Un « plan de résilience » du Gouvernement face à l’augmentation des prix de l’énergie

Publié le 28 mars 2022
Source : Gouvernement et IDDRI, Mars 2022


Bouclier tarifaire et hausse de MPR

Le Premier ministre a présenté le 16 mars un « plan de résilience économique et sociale » pour faire face, notamment, aux augmentations brutales du prix de matières premières liées à la guerre en Ukraine[1]. Cet évènement géopolitique est effectivement venu accentuer l’envolée des prix de l’énergie débutée en 2021.

Renforcement du bouclier tarifaire : quel impact et à quel prix ?

Le plan de résilience proposé par le Gouvernement prévoit un soutien financier aux ménages (et aux entreprises) pour faire face à la hausse des prix de l’énergie et de l’essence, au travers d’une « remise carburant » de 18 centimes hors taxe par litre entre le 1er avril et le 31 juillet. Elle s’appliquera sur le gazole et le gazole pêche, l’essence (SP95, E10), le E85, le GNR, le GPL et le GNV. Cette remise ne sera pas visible sur les prix affichés à l’entrée des stations mais s’effectuera lors du paiement à la pompe. Cette réduction sera ensuite remboursée par l’Etat auprès des distributeurs de carburant tout en leur demandant de « faire un geste complémentaire » en faveur des consommateurs.

Cette nouvelle mesure représente une dépense publique de plus de 2 milliards d’euros, qui s’ajoute à celles générées par les mesures prises fin 2021 face à l’envolée des prix de l’énergie : 12 milliards d’euros pour le bouclier tarifaire (blocage des tarifs du gaz et de l’électricité, indemnité inflation et chèque énergie exceptionnel) et 8 milliards de pertes attendues par EDF (entreprise publique) suite à la hausse du plafond de l’Arenh. Selon l’IDDRI[2] dans un récent article intitulé La rénovation énergétique, levier essentiel pour se prémunir durablement contre la hausse des prix de l’énergie, « l’ensemble des aides face à la hausse des prix de l’énergie s’élève désormais à plus de 30 milliards d’euros depuis fin 2021 » pour des mesures temporaires qui questionnent quant à leur capacité à protéger les ménages vulnérables, même à court terme, et leur iniquité. « Une aide par les prix revient à consacrer plus de moyens financiers aux ménages les plus aisés car ceux-ci consomment plus d’énergie, et revient donc à s’affranchir du principe d’équité, qui voudrait qu’on soutienne davantage les plus modestes et les plus vulnérables » rappelle l’Institut qui démontre, exemples à l’appui, l’insuffisance de ces mesures pour assurer un véritable bouclier énergie aux ménages vulnérables. Plus globalement, compenser la hausse des prix par des aides publiques n’incitera pas à réduire la consommation de carburant, et donc notre dépendance aux produits pétroliers importés, et maintiendra une tension forte sur les marchés.

Rappelons que selon l’initiative Rénovons, un scénario ambitieux de rénovations globales et performantes des passoires thermiques en France nécessiterait 3,2 milliards d’euros de financements publics par an entre 2020 et 2040, soit à peine 10 % des fonds déjà engagés face à la hausse des prix.  

Hausse ponctuelle de MaPrimeRénov’ pour le changement de système de chauffage

Un des objectifs du plan de résilience est également de renforcer la souveraineté énergétique du pays en réduisant les consommations d’énergie et la dépendance aux importations d’énergies fossiles depuis la Russie.

Au côté de différentes mesures liées à l’approvisionnement en énergie et la production d’énergies décarbonées, le Gouvernement a annoncé une augmentation de 1 000 € de MaPrimeRénov pour tout changement de système de chauffage vers un système renouvelable, qui permette de remplacer une chaudière au gaz ou au fioul, à partir du 15 avril prochain et jusqu’à la fin de l’année 2022. Cette hausse de la prime profitera aux solutions type pompes à chaleur ou chaudières biomasse. « Ainsi,  il sera encore plus avantageux pour les ménages les plus modestes de choisir une pompe à chaleur ou une chaudière biomasse et de se passer du gaz : ils pourront obtenir jusqu’à 9 000 euros d’aides (MaPrimeRénov et Certificats d’économies d’énergie) contre 8 000 euros auparavant. » annonce le Gouvernement. Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2023, les forfaits pour l’installation de nouvelles chaudières au gaz seront arrêtés.

Selon l’IDDRI, « si le dispositif MaPrimeRénov a effectivement permis une massification des projets, il l’a fait en privilégiant systématiquement les gestes individuels de travaux (86 % des dossiers) et notamment les changements de chaudière, là où les « rénovations globales » représentent aujourd’hui à peine 0,1 % des dossiers. […] Or, changer de chaudière sans améliorer l’isolation de l’enveloppe du bâtiment peut s’avérer contre-productif à long terme, qu’il s’agisse du confort du ménage, des gains réels en matière de performance énergétique et de réductions des émissions de gaz à effet de serre, ou de facture énergétique. »

Une campagne de communication de grande ampleur ciblée sur les économies d’énergie et la rénovation thermique est également prévue pour l’hiver prochain.

L’absence de mesures structurelles pour protéger les ménages vulnérables

Tout comme l’IDDRI le rappelle, « la massification des rénovations globales et performantes […] constitue le principal levier pour réduire durablement la vulnérabilité des ménages à la hausse des prix de l’énergie ». Or celle-ci semble être négligée dans ce plan de résilience qui a également fait réagir le CLER-Réseau pour la transition énergétique qui  « salue les quelques annonces symboliques proposées mais déplore l’absence de mesures structurantes et durables pour répondre à l’urgence sociale, économique et climatique. Et notamment :

  • La mise en place d’un véritable bouclier énergie pour tous (aides d’urgence ciblées, hausse du chèque énergie et plan massif de rénovation complète et performante des logements),
  • Une politique d’incitation forte et d’organisation de la baisse des consommations – seule solution pour réduire significativement les importations d’énergie fossiles et les factures à court terme,
  • La mobilisation des acteurs territoriaux pour accélérer la transition écologique dans les transports et le bâtiment,
  • Le développement accéléré des énergies renouvelables (électricité, chaleur et gaz) pour construire notre autonomie énergétique freinée par le Gouvernement depuis 5 ans. »

Lire l’article de l’IDDRI « La rénovation énergétique, levier essentiel pour se prémunir durablement contre la hausse des prix de l’énergie ».


[1] Pour mieux comprendre le contexte énergétique européen et les enjeux énergétiques liés à la guerre en Ukraine, consulter l’article « Guerre en Ukraine : 5 ressources clés pour comprendre le contexte énergétique ».

[2] Institut du développement durable et des relations internationales

thumbnail of dossier_de_presse_-_plan_de_resilience_economique_et_sociale_-_16.03.2022

Plan de résilience économique et sociale, Gouvernement, Mars 2022