Dite « Loi Climat et Résilience »
Le Parlement a adopté définitivement le 20 juillet 2021 la « loi Climat et Résilience » qui vise à instaurer des mesures de lutte contre le dérèglement climatique dans différents domaines de la vie quotidienne des français (consommation, économie/travail, transports, logement, agriculture, etc.). Le volet « Se loger » contient un certain nombre de mesures censées favoriser la rénovation énergétique des logements et la lutte contre la précarité énergétique.
Vers la rénovation « performante » et « globale »
Article 151 – La loi clarifie l’objectif de disposer d’ici 10 ans « d’un parc de bâtiments sobres en énergie et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre. L’atteinte de ces objectifs repose sur une incitation financière accrue aux rénovations énergétiques performantes et globales via la mise en œuvre d’un système stable d’aides budgétaires, d’aides fiscales de l’État ou [des certificats d’économie d’énergie] accessibles à l’ensemble des ménages et modulées selon leurs ressources, qui vise notamment à créer les conditions d’un reste à charge minimal pour les bénéficiaires les plus modestes, en particulier lorsque les travaux sont accompagnés par un opérateur de l’État ou agréé par lui. »
Article 155 – Une nouvelle définition de la notion de « rénovation performante » est introduite au sein du Code de la construction et de l’habitation. Elle concerne les opérations de rénovation permettant :
- En général : un gain d’au moins deux classes énergétique cumulé à l’atteinte de la classe A ou B.
- Pour les bâtiments qui ne peuvent faire l’objet de travaux de rénovation permettant d’atteindre la classe B (pour des raisons techniques, architecturales ou de coûts disproportionnés par rapport à la valeur du bien) : un gain d’au moins deux classes énergétiques ;
- Pour les passoires énergétiques (classe F ou G) : l’atteinte de la classe C et l’étude de 6 postes de travaux (isolation des murs, isolation des planchers bas, isolation de la toiture, remplacement des menuiseries extérieures, ventilation, production de chauffage et d’eau chaude sanitaire).
Une rénovation performante est par ailleurs considéré comme globale « lorsqu’elle est réalisée dans un délai maximal de moins de 18 mois pour les bâtiments ou parties de bâtiment à usage d’habitation ne comprenant qu’un seul logement ou à moins de vingt‑quatre mois pour les autres bâtiments ou parties de bâtiment à usage d’habitation et lorsque les six postes de travaux précités ont été traités. »
La non-décence des logements
> Les logements F et G deviennent non-décents au 1er janvier 2028
Pour rappel, les textes réglementaires parus début 2021 fixent un seuil évolutif de performance énergétique à partir duquel un logement sera considéré comme non-décent : 450kWh/m2.an en énergie finale à partir de 2023, 450kWh/m2.an en énergie primaire à partir de 2025 puis 330 kWh/m2.an en énergie primaire (soit tous les logements classés F et G du DPE) en 2028.
Article 160 – A compter du 1er janvier 2025, le logement énergétiquement décent n’est plus défini en fonction d’un « seuil maximal de consommation d’énergie », mais doit répondre à un « niveau de performance énergétique minimal », défini par décret (les niveaux de performance sont écrits dans la loi, par ordre de performance croissant de « extrêmement peu performants » – classe G – à « extrêmement performants » – classe A – pour assurer la cohérence avec les seuils de performance énergétique du futur DPE). Ainsi seront considérés comme non-décents (et donc « aptes » à la location) :
- Les logements de classe G à partir de 2025 (soit 600 000 logements) ;
- Les logements de classe F et G à partir de 2028 (soit 1,8 millions de logements) ;
- Les logements de classe E, F et G à partir de 2034 (soit 4,8 millions de logements).
Outre-mer, cela concerne les logements de classe G à partir de 2028 et de classe F et G à partir de 2031.
Sont exclus de ce périmètre : les logements en copropriété dont le bailleur démontre qu’il n’est pas en mesure d’atteindre le niveau de performance minimal malgré ses efforts (examen des solutions de travaux dans le communs ou en partie privative) et les logements soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales qui font obstacle à l’atteinte du niveau requis.
> La transmission des données du DPE pour la conservation de l’allocation logement
Article 162 – Les données du DPE sont mises à la disposition des caisses d’allocations familiales et des organismes de la mutualité sociale agricole pour leur permettre de conserver l’allocation de logement dans le cas où des logements locatifs n’ont pas une performance énergétique suffisante pour être considérés comme décents (cf. point précédent). Il s’agit d’un outil potentiellement très efficace pour contraindre à la réalisation de travaux des bailleurs privés qui proposent à la location un bien de qualité très moyenne ou médiocre et ciblent délibérément les ménages aux ressources modestes, éligibles aux APL, lors de leur recherche de locataire. Cette mesure devra s’accompagner d’une information accrue pour les locataires et les bailleurs sur leurs droits et leurs devoirs en matière de décence, et sans doute d’un renfort de moyens humains pour les Caf et MSA mises à contribution (pour contrôler les sortie d’indécence notamment).
La loi précise également que l’autorisation préalable de location dans le cadre de la mise en place sur un territoire d’un permis de louer est également subordonnée au respect par le logement mis en location des critères de décence. Là encore, les capacités de contrôle des collectivités mettant en place le permis de louer devront être renforcées pour que la loi soit pleinement respectée (et les sanctions appliquées en cas de non-respect par les bailleurs de la demande d’autorisation préalable de location).
> L’interdiction d’augmenter le loyer des logements F et G étendue
Article 159 – L’interdiction d’augmenter les loyers des passoires énergétiques est étendue à l’ensemble du parc locatif privé, et plus seulement aux logements situés dans les zones tendues, que ce soit à la relocation du bien entre deux locataires, au cours du bail ou lors de son renouvellement. Cette interdiction s’appliquerait aux logements meublés et s’appliquerait un an après l’entrée en vigueur de la loi en métropole et à compter du 1er juillet 2023 en Guyane, à La Réunion et à Mayotte.
Un SPEEH renforcé et une obligation progressive d’accompagnement aux travaux de rénovation énergétique
Article 164 – En s’appuyant sur certaines préconisations du rapport d’Olivier Sichel, la loi précise et renforce le service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) avec notamment :
- Le SPPEH comporte un réseau de guichets d’information, de conseil et d’accompagnement à la rénovation énergétique, dont les compétences techniques, juridiques, financières et sociales sont équivalentes sur l’ensemble du territoire national. Ce service public peut être assuré par les collectivités territoriales et leurs groupements, à leur initiative et avec leur accord
- Un accompagnement global des ménages par des opérateurs agréés par l’État (architectes, maîtres d’œuvre, professionnels de la rénovation, structures porteuses du guichet du service public, etc.), depuis le diagnostic jusqu’au suivi des travaux, en passant par le plan de financement et le choix des artisans ;
- L’obligation progressive de cet accompagnement dans le cadre de l’octroi de MaPrimeRénov’ ou des autres aides de l’Anah (1er janvier 2023 au plus tard) ;
- La transmission, entre les différents intervenants, des données du parcours de rénovation des ménages.
- Le SPEEH devient destinataire de l’audit énergétique obligatoire lors de la vente d’un logement F ou G, ainsi que les coordonnées de l’acquéreur, à des fins d’information et de conseil.
Un coup de pouce pour financer le reste à charge des ménages modestes
Article 169 – Repris également du rapport d’Olivier Sichel, la loi introduit une garantie par l’État des prêts avance mutation destinés à la réalisation de travaux permettant d’améliorer la performance énergétique du logement. Elle doit permettre aux ménages modestes ou à ceux qui ont des difficultés à accéder au crédit de financer le reste à charge des travaux de rénovation énergétique de leur logement en reportant le remboursement de l’emprunt au moment de la vente du logement.
Un autre article (161) prévoyait également la création d’un « congé pour travaux d’économies d’énergie », permettant à un propriétaire bailleur de donner congé au locataire pour des travaux de rénovation permettant au logement d’atteindre le niveau de performance minimal pour être considéré comme décent. Cet article a été censuré par le Conseil constitutionnel dans une décision du 13 août 2021.
Obligation étendue pour le DPE et l’audit énergétique
Article 158 – Tout logement (hors copropriété) de classe F ou G mis en vente doit faire l’objet d’un audit énergétique à partir de 2022, il présente notamment des propositions de travaux.
Concernant les copropriétés, l’obligation de réaliser un DPE collectif est étendue à l’ensemble des bâtiments d’habitation collectif dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013. Elle ne serait donc plus limitée aux seuls bâtiments équipés d’une installation de chauffage ou de refroidissement et implique pour les copropriétés de réaliser un DPE d’ici fin 2024 ou 2025 (selon le nombre de lots).
Article 171 – La réalisation d’un plan pluriannuel de travaux devient aussi obligatoire dans les copropriétés de plus de 15 ans. Réalisé à partir d’une analyse du bâti et des équipements de l’immeuble, il comprendrait notamment une liste des travaux hiérarchisés permettant, entre autres, la réalisation d’économies d’énergie (avec niveau de performance énergétique attendu), ainsi qu’une une estimation du coût et une proposition d’échéancier sur 10 ans. L’article de loi prévoit la création des provisions correspondantes dans le fonds de travaux de la copropriété et la disposition entrerait en vigueur entre janvier 2023 et janvier 2025 selon la taille de la copropriété.
Consulter également le décryptage de la loi par l’ANIL dans son Habitat Actualité du mois d’août.