Selon un nouveau Théma du Commissariat général au développement durable (CGDD), la précarité énergétique est en hausse entre 2020 et 2021, elle atteint 11,9% (au sens du taux d’effort énergétique). En cause : un hiver moins rigoureux et surtout l’envolée des prix de l’énergie fin 2021. Cette hausse est néanmoins limitée par la hausse de revenus des ménages, la baisse des consommations d’énergie et les chèques énergie 2021. Au-delà de cette étude, d’autres indicateurs montrent une hausse du phénomène.
La précarité énergétique augmente en 2021
En 2021, avant prise en compte du chèque énergie, 11,9 % des ménages sont en situation de précarité énergétique (au sens de l’indicateur Taux d’effort énergétique), soit une hausse de 1,4 point (environ 440 000 ménages) par rapport à 2020.
Deux facteurs expliquent principalement cette hausse :
- Des températures hivernales 2021 plus proches des normales saisonnières (moins élevées qu’en 2020), impliquant des besoins et donc des consommations de chauffage plus importantes par les ménages.
- Plus impactant, une « perte de pouvoir d’achat énergétique » des ménages du fait de la flambée des prix de l’énergie amorcée fin 2021 liée à la hausse de la demande d’énergie (reprise économique mondiale en sortie de crise du Covid-19).
Progression des revenus, baisse de la consommation par logement et chèques énergie 2021
D’après l’étude, réalisée sur la base d’une modélisation, cette hausse de la précarité énergétique aurait pu être pire et a été limitée par trois facteurs :
- La hausse estimée des revenus des ménages des trois premiers déciles en 2021. Ce sont ces 30% des ménages français les plus pauvres qui sont pris en compte pour calculer la part des ménages ayant un taux d’effort énergétique supérieur à 8%. La hausse de leurs revenus vient donc mécaniquement limiter le poids des dépenses énergétiques dans leur budget. L’augmentation des revenus est attribuée à la reprise de l’activité économique et aux mesures de soutien au pouvoir d’achat destinées à amortir les effets de la crise sanitaire (indemnité « activité partielle » et indemnité « inflation » pour les personnes gagnant moins de 2 000 €).
- La baisse des consommations d’énergie par logement du fait du déconfinement (qui a permis de retrouver des comportements de consommations plus proches de ceux mesurés avant 2020) et d’un été 2021 plus frais limitant l’usage de la climatisation.
- Le chèque énergie et le chèque énergie exceptionnel de décembre 2021. Venant renchérir le revenus des ménages qui en sont bénéficiaires, et donc réduire le poids de la facture énergétique dans leur budget, ces chèques ramèneraient la hausse de la précarité énergétique de 11,7 % à 9,2 %. Ces deux chèques énergie auraient permis à plus de 700 000 ménages « d’échapper » à la précarité énergétique, du moins provisoirement, avec une proportion plus forte chez les ménages les plus pauvres. Malgré ce soutien financier, plus d’1,9 millions de ménages demeurent en précarité énergétique.
Rappelons par ailleurs que le chèque énergie présente encore certaines lacunes concernant son ciblage, son montant ou encore son taux de non-recours (pour en savoir plus : consulter les articles du RAPPEL « Le chèque énergie : une réflexion sur la nature réelle du dispositif s’impose » et « Une étude sur l’impact du chèque énergie sur la précarité énergétique »).
Au-delà de l’étude : d’autres marqueurs de la hausse de la précarité énergétique
L’indicateur du taux d’effort se base sur la facture d’énergie pour mesurer la précarité énergétique et néglige ainsi les restrictions de chauffage que peuvent s’imposer les ménages pour des raisons financières. Or, selon le baromètre Énergie-Info du Médiateur national de l’énergie, 22 % des foyers interrogés déclarent avoir souffert du froid pendant au moins 24h dans leur logement à l’hiver 2022. Ils étaient 20 % en 2021 et 14 % en 2020. Autres signaux de la hausse du phénomène : 69 % des foyers interrogés déclarent avoir réduit le chauffage chez eux pour ne pas avoir de factures trop élevées (contre 60 % en 2021) et 27 % des foyers interrogés déclarent avoir rencontré des difficultés pour payer certaines factures d’énergie (contre 25 % en 2021).
En ce début 2023, certains membres du RAPPEL ont par ailleurs constatés sur le terrain un moindre recours des ménages aux demandes d’aide aux impayés, laissant présager une hausse de la privation comme moyen de faire face à la situation, et donc une difficulté croissante à repérer ces mêmes ménages.
Le Médiateur national de l’énergie a également fait état en début d’année de la hausse des interventions des fournisseurs d’énergie (coupures d’énergie, limitation de fourniture ou résiliation de contrats) suite aux impayés d’énergie : 863 000 ont été réalisées en 2022, soit 10% de plus qu’en 2021. Et ce, malgré la mise en place du bouclier tarifaire et de chèques énergie complémentaires.
Pour en savoir plus sur les chiffres de la précarité énergétique, consulter le « Tableau de bord de la précarité énergétique – Edition 2ème semestre 2022 » (ONPE, Mars 2023)
Consulter également l’infographie de l’ONPE sur les chiffres 2022 de la précarité énergétique.
Consulter le Théma :