Tarification sociale de l’eau : les pistes de l’Assemblée Nationale pour favoriser sa généralisation

Publié le 29 mars 2022
Source : Assemblée Nationale, 23 Février 2022


Tarification sociale de l'eau

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée Nationale a mandaté une « mission flash » consacrée au bilan de l’expérimentation d’une tarification sociale de l’eau. Le 23 février 2022, ses recommandations étaient rendues publiques pour permettre un déploiement sur tout le territoire.

Contexte : afin d’améliorer l’accès à l’eau des personnes précaires, la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre, dite loi « Brottes », a autorisé à titre expérimental la mise en place d’une tarification sociale de l’eau (41 collectivités étaient parties-prenantes). Depuis 2020, ce dispositif est ouvert à l’ensemble des collectivités territoriales chargées du service public d’eau et d’assainissement (SPEA).

Les points de blocages identifiés par la mission

L’accès à l’eau est un sujet politique traité de manière variable selon les territoires :

  • Les prix de l’eau sont très hétérogènes en fonction des territoires. Le prix moyen de l’eau s’élève à 4,19 euros par m3 au 1er janvier 2020, ce qui représente une facture de 503 euros par an, soit 42 euros par mois. En France métropolitaine, les prix moyens varient de 3,66 euros par m3 en Provence-Alpes-Côte d’Azur à 4,8 euros par m3 en Bretagne. Ces disparités s’expliquent en partie par le contexte local et des choix politiques.
  • Le renouvellement des réseaux et des installations est trop faible et de nombreux services d’eau vont bientôt se trouver face à un mur d’investissement. En effet, près de 40 % des réseaux d’eau potable ont plus de 50 ans, sachant que leur durée de vie est comprise entre 60 et 80 ans.
  • Les politiques sociales de l’eau sont caractérisées par une grande diversité, reflet des disparités territoriales et des choix politiques des collectivités en matière d’accès à l’eau : aides forfaitaires au paiement de la facture d’eau (chèque eau, allocation eau), tarification sociale de l’eau (modulation du prix de l’eau pour certaines catégories d’usagers), aides financières attribuées au cas par cas (aides du CCAS), abondement du fonds de solidarité logement, sensibilisation aux économies d’eau (campagne de communication, kits d’économies d’eau…)

La mise en œuvre d’une politique sociale de l’eau se heurte à plusieurs difficultés :

  • Des transferts de données par les administrations sociales qui font l’objet de blocages : ce constat est variable selon les territoires mais certains organismes sociaux évoquent le règlement général sur la protection des données (RGPD), d’autres le manque de moyens techniques et humains pour effectuer le transfert de données.
  • Un important taux de non-recours aux droits : le montant de l’aide est relativement faible (entre 10 et 150 euros par an) et/ou les dispositifs sont peu connus des usagers (seule une personne sur trois en connaîtrait l’existence). La lourdeur administrative des démarches à
    effectuer, mais également la peur d’être stigmatisé ou de faire l’objet de contrôles, conduit les personnes en situation de fragilité à renoncer à faire valoir leurs droits.
  • Des coûts de gestion parfois rédhibitoires : les coûts de fonctionnement sont élevés comparativement aux montants d’aides perçus et l’attribution nécessite une maîtrise d’œuvre conséquente que certaines structures ne peuvent assurer en interne.

Les propositions pour lever les freins à la généralisation de la tarification sociale de l’eau

Établir des plans d’actions destinés à améliorer les conditions d’accès à l’eau dans chaque collectivité :

  • Connaître les usages et les modes de consommation de l’eau de chaque collectivité et disposer d’indicateurs de précarité hydrique.
  • Créer des outils à l’échelle nationale pour favoriser les mises en place des dispositifs : une plateforme cartographiant l’ensemble des collectivités engagées dans une politique sociale de l’eau ; une grille de lecture, type logigramme, pour identifier les mesures les plus adaptées en fonction des caractéristiques locales ; un dossier méthodologique précisant les démarches administratives à effectuer et les moyens à mettre en œuvre dans le dispositif choisi. 

Aller vers une généralisation de la politique sociale de l’eau sur tous les territoires :

  • Une tarification progressive présente l’avantage de poursuivre un objectif à la fois écologique et social. 3 tranches pourraient être distinguées :
    • une première tranche de 0 à 80 m3 pour « l’eau essentielle », à un coût symbolique ;
    • une deuxième tranche de 81 à 200 m3 pour « l’eau utile », à un tarif inférieur au coût des services ;
    • une troisième tranche au-delà de 200 m3 pour « l’eau de confort », à un tarif supérieur permettant d’équilibrer le budget du SPEA
  • Un encadrement plus strict du montant des abonnements mériterait d’être envisagé.
  • L’accès automatique aux aides financières constitue une condition impérative du déploiement d’une politique sociale de l’eau.

Améliorer le transfert de données de la part des administrations sociales.

Développer les actions de prévention et de sensibilisation à une consommation raisonnée de l’eau : détection des fuites d’eau, promotion des atouts de l’eau du robinet…

Garantir un accès à l’eau aux personnes non raccordées : nécessité préalable de clarifier les rôles et compétences des collectivités en la matière et de définir la notion d’accès à l’eau. La mise en place de schémas directeurs paraît une solution simple et adaptée pour répondre à cette question complexe.

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Synthèse et Communication de la Mission « flash » sur le bilan de l’expérimentation d’une tarification sociale de l’eau

Assemblée Nationale, Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, 23 Février 2022