 2018, afin de garantir la protection des consommateurs précaires pendant la période de transition. Un courrier est en cours d’envoi par l’Administration à l’ensemble des bénéficiaires des tarifs sociaux pour les informer de la fin de ce dispositif et de l’arrivée du nouveau dispositif chèque énergie.
Ces modalités visent à garantir que la transition entre les deux dispositifs s’effectuera dans de bonnes conditions, sans interruption de service :
l’aide au titre de l’année 2017 sera intégralement versée dans le cadre du dispositif des tarifs sociaux tandis que l’aide au titre de l’année 2018 sera versée dans le cadre du chèque énergie .
les protections dont bénéficient les consommateurs en situation de précarité seront garanties au moins jusqu’au 30 avril 2018 dans le cadre du dispositif des tarifs sociaux, avant que le chèque énergie ne prenne le relais.
Un simulateur en ligne permet à tous les bénéficiaires de calculer le montant exact de leur aide en fonction de leur situation : www.chequeenergie.gouv.fr
Retrouvez en ligne :
le rapport d’évaluation de l’expérimentation du chèque énergie
le portail du chèque énergie : chequeenergie.gouv.fr
le mode d’emploi du chèque énergie
Un bilan jugé « lacunaire et imprécis » par l’UNCCAS
(source caissedesdepotsdesterritoires.fr)
Dans un communiqué diffusé le 7 décembre par l’UNCCAS (l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale) porte un jugement sévère sur ce bilan dont elle dit regretter « le caractère lacunaire et imprécis ». Associée à l’expérimentation du chèque énergie en raison de la forte implication des CCAS dans la lutte contre la précarité énergétique, elle avait rendu au ministère en août dernier sa propre évaluation du dispositif. Selon elle, les données mises en avant par le ministère « ne permettent pas une généralisation dans de bonnes conditions du dispositif ». Elle met trois arguments en avant. « Le taux de recours au chèque énergie, bien qu’en augmentation en 2017, reste très insatisfaisant, souligne-t-elle. En effet, plus d’un bénéficiaire potentiel sur cinq n’a pas effectué les démarches pour en bénéficier. Il y a donc lieu de craindre que le dispositif soit un nouveau facteur de précarisation. » Deuxième faiblesse du dispositif, à ses yeux, « le ciblage de cette aide par le seul critère du revenu fiscal contribue à l’exclusion du dispositif d’une partie des personnes souffrant de précarité énergétique, notamment celles n’ayant pas réalisé de déclaration d’imposition ou ayant vu leur situation changer au cours des deux dernières années ». Enfin, pointe-t-elle, « le nombre d’attestations de droits connexes reçues par les fournisseurs d’énergie est dérisoire : les protections associées à cette aide ne sont donc aujourd’hui plus garanties, ce qui constitue un recul par rapport aux tarifs sociaux ».
Pour l’Unccas, qui estime que la précarité énergétique touche 12 millions de personnes en France, l’impact du dispositif « n’est pas à la hauteur des besoins ». « Outre le montant insuffisant du chèque (150 euros par an en moyenne pour une facture énergétique moyenne de 1.500 euros par logement), ce dispositif ne résout ni la question de la solvabilisation des ménages, ni celle de la prévention des impayés d’énergie », souligne-t-elle. D’après son enquête sur la précarité énergétique, ces derniers sont en effet plus fréquemment compris entre 150 et 450 euros et dépassent souvent 600 euros par an.
Consulter le document synthétique de l’Espace Info-Energie Toulouse Métropole sur le fonctionnement du chèque énergie :
- Le Chèque énergie : une aide de l’Etat
- Octobre 2017 – EIE Toulouse métropole