L’Institut de l’Économie pour le Climat est une association à but non lucratif experte de l’économie et de la finance. I4CE souhaite faire avancer la lutte contre les changements climatiques en informant le débat sur les politiques publiques et en accompagnant les décideurs publics et privés.
PanelRénov’ : un outil d’analyse de la viabilité économique des projets de rénovation pour les ménages
L’I4CE a développé PanelRénov’, un outil basé sur des situations concrètes et qui se place du point de vue des ménages pour identifier les obstacles économiques à la rénovation. L’outil tient compte de nombreux facteurs comme le coût des travaux, les montants d’aides publiques (MPR, CEE, Habiter Mieux, éco-PTZ), le prix des énergies, le recours à l’emprunt ou aux fonds propres des ménages. Il en calcule les effets sur cinq indicateurs-clés et détermine si les projets de rénovation sont économiquement viables à partir de seuils définis sur la base de la littérature et d’entretiens avec des ménages rénovateurs, des plateformes territoriales et des experts de la rénovation. L’outil est en accès libre sur le site d’I4CE.
Analyse de 6 situations concrètes de ménages souhaitant rénover leur logement
A l’aide de cet outil, I4CE a souhaité évaluer si la trajectoire des opérations de rénovations énergétiques actuelles étaient alignées avec les objectifs nationaux de la Stratégie nationale bas-carbone, à savoir un parc de logements faiblement consommateur et n’émettant plus de CO2 à l’horizon 2050, ce qui doit se traduire par des rénovations performantes des logements, à un niveau « Bâtiment basse consommation » en moyenne.
En se basant sur 6 maisons individuelles sélectionnées afin de rendre compte de la diversité du parc de logement français (typologie, géométrie, mode de chauffage), I4CE a ainsi étudié la viabilité économique de quatre type de projets de rénovation : la rénovation globale atteignant le niveau BBC (bâtiment basse consommation), une rénovation intermédiaire combinant un bouquet de quelques gestes, permettant d’atteindre une réduction de la consommation énergétique de 40 %, une rénovation simple (par exemple l’isolation des combles ou des fenêtres) et une rénovation centrée sur la réduction des émissions de carbone via le remplacement du système de chauffage par un système électrique très performant.
Les aides publiques actuelles ne permettent pas d’atteindre les objectifs nationaux
L’étude montre que le système d’aides à la rénovation énergétiques ne coïncide pas aujourd’hui avec une trajectoire bas carbone à l’horizon 2050. Plusieurs raisons à cela :
- Les conditions d’éligibilité des aides actuelles ne sont pas alignées avec l’objectif de rénovation globale : les nombreuses aides publiques en faveur de la rénovation énergétique financent en majorité des rénovations simples (99,7% pour MaPrimeRénov, 67% pour l’éco-PTZ) qui « consistent le plus souvent à entretenir des logements, par exemple pour remplacer une chaudière en panne, sans logique de performance à terme. » Par ailleurs, les conditions d’éligibilité des volets des aides portant sur la rénovation globale sont jugés trop peu ambitieux puisque le seuil d’éligibilité et fixé entre 35 et 55% d’économies d’énergie et au moins une étiquette E après travaux. « Or, pour qu’une rénovation globale soit performante du point de vue des objectifs nationaux, il faut viser une réduction de la consommation d’énergie primaire de l’ordre de 75%. »
- Le montant des aides est relativement bas au regard du coût des rénovations globales : une rénovation globale et performante coûte en moyenne 40 à 91 000€. Or pour les ménages précaires l’aide Habiter mieux est plafonnée entre 10 500 et 15 000€ selon le niveau de revenus, et pour les revenus intermédiaires le forfait rénovation globale de MaPrimeRénov’ subventionne les travaux à hauteur de 7 000€ (+7 000€ de prime CEE). Par ailleurs, l’étude démontre qu’il est souvent plus intéressant pour un ménage de réaliser une demande d’aide pour chaque geste de travaux séparé que de réaliser une demande d’aide à la rénovation globale : « Pour l’ensemble des rénovations globales étudiées, le programme Habiter Mieux n’est intéressant que dans un 1 cas sur 12 comparé à l’addition des aides par geste MaPrimeRénov’ et CEE ». Et malgré tout, les aides additionnées ne couvriraient généralement qu’entre 20 à 40% des coûts de la rénovation globale, du fait des limites imposées par les dispositifs (en termes de montant d’aide total, de pourcentage de dépenses éligibles ou d’assiette des travaux éligibles).
- Avec les aides actuelles, les rénovations globales ne sont pas viables pour les ménages : le reste à charge pour les ménages est décourageant pour les ménages souhaitant se lancer dans une rénovation globale, avant même de considérer l’emprunt pour couvrir celui-ci. Il se situe entre 25 et 55 000€ pour les ménages modestes ou très modestes.
En obtenant un Eco-PTZ (pour le cas où le ménage dispose d’une capacité d’emprunt), le reste à charge pour ces ménages reste entre 5 et 35 000€. Et le temps de retour sur investissement (perspective de réaliser des économies) est systématiquement supérieur à 10 ans, ce qui intervient très tard pour un ménage qui se projetterait difficilement au-delà de cette échéance.
Deux alternatives pour rendre économiquement viables les rénovations globales
I4CE étudie dans son rapport deux pistes pour améliorer la viabilité économique des rénovations globales :
- Accroître la fiscalité carbone (et ainsi augmenter le prix des énergies carbonées), supprimer les subventions et faciliter l’accès au crédit bancaire à taux bas. Dans ce cas, les économies d’énergies ne permettent pas de rembourser les mensualités du prêt. Et une tarification de l’énergie très élevée serait nécessaire pour que le temps de retour sur investissement des rénovations globales reste inférieur ou égal à 10 ans, dans la mesure où les ménages appréhenderaient difficilement une hausse future des prix de l’énergie et le coût des travaux d’entretien qu’ils devront mener de toute manière dans leurs logements.
- Augmenter les subventions pour les rénovations globales, en les combinant à un prêt à taux bas. Des taux de subvention de 40 % pour les ménages les plus aisés et jusqu’à 100 % du coût des travaux pour les ménages les plus modestes (inspiré du barème proposé par la mission Sichel) permettraient de rendre les projets de rénovation globale viables, à condition que les ménages puissent également obtenir un prêt à taux bas, sur une durée longue (jusqu’à 30 ans), et un plafond élevé (jusqu’à 60 000 euros). Au-delà de son intérêt pour les ménages rénovateurs, les implications de cette prise en charge, notamment son coût budgétaire, restent à évaluer.
Consulter l’étude :