Les correspondant.e.s Partenariats Solidarité EDF portent la politique de lutte contre la précarité énergétique du groupe auprès des professionnels de l’action sociale, des collectivités territoriales, des associations pour accompagner les clients en difficulté. Ce sont des interlocuteurs privilégiés pour les acteurs territoriaux sur la thématique de la précarité énergétique.
- Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a conduit à intervenir sur la précarité énergétique ?
Avant de commencer ma vie professionnelle, j’étais personnellement déjà très investie dans une association de mon village qui permettait à l’ensemble des enfants de classes maternelles et élémentaires de pouvoir apprendre à nager et découvrir les richesses de notre région à travers des excursions en bus. Cette notion d’aider mon prochain a toujours fait partie de mes valeurs. Ainsi, travaillant chez EDF depuis 25 ans, je me suis orientée vers des métiers en lien avec les personnes (Conseillère en économie d’énergie, conseillère au projet rénovation), pour leur apporter une aide, notamment aux niveaux des économies d’énergie.
Correspondante Partenariats Solidarité, depuis 6 ans, je me sens vraiment utile au quotidien car je véhicule des messages qui vont être transmis aux personnes souffrant de précarité énergétique pour agir concrètement sur leur situation et les aider à sortir de cette précarité.
- En quoi consiste votre mission dans le domaine de la précarité énergétique ?
Depuis 30 ans, EDF travaille aux côtés des professionnels de l’action sociale, des collectivités territoriales, des pouvoirs publics pour accompagner les clients en difficulté. La lutte contre la précarité énergétique est un des 16 engagements pris par le groupe au titre de la Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE) et les actions qui en découlent s’inscrivent en faveur d’une transition énergétique juste et inclusive.
En tant que correspondante Partenariats Solidarité, je porte la politique de lutte contre la précarité énergétique auprès des acteurs sociaux. J’interviens sur trois départements : le Gard, le Vaucluse et une partie de l’Hérault.
Dans le cadre de ma mission, je développe des relations partenariales locales. Au fil du temps, je suis devenue une interlocutrice privilégiée sur la thématique de la précarité énergétique pour une multiplicité d’acteurs territoriaux : les travailleurs sociaux, les collectivités territoriales (UDCCAS[1], CCAS, EDS[2]), les structures de médiation sociale (PIMMS[3] Médiation de Nîmes, FACE HERAULT à Montpellier), les structures associatives et caritatives (Secours Catholique, Restos du Cœur) et les associations qui luttent contre précarité y compris la précarité énergétique (Unis-Cité, Service d’Entraide Protestante du Gard, la CLEDE et’ALG par ailleurs très investies dans le Slime[4]).
- Pour mener à bien cette mission, quelles sont les actions concrètes que vous menez et les outils que vous déployez ?
J’anime des réunions d’information sur les dispositifs d’aide (Chèque énergie) ou sur des outils de suivi des consommations des énergie, un sujet qui intéresse énormément au regard de la hausse des prix de l’énergie (Service Équilibre, « EDF et moi » pour suivre sa consommation à la demie heure près). J’anime également des actions de sensibilisation aux écogestes via la MAEM Box (Mon Appart’ Eco Malin) et MAEM digitale, deux supports ludo-pédagogiques très appréciés des travailleurs sociaux et des bénévoles. L’idée étant d’apporter des outils pour qu’ils complètent leur propre boîte à outils.
Les compétences pour ces missions sont de l’écoute auprès des travailleurs sociaux pour répondre au mieux aux attentes du terrain, de la pédagogie, une capacité à pouvoir vulgariser un langage technique (et ça, ce n’est pas évident avec tous les sigles et termes techniques employés !). Il faut également des connaissances techniques et réglementaires constamment à jour liées aux métiers et aux différents dispositifs d’État. L’enjeu de mes interventions est de vulgariser au maximum les informations auprès de mes interlocuteurs pour qu’ils soient dans la capacité de porter des messages simples et clairs auprès des personnes qui en ont besoin.
Ma mission nécessite aussi de connaître les acteurs du territoire. Ce qui implique une présence terrain très importante, de l’organisation et de la rigueur (prise de rendez-vous, recherche d’informations sur les sujets d’actualité par exemple l’évolution des prix de l’énergie, les nouveautés du Chèque énergie).
Enfin, il faut avoir un bon relationnel avec des acteurs différents : acteurs travailleurs sociaux, bénévoles, directeurs d’associations, etc. qui constituent un large spectre très intéressant quand on prend la peine d’écouter et de s’adapter à son interlocuteur.
On essaie aussi d’être innovant : on se réinvente chaque jour pour que la facture d’énergie ne soit plus un frein. Dans ce cadre, on a créé un nouveau dispositif en lien avec les attentes du Conseil Départemental du Gard et les besoins du territoire. On l’a appelé l’EPR (vous apprécierez le jeu de mot) pour « engagement au paiement raisonnable ». C’est un dispositif expérimental mis en place en collaboration avec le département du Gard et le Pôle Solidarité d’EDF basé à Nîmes en complément du dispositif Slime pour trouver des solutions globales et pérennes pour des dettes importantes d’énergie chez EDF.
- Pouvez-vous nous en dire davantage sur l’Engagement au Paiement Raisonnable ?
Ce process a été conçu en étroite collaboration avec le Conseil départemental du Gard et le Pôle Solidarité de Nîmes. Ainsi, après plusieurs échanges, nous avons mis en place un outil de communication spécifique via le PASS d’EDF (portail d’accès au service solidarité) entre les Travailleurs Sociaux du département du Gard et les conseillers du Pôle Solidarité de Nîmes afin de faciliter la mise en place de cet engagement. De plus, nous mis à disposition cinq conseillers experts du Pôle Solidarité, spécifiquement formés à l’accompagnement des clients entrés dans le dispositif.
Les critères d’éligibilité sont les suivants :
- Habiter dans le Gard ;
- Avoir une dette comprise entre 600 et 1 500 euros ;
- Avoir bénéficié d’un diagnostic Slime – réalisé par l’une des 3 associations dans le Gard (l’ALG, la clède et le SEP) ;
- Être éligible au FSL maintien ;
- Ne pas être en situation de limitation de puissance.
Il y a deux composantes fondamentales dans ce dispositif :
- Mise en place d’un délai de paiement possible jusqu’à 24 mois (hors procédure traditionnelle, qui est généralement de 12 mois maximum, pour s’adapter aux capacités de remboursement de chaque client) ;
- Attribution d’une aide complémentaire dans le cadre du FSL maintien de 250 euros versée si le client a respecté les trois premières échéances de son délai de paiement et/ou de sa mensualisation.
L’EPR repose sur une coopération tripartite : ménage (client EDF) – travailleur social – conseiller EDF.
C’est le travailleur social qui déclenche sa mise en œuvre sur la base d’un rapport de visite étayé, rédigé à la suite d’un diagnostic socio-technique (dans le cadre du Slime) au domicile du ménage. Le ménage qui consent à rentrer dans le dispositif d’EPR signe un engagement. A partir de là s’opère un véritable travail d’orfèvre : les 5 conseillers experts contactent les clients tous les mois. Ces derniers sont suivis de la première à la dernière échéance et, au besoin, le conseiller révise les délais pour s’ajuster aux situations particulières (crise covid, perte de l’emploi).
Cette relation personnalisée réussit bien. Ce lien recrée une dynamique chez le client.
Le dispositif a été mis en place en 2018. Aujourd’hui 210 engagements ont été signés. Ceci peut paraitre peu, mais le client sort d’une spirale grâce à cet accompagnement renforcé et se remet à payer, ce qui n’était plus le cas avant. En 2021, 88 % des délais de paiement engagés ont été respectés, 23% des règlements sont faits par le client dans le cadre du délai de paiement : il accepte d’honorer son paiement car c’est à la hauteur de ses moyens, 6% est réglé par le FSL Charges, 5% par l’encaissement du Chèque énergie et 10 % par le FSL Maintien. 56% reste à recouvrir mais comme les délais de paiement sont étalés sur un temps long (24 mois) il y a forcément un laps de temps pendant lequel la dette est en cours.
L’EPR n’existe pas dans d’autres départements, mais le dispositif intéresse.
Lors de réunions inter-partenariales, qui réunissent des structures associatives et étatiques, d’autres fournisseurs d’énergie et d’eau ont pris connaissance de l’existence de l’EPR, ce qui a donné lieu à la mise en place de ce type d’aide auprès de l’Eau de Nîmes. Nous avons été copiés (et tant mieux).
Les ingrédients de réussite sont :
- la relation de confiance entre les partenaires ;
- le travail d’écoute, de connaissance du terrain et d’implication des différents acteurs ;
- une volonté politique locale.
- Quels retours avez-vous de la part de votre public ?
Les professionnels apprécient les outils pratico-pratiques que je mets à leur disposition (des flyers, des supports ludo-pédagogiques, etc.) car applicables immédiatement, et utile pour leur quotidien. Ils apprécient l’aspect pédagogique qui leur permet de s’approprier les sujets, les méthodes pour relayer ces informations aux ménages en difficulté.
Je n’ai pas la connaissance des situations des ménages car c’est l’activité des travailleurs sociaux (conformément au RGPD).
En revanche, la réussite de l’EPR laisse penser que pour les 88 % des ménages qui ont respecté leur engagement dans le cadre de l’EPR, la situation s’est améliorée. Et cela grâce à l’implication des conseillers clientèle EDF et de l’ensemble des travailleurs sociaux du département qui ont été lanceurs d’alerte et ont permis d’avoir ce beau chiffre et de réaliser une action concrète auprès des ménages.
- Qui sont vos partenaires et comment travaillez-vous avec eux ?
Mes partenaires sont les travailleurs sociaux, les collectivités territoriales (UDCCAS, CCAS, EDS). Mais également les structures de médiation (PIMMS médiation de Nîmes FACE HERAULT). En effet, elles ont recréé un lien social avec des clients EDF qui ne sortaient plus des quartiers prioritaires de la ville, restant dans leurs immeubles et qui : soit arrêtaient de se chauffer, soit consommaient mais ne voyaient plus personne. Enfin, je suis en relation avec les associations qui œuvrent contre la précarité : Unis Cité, le SEP, la CLEDE et L’ALG. Avec eux, mes rôles sont multiples. J’ai un rôle d’interlocuteur privilégié, un rôle d’information, de mise en main d’outils, de création de nouveaux projets aussi et enfin la mise en relation avec certains acteurs : ça c’est important.
Je fais office de facilitatrice car certains acteurs, parfois du même secteur, ne se connaissent pas et ne savent pas ce qu’ils font. Quand je crée une réunion inter-partenariale avec des CCAS, des travailleurs sociaux et avec des associations, j’ai le double objectif de les rassembler pour leur apporter d’une part une information mais également de leur donner l’opportunité de mieux se connaitre et d’échanger sur leurs bonnes pratiques pour éviter, in fine, le jeu de ping-pong entre les différentes institutions pour le client en difficulté.
Mes homologues et moi-même avons travaillé aussi avec une école qui a créé l’Escape Watt, un casque de réalité virtuelle qui permet de se transposer dans un logement dans lequel, en moins de 10 minutes, il faut faire un maximum d’écogestes (fermer les fenêtres, éteindre les lumières, arrêter tout ce qui est en veille). Cet outil original a énormément plu aux travailleurs sociaux car il permet la mémorisation, par le jeu, des informations qu’ils vont pouvoir retranscrire aux ménages qu’ils accompagnent. C’est une façon ludique, différente, d’appréhender les économies d’énergie.
- Rencontrez-vous des difficultés particulières ? Des manques ? Des besoins pour réaliser au mieux votre mission ?
Très honnêtement, je ne rencontre pas de difficultés car je suis présente sur le territoire depuis de nombreuses années et l’avantage c’est que mes anciens métiers me permettent d’asseoir mes connaissances techniques et autres. L’idée est de m’appuyer sur ces atouts pour continuer à faire office de facilitateur et mettre les acteurs en relation les uns avec les autres pour permettre aux personnes en difficulté de sortir de leur situation.
- Avez-vous une « bonne recette » à partager ?
Ce qui fonctionne, c’est la présence au quotidien sur le terrain, aux côtés des acteurs en lien avec les ménages en précarité énergétique. Garder le contact avec le « terrain » permet de mieux appréhender les problématiques des travailleurs sociaux, des bénévoles pour les aider à trouver des solutions. Être aux aguets de ce qui peut se passer ailleurs, de ce qui est mis en place par tel ou tel acteur du territoire demande beaucoup d’énergie, mais c’est nécessaire.
Trouver les vecteurs de communication les plus adaptés en fonction des interlocuteurs permet de faciliter la compréhension du phénomène : pour mieux comprendre ce qui va se passer demain, il faut déjà comprendre ce qu’il se passe aujourd’hui. Par exemple, j’interviens auprès d’Unis-Cité, des jeunes volontaires en service civique. J’ai complètement adapté mes interventions, pour vulgariser au maximum les informations : des slides sous forme de quizz, des questions à trous, des modalités de visioconférence avec des animations les plus interactives possibles. J’utilise également des podcasts, très appréciés par les professionnels, pour rendre mes interventions plus dynamiques et vivantes.
- Comment voyez-vous votre mission dans 10 ans ?
J’aimerais que la mission n’existe plus dans 10 ans ! Ce qui signifierait que plus personne ne soit en précarité énergétique. Mais de nos jours nous sommes déjà dans une urgence climatique, un contexte à la hausse -durable- des prix de l’énergie. Nous devons porter plus que jamais un message sur les économies d’énergie (on parle de sobriété énergétique) et sur la nécessaire rénovation énergétique des logements. En tant qu’électricien nous avons un rôle fondamental à jouer dans le cadre d’une transition « juste » (aider tout le monde et notamment les plus faibles). Un extrait du GIEC indique qu’il n’y aura pas de transition écologique sans justice sociale. La mission d’EDF solidarité va être cruciale dans ce contexte. Pour finir, je dirai que « réussir la transition énergétique c’est n’oublier personne »
- Plus globalement, que pensez-vous de la manière dont est traité le phénomène de précarité énergétique sur votre territoire ?
Au niveau du département du Gard il y a une réelle implication des acteurs.
Le dernier PDALHPD[5] du 22 mars 2022 avait comme thème le mal logement. J’ai présenté l’EPR et le Slime, qui peuvent être une des solutions pour lutter contre la précarité énergétique. Le phénomène dans le Gard est un sujet qui est pris à bras le corps et EDF est pleinement partie prenante à cette action. Cela demande du temps mais on s’apprivoise, on se découvre, une fois qu’on se connait, on agit et on voit que les actions portent leurs fruits.
Interview réalisée le 21/04/2022 pour le RAPPEL
[1] Union départementale des centres communaux d’action sociale
[2] Espaces départementaux des solidarités
[3] Point d’information médiation multiservices
[4] Service local d’intervention pour la maîtrise de l’énergie
[5] Plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées