Face à une politique publique de rénovation énergétique « en chantier », le Sénat appelle à accélérer le mouvement

Publié le 12 juillet 2023
Source : Sénat, Juillet 2023


La commission d’enquête sénatoriale sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique a été lancée en janvier dernier afin de comprendre pourquoi la France ne parvient pas à atteindre ses objectifs en matière de rénovation énergétique et de proposer des solutions pour y remédier. Conclusion : une politique nationale jugée encore « en chantier » et 23 recommandations pour accélérer la rénovation énergétique des logements.

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et éliminer la précarité énergétique, la France s’est donné pour objectif de rénover 370 000 logements par an d’ici 2030 et 700 000 au-delà. Mais elle en est loin avec moins de 100 000 rénovations globales en 2022. Pourtant, plus de 8 milliards par an sont dépensés pour la rénovation énergétique chaque année. Après avoir auditionné 174 personnes et réalisé trois déplacements dans les territoires (comme ici un en Isère), la commission a rendu ses conclusions le 5 juillet dernier.

Les constats : des enjeux d’ampleur et une politique encore « en chantier »

Au terme de ses travaux, la commission d’enquête constate que deux tiers des 37 millions de logements français sont concernés par la rénovation énergétique. 5,2 millions sont considérés comme des passoires énergétiques. La rénovation énergétique des logements présente des enjeux écologiques, mais aussi sociaux et sanitaires (élimination de la précarité énergétique), urbains et patrimoniaux (limitation de l’artificialisation et préservation du bâti ancien) et industriels (développement d’une filière française de rénovation).

La commission est notamment interpellée par le coût des boucliers tarifaires mis en place depuis 2021, soit plus de 63 milliards d’euros, pour un impact à court terme, alors que les budgets consacrés à la rénovation énergétique sont beaucoup moins importants (moins de 9 milliards d’euros) :

Face à ces enjeux, la politique publique de rénovation énergétique des logements reste selon le rapport  « en chantier ». Il identifie un vrai risque de découragement et un manque de confiance en raison de l’instabilité, de la complexité des dispositifs d’aide, des fraudes et d’un reste à charge trop élevé. Par ailleurs, si depuis 2017, on constate une massification des gestes de rénovation, le nombre des rénovations globales vraiment efficaces reste très inférieur aux objectifs. La plupart des travaux financés n’entraînent qu’un changement de mode de chauffage. Enfin, les principaux instruments de la politique de rénovation sont encore en cours de déploiement et de fiabilisation tels le DPE (« Le bâtiment est malade mais le thermomètre qu’est le DPE donne une température différente selon le médecin »),le label RGE, l’Accompagnateur Rénov’ et le pilotage interministériel. D’autres difficultés sont insuffisamment prises en compte comme la situation des copropriétés ou des logements construits avant 1948.

23 recommandations pour relever le défi de l’accélération de la rénovation énergétique

Pour relever le défi de l’accélération de la rénovation, la commission d’enquête a retenu une vingtaine de propositions structurées autour de 4 axes :

  • Axe 1 : Définir une stratégie stabilisée, ambitieuse et solidaire
    • Préserver un mix énergétique équilibré et résilient. Adopter un calendrier réaliste de réduction du gaz fossile, ne pas interdire les chaudières à gaz.
    • Promouvoir les rénovations les plus efficaces, dans des parcours vers la rénovation globale, qui doivent être systématiquement mieux aidés que les gestes isolés.
    • Conforter la priorité vers les plus modestes pour atteindre un reste à charge minimal.
    • Garantir la stabilité des aides et leur financement à travers une loi de programmation.
    • Assurer le pilotage de la rénovation énergétique au niveau du Premier ministre.
  • Axe 2 : Redonner confiance, fiabiliser les outils, ancrer la rénovation dans les territoires
    • Fiabiliser le DPE, créer un DPE spécifique pour le bâti ancien, intégrer le confort d’été. Rendre le DPE obligatoire pour toute demande d’aide. Poursuivre la professionnalisation des diagnostiqueurs (créer une carte professionnelle).
    • Replacer les collectivités locales au cœur de l’information et de l’accompagnement comme responsables d’un guichet unique. Favoriser les initiatives et expérimentations.
    • Garantir un Accompagnateur Rénov’ de confiance, compétent et neutre.
    • Redonner aux artisans leur rôle d’acteur de proximité et de confiance dans la rénovation en simplifiant le RGE (contrôle a posteriori sur chantier).
    • Mieux lutter contre la fraude en renforçant la coordination des contrôles. Redonner des moyens humains à la DGCCRF. Alourdir les peines en cas d’escroquerie (jusqu’à 10 ans de prison et 1 million d’euros d’amende) et développer les peines en pourcentage du chiffre d’affaires. Rendre obligatoire un lien avecFrance Rénov’ dans toute publicité pour la rénovation.
  • Axe 3 – Garantir le financement de la rénovation
    • Porter les crédits de MaPrimeRénov’ à 4,5 Mds€ en 2024 (+ 1,6 Md€). Tripler les aides pour les plus modestes jusqu’à 45 000 € en cas de rénovation globale au lieu de 17 500 €.
    • Porter l’éco-PTZ de 50 000 à 70 000 € pour les rénovations globales.
    • Accorder un taux zéro pour le prêt avance rénovation pour les plus modestes.
    • Coupler les aides (MPR et CEE) et les prêts de manière transparente pour les citoyens.
    • Évaluer l’efficacité d’un couplage du taux de TVA à 5,5 % sur les travaux de rénovation avec les aides.
    • Faire du DPE collectif la référence dans les copropriétés, notamment pour les locations, et faciliter les décisions et le financement des travaux par un recours élargi à la majorité simple.
    • Redonner 1,5 Md€ d’aides de l’État aux bailleurs sociaux dès 2024.
  • Axe 4 – Structurer une filière industrielle française de la rénovation
    • Former 200 000 professionnels d’ici 2030.
    • Soutenir la relocalisation de la filière française de matériaux et d’équipements, notamment de PAC. Augmenter de 45 % les crédits de recherche du CSTB d’ici 2027.
    • Développer le recours aux matériaux biosourcés par la commande publique, une bonification des aides et un appui à la certification.
    • Développer la géothermie, simplifier les conditions réglementaires.
    • Doubler, dès 2024, en les portant à 1 Md€ les aides de l’Ademe pour le chauffage urbain.
    • Réussir la rénovation du bâti ancien et patrimonial en adaptant la réglementation (DPE, recensement, règle d’ITE, exceptions à la loi Climat et résilience), en développant les aides et en formant les acteurs.

>> Consulter le rapport de la commission d’enquête et sa synthèse :

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Synthèse

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Rapport complet

Rapport de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique

Sénat, Juillet 2023