Amendements du Sénat au projet de loi Climat et résilience
Afin de faciliter la compréhension de cet article et la navette parlementaire[1] en cours sur ce projet de loi, nous vous conseillons de lire au préalable notre article « Le projet de loi Climat et résilience débattu au Parlement »
Après son examen à l’Assemblée Nationale au mois d’avril et l’adoption de certaines mesures relatives à la lutte contre la précarité énergétique, c’est au tour du Sénat de se pencher sur le projet de loi Climat et Résilience depuis le 14 juin. Point sur les amendements déposés avant son examen en plénière.
Les commissions réunies entre le 26 mai et le 3 juin ont proposé un certain nombre de modifications au projet de loi examinées depuis le 14 juin en plénière et notamment :
Sur la notion de performante énergétique des logements
- Un amendement qualifie les logements de catégorie C de « moyennement performants » au sens de la classification du DPE (diagnostic de performance énergétique), au lieu de « assez performants », afin de signifier qu’un logement de catégorie C n’est pas suffisamment performant pour contribuer à l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone.
- Un nouvel article (39 bis C) clarifie l’objectif de disposer « d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes bâtiments basses consommation ou assimilées à l’horizon 2050, en menant une politique de rénovation thermique des logements concernant majoritairement les ménages aux revenus modestes« . La rédaction initiale et plus floue évoquait le fait de « disposer à l’horizon 2050 d’un parc de bâtiments sobres en énergie et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre ».
- Un nouvel article (39 ter) clarifie la définition de la « rénovation énergétique performante ». Celle-ci suppose l’atteinte de la classe A ou B, à l’exclusion de la classe C, contrairement à la version de l’Assemblée qui qualifiait l’atteinte de la classe C (voire D) comme une rénovation performante.
Sur la non-décence des logements
- Un amendement (art. 42) reporte à 2040, au lieu de 2034, la date à laquelle les logements de classe E seront considérés comme non décents et donc interdits à la location, en réponse notamment aux inquiétudes des professionnels de l’immobilier. Un autre amendement propose la date du 1er janvier 2048 pour la disparition des logements de classe D, en cohérence avec la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) prévoyant un parc de bâtiment basse consommation (BBC) en 2050. Et un troisième amendement prévoit d’exclure du spectre de la non-décence les logements anciens dont la performance énergétique ne pourrait être améliorée (du fait de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales).
- Un amendement (article 41) supprime le délai d’un an en outre-mer pour interdire l’augmentation des loyers pour les logements de classe F et G.
- La mise en place d’un « arrêté de précarité énergétique », sur le modèle de l’arrêté de péril, qui permettrait à un maire ou président d’EPCI de « prescrire l’exécution de travaux de rénovation énergétique pour des locaux d’habitation » considérés comme des passoires thermiques dès 2028. Celui-ci pourrait également « procéder à tous contrôles qui lui paraissent utiles à l’effet de vérifier la performance énergétique du logement » et que le bailleur prenne à sa charge l’hébergement du locataire si les travaux de rénovation ne permettent pas un bon usage du logement.
- La modification l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 précisant que « le locataire est fondé à demander au propriétaire la mise en conformité des lieux loués sans que le bailleur ne puisse contester ni son engagement locatif », qu’il puisse avoir à accès à certains documents permettant d’appuyer sa demande (comme le constat de non-décence de la CAF ou le diagnostic de performance énergétique – centralisé par l’Ademe et l’Anah) et que le bail (et donc les loyers) puisse être suspendu le temps que les travaux soient effectués.
- Un amendement permettant à un organisme payeur d’allocations (CAF ou MSA) et aux collectivité (commune ou EPCI) « de s’associer à l’action du locataire, notamment par la voie d’une intervention à titre volontaire devant le juge ».
Sur le sujet de l’obligation de rénovation des logements non-décents du parc locatif privé, une évaluation du Ministère de la transition écologique a par ailleurs présenté les nombreux bénéfices du dispositif :
- Un bilan socio-économique positif puisque les économies d’énergie induites, ainsi que la baisse des émissions de CO2 et l’amélioration de l’état de santé des locataires, l’emportent largement sur le coût de la rénovation pour les bailleurs ;
- Les économies d’énergie et la réduction des émissions de CO2 dépassent les coûts d’investissement dans la rénovation énergétique ;
- La mesure présente des co-bénéfices de santé significatifs (notamment 10 000 décès évités), car les logements ciblés sont ceux où existent des risques sanitaires associés aux températures intérieures froides ;
- En raison du niveau de revenu moyen des locataires et des bailleurs, la mesure induit une redistribution des ménages les plus aisés vers les ménages plus modestes ;
- Le coût pour les finances publiques de la mesure, lié à la mobilisation des dispositifs publics d’aide à la rénovation et aux moindres recettes de taxes énergétiques, est progressivement atténué – même si jamais totalement compensé – par la réduction des coûts de santé.
Sur le service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH)
- Un amendement (art. 43) clarifie les missions et le fonctionnement du (SPPEH) : renforcement du rôle des collectivités territoriales, précisions sur l’accompagnement des ménages (modalités d’agrément des opérateurs, possibilité pour les collectivités d’être opérateurs de l’accompagnement, ciblage de l’accompagnement sur les rénovations d’au moins 5 000 €).
Sur l’incitation aux travaux d’économie d’énergie pour les ménages
- Pour les ménages les plus modestes, les sénateurs proposent de garantir « un reste à charge minimal » et de demander « la gratuité des accompagnateurs de la mission Sichel« .
- Un amendement augmente le déficit foncier qu’un propriétaire bailleur peut déduire de ses revenus imposables dès lors qu’il réalise des travaux d’économies d’énergie.
- Un amendement permet aux logements de classe F et G de tout le territoire d’être éligibles au dispositif Denormandie (aide fiscale accordée dans le cadre d’un investissement locatif) si le propriétaire bailleur réalise une rénovation performante.
- Un amendement créé un « congé pour travaux d’économies d’énergie », permettant à un propriétaire bailleur de donner congé au locataire pour des travaux de rénovation lourde.
- Un amendement propose de rétablir la TVA à 5,5% sur l’ensemble des travaux de rénovation énergétique, d’accessibilité et de mise aux normes dans les logements sociaux.
Les parlementaires et l’exécutif appelés à agir de manière plus ambitieuse
L’examen du projet de loi doit s’achever ce mardi 29 juin avant de repartir en relecture à l’Assemblée Nationale, dans un contexte où de nombreux acteurs se mobilisent pour infléchir le débat, qu’ils soient élus ou issus de la société civile, à l’image des Présidents de la Métropole de Lyon et de Grenoble Alpes Métropole qui ont adressé le 11 juin 2021 une lettre ouverte aux Sénateurs et aux Députés de l’Assemblée Nationale, ou de l’eurodéputé Pierre Larrouturou et les militants Cyril Dion et Camille Etienne qui ont déposé plainte le 16 juin contre Jean Castex et quatre ministres pour leur inaction contre le changement climatique, devant la Cour de justice de la République.
Les sources nous ayant permis de rédiger cet article :
- Article « Projet de loi Climat et Résilience : les apports du Sénat en commission, première partie » (Banque des Territoires)
- Article « Loi Climat et résilience : les sénateurs veulent « consolider » le volet logement » (Batiactu)
- Article « Interdiction de location des passoires thermiques : l’ACDL appelle à protéger les locataires des « congés représailles » » (AEF info – réservé aux abonnés)
[1] La navette parlementaire désigne la transmission et l’examen successif d’un projet ou d’une proposition de loi, par l’Assemblée nationale et le Sénat, en vue d’aboutir à une adoption dans des termes identiques par les deux chambres dans le cadre de la procédure législative.