Crise énergétique en France
Avec le conflit en Ukraine et le vieillissement du parc nucléaire français, la conjoncture est exceptionnellement mauvaise et inquiétante en prévision de l’hiver prochain.
La production nucléaire est au ralenti
Au 5 juillet 2022, d’après les données transmises par EDF, seule la moitié des réacteurs français étaient disponibles à la production. Soit 28 sur 56. Visites décennales pour certains du fait de la prolongation du parc nucléaire au-delà de 30 ans et, pour d’autres, pour maintenance (problèmes de corrosion et risques de fissures), rechargement de combustible ou autres raisons techniques.
Les épisodes caniculaires obligent en outre les centrales à réduire ou arrêter leur activité.
En 2022, le nucléaire français est à son niveau historique le plus bas : les dernières estimations se situent actuellement entre 280 et 300 térawatt-heure (TWh) pour l’année.
Conséquence : jamais la France n’a acheté autant d’électricité à l’étranger.
Le marché du gaz bouleversé par la guerre en Ukraine
Autre facteur qui aggrave cette crise énergétique : l’envolée du prix du gaz.
Le Dutch TTF, indicateur de référence, a plus que doublé pour atteindre 200 euros quelques jours après le début de la guerre. Depuis, le prix du gaz varie entre 80 et 150 euros le KWh, un niveau historique.
La Russie ayant coupé les robinets, la France se détourne du gaz russe acheminé par gazoduc (qui n’est pas cher) pour se tourner vers du Gaz naturel liquéfié (plus cher).
Un tiers du gaz en France est utilisé pour produire de l’électricité, et cette part devrait augmenter cette année pour compenser le ralentissement du nucléaire.
« Tout le gaz qu’on est en train de brûler pour produire de l’électricité, c’est autant de gaz dont on va manquer à l’hiver. Notre gaspillage d’électricité risque de créer une pénurie », s’inquiète le directeur du Centre énergie de l’Institut Jacques Delors.
Face aux craintes pour l’hiver prochain, la France est engagée dans une course aux stocks. Au 11 juillet, les réserves françaises de gaz étaient remplies à 67,5%, un niveau correct par rapport aux années précédentes. Le gouvernement a demandé aux gestionnaires de viser un remplissage de 100% avant le 1er novembre, contre les 85% auxquels ils sont tenus chaque année à cette date.
Des variations fortes mais régulées pour le pétrole
La guerre en Ukraine a également fait monter le prix du baril de pétrole (entre 100 et 120 dollars ces dernières semaines). Cela a un impact sur la chaine de produits dérivés du pétrole mais également sur le prix du litre de gazole et de sans plomb à la pompe qui a dépassé la barre symbolique des 2 euros.
En France le gouvernement a mis en place des mesures pour aider l’ensemble des Français à faire face à l’envolée des prix.
Pour le directeur du Centre énergie de l’Institut Jacques Delors, cette réaction gouvernementale ressemble à une « politique de l’autruche ». « Cela revient à subventionner la consommation de pétrole, et ça bénéficie aux plus riches puisque ce sont eux qui possèdent les véhicules qui consomment le plus. C’est une politique qui coûte cher et qui aggrave le problème car elle empêche le signal du prix de faire son effet », c’est-à-dire de provoquer une baisse de la consommation, juge le spécialiste.
Des pistes pour limiter les risques de pénuries
Au rayon des énergies renouvelables, « plusieurs projets d’éolien et de solaire, qui équivalent à plusieurs GWh, sont bloqués en préfecture, pour des raisons administratives »
Les stocks hydrauliques, eux, sont en cours de remplissage, mais la vitesse de remplissage a ralenti ces dernières semaines, et la sécheresse que la France traverse n’incite pas à l’optimisme.
Le gouvernement multiplie les mesures pour alléger le poids de cette flambée des prix dans le portefeuille des français (bouclier tarifaire, loi pouvoir d’achat). Mais les économies d’énergie n’occupent pas encore assez de place dans les débats et les faits.
- Consulter l’article détaillé de France Info illustré par 7 graphiques : Baisse de production nucléaire, prix du gaz, risques de pénuries… Sept graphiques pour comprendre la crise énergétique en France
Projection sur l’augmentation des prix de vente réglementé d’électricité en 2023
Les prix régulés de l’électricité risquent de s’envoler en France l’an prochain, et le bouclier tarifaire ne pourra pas tenir éternellement.
Dysfonctionnements croissants du marché de l’électricité en France : la Cour des comptes demande une évolution rapide
En parallèle, la Cour des comptes a publié mardi 5 juillet un rapport sévère sur les dysfonctionnements croissants du marché de l’électricité en France depuis 10 ans, demandant au gouvernement une évolution rapide, d’ici 18 mois, des outils de régulation mis en place depuis la libéralisation du marché européen de l’électricité.
La Cour note entre autres que les TRV, censés protéger les consommateurs des brusques variations des marchés de gros, et acceptés à titre dérogatoire par Bruxelles, sont depuis 2019 « de plus en plus exposés aux variations des prix de marché ».