Le Département de Seine-Saint-Denis entend exercer pleinement son rôle de chef de file[1]en matière de lutte contre la précarité énergétique en fédérant tous les acteurs tous les acteurs locaux et leurs initiatives pour lutter au mieux contre le phénomène.
Cette mise en réseau vise à renforcer au niveau départemental l’animation du réseau d’acteurs, au service de la circulation de l’information et d’un meilleur repérage des ménages concernés. Elle a pour but de simplifier la communication entre élus et professionnels, ainsi que l’émergence de nouvelles coopérations. En plus de favoriser l’échange des bonnes pratiques, et les synergies entre acteurs, elle permet enfin d’élaborer et diffuser des outils pédagogiques et d’organiser des « défis » territoriaux pour mobiliser les habitants des territoires.
Cette alliance se concrétise aujourd’hui à travers plusieurs actions :
Un diagnostic de la précarité énergétique sur le département (septembre 2023) : définition des indicateurs pertinents afin d’obtenir une vision chiffrée de la précarité énergétique, identifier les éléments propres au logement et aux caractéristiques sociodémographiques des ménages, saisir les pratiques des ménages pour réduire la consommation énergétique.
Mis en place de la plateforme « Ecogie » dans le cadre du programme Slime (été 2023)
L’organisation d’un premier COPIL précarité énergétique (printemps 2024) : afin de dresser un état des lieux des dispositifs et des actions intervenant sur le département et réaffirmer les grands axes de la politique départementale de lutte contre la précarité énergétique.
La pérennisation des dispositifs départementaux existants (Ecogie, distribution de kits économes, Fonds solidarité pour l’énergie et l’eau, chèque habitat), mais également la formation des acteurs du territoire, notamment ceux en charge du signalement, et le renforcement des synergies avec les autres dispositifs présents sur le territoire (France Rénov’, Territoire Stop Exclusion énergétique, programme Slime, etc.).
La création prochaine d’un observatoire de la précarité énergétique.
La précarité énergétique en Seine-Saint-Denis, Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, Septembre 2023
Présentation du Comité de pilotage « Lutte contre la précarité énergétique en Seine-Saint-Denis », Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, 22 avril 2024
[1] La loi MAPTAM de 2014 confère aux Départements, en charge de la solidarité et de l’action sociale, le rôle de chef de file en matière de contribution à la lutte contre la précarité énergétique (Art. L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales). Cette compétence les conduit à mener différentes actions en faveur de la résorption du phénomène.
La lutte contre la précarité énergétique et la promotion des énergies renouvelables constituent des priorités essentielles pour l’Union Européenne dans le cadre de la transition énergétique. Dans cette optique, le projet SUN4ALL, financé par le programme européen Horizon 2020, offre aux ménages en situation de précarité énergétique l’opportunité de bénéficier de l’énergie solaire.
Le projet Sun4All
Piloté par un consortium de 12 structures, SUN4ALL est expérimenté dans quatre territoires pilotes en Europe, dont la Communauté de Communes Cœur de Savoie, en partenariat avec l’Institut National de l’Énergie Solaire (INES), l’un des plus grands centres de recherche sur l’énergie solaire en Europe. Il apporte un soutien précieux à la Communauté de Communes grâce à son expertise technique sur le solaire. Le projet vise à analyser l’efficacité de ces expérimentations afin de les reproduire en France et en Europe.
Lancé en octobre 2021, SUN4ALL s’étend sur trois ans. La Communauté de Communes Cœur de Savoie, engagée depuis sa création en 2014 dans le développement des énergies solaires, s’implique activement dans ce projet en cohérence avec sa politique de transition énergétique et son Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET). Cette collaboration permet de concrétiser des actions pour lutter contre la précarité énergétique, notamment en offrant des aides financières et en exploitant de façon engagée ses installations photovoltaïques.
Aides financières aux ménages et auto-consommation collective
Grâce à une première expérimentation, SUN4ALL offre aux ménages éligibles des avantages significatifs : des aides financières soit pour la rénovation énergétique de leur logement, soit pour un allègement de leurs factures d’énergie. Ces aides sont financées via les revenus des installations solaires de Cœur de Savoie. De plus, le programme propose des conseils personnalisés et des ateliers sur la transition énergétique, favorisant ainsi l’éducation et l’engagement des citoyens dans cette démarche collective.
Par ailleurs, SUN4ALL développe dans une seconde expérimentation un volet d’autoconsommation collective, permettant aux locataires de certains bâtiments de réduire leurs factures d’électricité en consommant l’énergie solaire produite localement. Les bâtiments bénéficiaires de cette expérimentation sont gérés par un bailleur social. La production d’énergie est réalisée par Cœur de Savoie grâce à l’installation photovoltaïque d’une centrale de 36kWc sur la toiture de l’un de ses bâtiments. Cette initiative favorise la solidarité et la création d’une communauté engagée dans la transition écologique.
87 ménages bénéficiaires à ce jour
À ce jour, SUN4ALL a déjà accompagné plus de quatre-vingt ménages dans la lutte contre la précarité énergétique. Avec le déploiement de l’installation photovoltaïque, telle que celle portée par la Communauté de Communes Cœur de Savoie sur le bâtiment l’Atelier des Quais en septembre 2023, le projet continue de progresser vers ses objectifs.
Les ménages sont accompagnés progressivement dans leur adhésion au projet. Depuis le premier contact, réalisé via les associations locales, les centres sociaux, jusqu’au versement de l’aide. Les documents d’adhésion simplifiés facilitent leur intégration au programme. Ensuite des animations et ateliers sont proposés afin de leur permettre de s’investir et d’être mieux informés sur le sujet des économies d’énergie, de l’énergie solaire et plus globalement de la transition énergétique.
En combinant l’énergie solaire, l’accompagnement personnalisé et la solidarité communautaire, SUN4ALL contribue à construire un avenir énergétique plus juste, durable et inclusif pour tous.
A retenir :
87 ménages accompagnés sur le territoire de Cœur de Savoie
+de 20 000€ d’aides financières mobilisées sur la première expérimentation
1 BD de sensibilisation aux thèmes de la sobriété et des énergies renouvelables : « Le destin d’Emma »
12 animations, ateliers et visites d’installations photovoltaïques et afin de mieux comprendre l’énergie solaire
Des conseils personnalisés pour réduire ses consommations d’énergie
Lutte contre la précarité énergétique et l’habitat indigne, confort d’été, interventions d’urgence, chantiers solidaires et inclusifs, auto-construction… Découvrez dans le CB info de septembre 2023 l’action des Compagnons Bâtisseurs dans les territoires ultra-marins.
Lutter contre l’habitat indigne dans les territoires ultramarins
Dans le cadre de la journée de la lutte contre la précarité énergétique, l’association Gefosat est intervenue sur Radio Campus pour évoquer la précarité énergétique telle qu’elle est vécue par les étudiant.es.
Une entreprise citoyenne pour développer l’auto-consommation solaire
Les Centrales Villageoises du Trièves (CTV) est une entreprise citoyenne crée et gérée par des habitants bénévoles qui investissent une partie de leur temps et de leur épargne pour concevoir et réaliser des projets contribuant à la transition énergétique dans le sud Isère (38) et notamment le développement de projets photovoltaïques. En plus de leur activité classique de vente d’électricité des toitures louée ou de l’accompagnement des collectivités, l’une des opérations menées consiste à accompagner les particuliers et entreprises pour l’achat et l’installation de kits solaires pouvant couvrir leurs besoins en électricité. Les marges financières importantes dégagées par ce service (chaque accompagnement effectué génère une cotisation à la CTV), ainsi qu’une cagnotte solidaire, ont permis de lancer début 2023 une opération de lutte contre la précarité énergétique en lien avec les acteurs sociaux du territoire.
Des panneaux pour lutter contre la précarité énergétique
Une nouvelle opération a ainsi vu le jour, consistant à fournir des kits de quelques panneaux photovoltaïques de seconde main, pour un prix très modique voire gratuit, aux ménages triévois en situation socio-économique difficile afin de réduire leur facture d’électricité via l’autoconsommation solaire.
Les ménages seront être identifiés via les services sociaux du département qui accueillent les personnes à la recherche d’aides financières (RSA, chèque énergie, aide au paiement des factures). Ils seront ensuite orientés vers les CTV et leur partenaires associatifs en vue d’un diagnostic préalable et d’un éventuel montage des panneaux à leur domicile. La CTV a pour objectif d’installer 50 kits sur 2023-2024.
Né en 2019, le projet baptisé “EmpowerMed” s’est articulé pendant quatre années autour de 3 sujets clés : la précarité énergétique estivale, la santé et le genre.
Ce projet européen visait à lutter contre la précarité énergétique, notamment vécue par des femmes, en mettant en œuvre des solutions concrètes pour améliorer leur confort tout en réduisant leurs factures. Ce programme avait également pour ambition d’évaluer précisément l’efficacité et l’impact de ces solutions pour formuler et porter des recommandations de politiques publiques à plus grande échelle.
Début juin 2023, les 9 partenaires européens du programme EmpowerMed se sont rassemblés à Marseille pour tirer un bilan des quatre années que comptait le projet initial et faire un point sur les missions restantes. Partenaire français du programme, l’association GERES a mené différentes actions liant approche collective et individuelle. Ateliers collectifs et visites à domicile auprès des ménages, ateliers de retours d’expériences avec les professionnels, webinaires, actions de plaidoyers….
>> Pour plus de détails et retrouver les recommandations issues du projet sur les trois sujets clés (sur les axes précarité énergétique d’été, précarité énergétique et genre, précarité énergétique et santé), rendez-vous sur le site du GERES.
Depuis 10 ans, la Ville de Besançon agit pour lutter contre la précarité énergétique. Avec les hausses récentes des prix, la collectivité a décidé de renforcer ses actions en faveur des familles les plus précaires.
En 2022, une centaine de familles ont été accompagnées dans le cadre du programme Slime, avec un objectif de doubler ces résultats à l’avenir. Ce dispositif permet demassifier le repérage, l’orientation et l’accompagnement des locataires et propriétaires en situation de précarité énergétique sur tout le territoire de Grand Besançon. Les habitants de Besançon sont également accompagnés et aidés dans leur projet de rénovation énergétique par des opérateurs de l’habitat tels que l’association Julienne Javel.
Ce webinaire organisé en juin 2023 par InCitu s’adresse à toute structure associative qui envisage d’augmenter la part de fonds privés dans ses financements mais se demande comment passer à l’action.
Cette table ronde sur le fundraising est la deuxième organisée par InCitu, dans le cadre du projet En Communs*. Cette thématique questionne, en effet, les associations sur l’intérêt – l’opportunité – la façon de se tourner vers les fonds privés en complément de la sollicitation de subventions publiques.
>>Programme
Trois professionnels reviendront sur leur expérience dans la recherche de fonds privés : Tilen Martin de Yes We Camp, François Gicqueau du Campus de la Transition
En Europe, plusieurs initiatives sont déjà à l’œuvre pour mener, avec les plus modestes, une transition équitable. C’est le cas de trois initiatives décrites dans un article de Notre Energie n°138 du CLER-Réseau pour la transition énergétique :
Un projet de coopération européenne dans le cadre du programme «Community Energy for Energy solidarity » auquel participe Enercoop et qui réunit une dizaine d’acteurs coopératifs de l’énergie et universitaire. L’objectif est d’examiner les solutions de lutte contre la précarité énergétique mises en œuvre par les uns et les autres en vue de créer une boîte à outils à l’horizon 2024.
La communauté énergétique solaire grecque Hyperion qui propose de fournir aux plus pauvres une énergie gratuite et un accompagnement à la maîtrise des consommations.
La mise en place de transports en commun gratuits au Luxembourg (imitant ainsi plusieurs villes européennes) afin d’encourager l’utilisation des transports mais également protéger la mobilité des plus précaires.
À Grenoble, le contexte de la lutte contre la précarité énergétique est assez spécifique, puisqu’il existe une régie locale de fourniture d’électricité et de gaz, GEG : celle-ci compte aujourd’hui environ 100 000 clients et s’est toujours investie sur le volet social. Ainsi, depuis 2009, GEG et le CCAS de Grenoble collaborent pour aider les ménages en précarité financière et énergétique afin de :
Les solvabiliser par l’octroi d’aides financières ;
Réduire les impayés, grâce à la collaboration entre le service recouvrement de GEG et le Point Conseil Budget du CCAS ;
Lutter contre la précarité énergétique à travers le repérage, l’information et l’accompagnement par le Slime et par d’autres actions collectives.
Repérer et orienter les clients en difficulté
Le partenariat entre le CCAS et le fournisseur permet de repérer et orienter les clients en difficulté le plus tôt possible via une procédure de repérage et d’accompagnement mise en place entre le service recouvrement de GEG et le CCAS.
En ce qui le concerne, le Pôle Energie Solidaire de GEG met en œuvre une mission Energie solidaire au sein de son service contentieux, ceci grâce à dix conseillers Recouvrement et un conseiller spécialisé dans la maîtrise de l’énergie. Tous conseillent et prennent le temps de recevoir toutes les personnes en difficulté afin de trouver les meilleures solutions possibles.
L’objectif de ce pôle est de repérer les foyers en difficulté et les orienter vers le CCAS. En 2021, 3700 clients uniques ont été reçus au service Recouvrement, 16 000 rendez-vous individuels ont été donnés, 150 dossiers de surendettement ont aussi été traités.
Le repérage des ménages en difficulté s’appuie sur l’envoi hebdomadaire d’un fichier de clients en impayés par GEG et grâce à une journée par semaine de permanence du CCAS dans les locaux de GEG. L’aide aux impayés d’énergie repose sur l’accompagnement personnalisé, sur la suspension des poursuites et sur la vérification des droits au chèque Énergie. En 2021, 700 ménages ont été orientés par GEG qui est le premier prescripteur du Slime (60 % du total).
Les facteurs de réussite
A l’aune de cette expérience d’une quinzaine d’années, il apparaît que les facteurs de réussite sont avant tout les moyens humains et financiers mis en œuvre. Le cadre de l’action est rigoureusement établi, notamment en ce qui concerne le processus de repérage, la fiche technique détaillant les rôles de chacun et un reporting hebdomadaire étant effectué. La coordination du partenariat est également serrée à travers des bilans semestriels, des objectifs d’orientation concertés et un échange régulier sur les situations complexes.
En parallèle, les agents de GEG ont été formés en termes de sensibilisation à la précarité énergétique, de surendettement, de connaissance des dispositifs d’aide et de posture professionnelle face aux clients fragiles, et l’accompagnement des clients est global, prenant à la fois en charge les problématiques financières et énergétiques. Enfin, il a été fait appel à l’innovation à travers des outils expérimentaux tels que le conformètre ou l’utilisation de moyens de communication tels que les réseaux sociaux, la vidéo ou l’envoi de SMS.
L’expérimentation nationale dispositif Zéro logement vacant (ZLV) aide les collectivités à mobiliser les propriétaires de logements vacants et à mieux les accompagner dans la remise sur le marché de leur logement après une rénovation ou via la vente du bien. Si il constitue un outil pour lutter contre la crise du logement, le dispositif pourrait répondre à l’un des risques potentiels identifiés suite à la mise en œuvre de « l’interdiction » de location des passoires énergétiques, à savoir la hausse des logements locatifs mis en vacance (pour en savoir plus consulter l’article du RAPPEL « Interdiction » de location des passoires énergétiques : une mise en œuvre pas si évidente »).
Le dispositif ZLV propose aux collectivités de repérer les biens vacants à partir des données statistiques LOVAC, qui permettent de caractériser les logements et d’identifier leurs propriétaires. Sur cette base, et à l’aide d’une boîte à outils, la collectivité peut dès lors contacter le propriétaire du logement et proposer un accompagnement vers des travaux de rénovation voire la vente du bien.
Expérimenté par Vire Normandie (14) depuis 2020, ce dispositif est intégré dans la politique globale de l’habitat conduite par la ville et l’intercommunalité et s’articule avec les OPAH du territoire. Il vient en complément du dispositif d’aides et d’accompagnement mis en place par la collectivité (conseils, permanences habitat, aides financières nationales et locales) et permet de lever certains freins comme le coût des travaux pouvant s’avérer dissuasif pour la rénovation de logements anciens, la complexité des démarches administratives, la crainte de voir le logement en location dégradé ou encore le risque d’impayé de loyer.
La France affiche une forte ambition en matière de rénovation énergétique mais peine à atteindre ses objectifs. À l’initiative du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, le Sénat a créé une commission d’enquête afin de comprendre et de proposer des solutions pour y remédier.
L’ALEC et l’AGEDEN ont accueilli la commission. Les échanges ont porté sur les pistes d’actions qui pourraient accélérer la rénovation énergétique des logements. La rencontre s’est clôturée par la visite d’une copropriété rénovée à Saint-Martin-d’Hères, dans le cadre du dispositif Mur Mur de Grenoble Alpes Métropole.
En bref, voici les constats et les préconisations de l’ALEC.
Les constats :
Au local, une dynamique en œuvre, appuyée par des acteurs expérimentés et reconnus sur le territoire
Une politique ambitieuse à travers le dispositif Mur Mur de Grenoble Alpes Métropole mais encore insuffisante pour répondre aux objectifs
Des inquiétudes sur le cadre du Service Public de la Rénovation de l’Habitat
Des rénovations freinées par le passage aux travaux
Les préconisations :
Une obligation et des aides pour encourager les rénovations globales
Des procédures simplifiées : vers un vrai guichet unique ?
Le département de l’Aude, depuis 2014, développe le programme Slime pour lutter contre la précarité énergétique. A la suite du repérage, la collectivité propose au ménage une visite à son domicile pour l’orienter in fine vers les solutions les plus adaptées à sa situation. Immersion dans la mission d’une conseillère énergie-logement, ce métier hybride de chargée de visite à domicile.
En quoi consiste votre mission dans le domaine de la précarité énergétique ? Et quelles sont les actions concrètes que vous réalisez ?
Je m’occupe du dispositif Slime (Service local d’intervention pour la maîtrise de l’énergie), c’est un dispositif qui est porté au niveau national par le CLER-Réseau pour la transition énergétique. Et le département de l’Aude a mis en place ce dispositif depuis 2014.
La mission consiste à réaliser un diagnostic socio-technique à domicile auprès des ménages qui nous sont orientés. La première étape consiste à dialoguer avec eux sur leur facture et d’analyser leurs consommations. Nous abordons aussi avec eux les problématiques qu’ils ont dans leur logement, nous faisons un point sur l’état du logement, s’il a été rénové ou non. Par la suite, et c’est là la phase la plus importante du diagnostic, nous réalisons ensemble le tour du logement avec l’analyse du système de chauffage, de l’eau chaude, de la ventilation, du poste cuisson, et bien évidemment tout ce qui est électro-ménagers et équipements électriques de loisir.
Les visites durent en moyenne 1h30 et sont entièrement gratuites. L’idée est aussi de remettre au ménage gratuitement du petit matériel économe comme des ampoules LED, des thermomètres, des rideaux thermiques, des joints de porte ou de fenêtres… On a un petit stock de matériel à fournir gratuitement lors de la visite qu’on installe aussi avec les ménages, ce qui est important en plus des gestes quotidiens qu’ils vont devoir réaliser par la suite.
Quels retours avez-vous de la part des ménages ? Dans quelles mesures leur situation s’améliore ?
Au niveau du département de l’Aude on a souhaité réaliser une évaluation du dispositif. Elle est faite un an après la visite. C’est une évaluation par téléphone. On contacte une partie des ménages pour savoir si la visite leur a été utile et faire un point sur l’évolution de leur situation.
Les familles nous disent que concrètement la visite a été utile pour eux, notamment sur l’apport de petits conseils qui leur sont bénéfiques au quotidien pour économiser sur les factures d’eau, d’électricité mais surtout sur l’eau. Et l’intérêt de l’évaluation est aussi de voir que leur projet a été concrétisé. Cette évaluation locale est très importante et enrichissante pour moi également en tant que chargée de visite pour savoir que mon intervention et mes orientations ont abouti sur un meilleur confort de vie dans leur logement et que, lorsqu’il y a eu des travaux, leurs factures d’énergie ont significativement baissé.
Pourquoi et comment mettre en place des aides locales à la rénovation énergétique des logements ? La crise énergétique, couplée à la crise des moyens, conduit de nombreuses collectivités à s’interroger sur les modalités de mise en œuvre d’aides aux particuliers : quelle stratégie mettre en œuvre pour atteindre ses objectifs tout en optimisant l’usage des fonds publics ?
A travers l’analyse de retours d’expériences de territoires innovants de la région Auvergne Rhône Alpes, le CeDRe (Centre de Ressources du service public de la rénovation énergétique de l’Habitat de la Région Auvergne-Rhône-Alpes) a souhaité mettre en lumière les différentes stratégies, mais aussi les difficultés rencontrées pour travailler sur ce sujet : manque de connaissance des facteurs de succès des dispositifs existants et des résultats obtenus par ceux qui proposent des aides locales, difficulté à mobiliser les élus, évolutions permanentes des aides nationales… Il était également important d’identifier certaines bonnes pratiques mises en œuvre pour organiser et définir la mise en place d’aides locales.
Cette note engage un travail de réflexion pour apporter des réponses concrètes aux techniciens et décideurs désireux d’impulser des dynamiques de transition énergétique sur leur territoire.
Consulter la note de décryptage :
Les aides locales à la rénovation énergétique des logements
Région Auvergne-Rhône-Alpes et CeDRe, Novembre 2022
Depuis plus de 25 ans, Soliha 25, 21 & 90 propose aux propriétaires bourguignons un dispositif de pré-financement permettant de faire l’avance de la totalité des coûts des travaux, un moyen performant d’éviter aux ménages d’avancer les subventions tout en apportant des garanties aux entreprises qui réalisent les travaux.
La Région Bourgogne Franche-Comté présente des disparités importantes en matière d’habitat. Au nord, la tension du marché du logement est très forte du fait de la proximité avec la frontière Suisse et se cumule à des coûts de réhabilitation particulièrement élevés en raison d’une typologie d’habitat d’anciennes fermes et de grosses maisons. Le sud de la Région est lui plus rural avec des populations plus modestes, pour qui les coûts de réhabilitation, déduction faite des aides, laissent un reste à charge important.
Les délégataires des aides à la pierre (Dijon Métropole, Grand Besançon, le Conseil Départemental du Doubs, Pays de Montbéliard Agglomération) ainsi que le Conseil régional mènent une politique incitative ambitieuse en matière de rénovation énergétique, en apportant des aides complémentaires aux aides de droit commun sous condition d’exigence de performance énergétique. L’atteinte de ces objectifs ambitieux génère un surcoût de travaux d’environ 20% par rapport à la moyenne nationale. Si l’on ne peut que saluer l’engagement de ces collectivités pour la rénovation performante des logements, pour les propriétaires occupants modestes faire l’avance des subventions reste un frein majeur à la réalisation de travaux de qualité.
Partant de ce constat, Soliha 25, 21 & 90 a mis en place un dispositif de pré-financement qui permet d’avancer au propriétaire occupant l’intégralité du coût des travaux : seul le reste à charge est versé par le ménage à l’opérateur qu’il mandate pour percevoir les aides et régler les factures aux entreprises.
Un mécanisme rassurant pour les artisans
Concrètement, le propriétaire reçoit une visite préalable qui vise à faire des préconisations en termes de travaux et à bâtir un prévisionnel de financement. Le ménage choisit les entreprises et fait les demandes de devis dont la conformité est vérifiée par Soliha. Le ménage mandate ensuite Soliha pour le montage et la perception des demandes de subvention, et règle le reste à charge au démarrage des travaux (sur ses fonds propres ou sous forme de prêt). Dès réception des accords de subvention, Soliha émet les ordres de services aux entreprises puis règle les factures (acomptes et soldes). La longue expérience de l’association et son lien privilégié avec les artisans du territoire est très rassurante pour ces derniers.
Afin de limiter au maximum le reste à charge pour le ménage, un travail important de recherches de financement complémentaires est réalisé auprès de différents organismes (SACICAP, Fondation Abbé Pierre, fonds d’action sociale des CAF, de la CPAM, de la MDPH, caisses de retraite, mutuelles, etc.). Soliha a ainsi identifié plus de 45 partenaires financiers mobilisables sur son territoire.
Le coût du pré-financement supporté par le propriétaire s’élève à 3% du montant des travaux permettant de rémunérer les moyens humains à mobiliser, les taux d’intérêts et le coût de la garantie. Ce coût est pris en charge forfaitairement (de 600 € à 1200 €) par la Région Bourgogne Franche-Comté et en intégralité par la MDPH sur le territoire de Belfort, d’autres organismes pourraient à l’avenir apporter également leur soutien.
Un interlocuteur unique pour le ménage
A la différence d’une avance de subvention, comme le propose les SACICAP, l’avantage du dispositif de pré-financement est d’avoir un interlocuteur unique qui accompagne le ménage tout au long de son parcours travaux et l’aide à réduire au maximum son reste à charge. Cette démarche permet d’éviter les ruptures dans le parcours et le risque de découragement des ménages.
Public et volume du dispositif de pré-financement :
Propriétaires occupants modestes et très modestes
250 à 300 dossiers par an
Gain énergétique moyen de 42 %
Environ 5 millions d’euros par an de pré-financement
De 5 000 € à 75 000 € de travaux réalisés (20 000 € en moyenne)
1,5 à 2 millions d’euros de besoin en trésorerie
Un abondement nécessaire par les collectivités et l’État
Pour essaimer, Soliha 25, 21 & 90 partage son savoir-faire avec son réseau mais le mécanisme repose aujourd’hui en intégralité sur les ressources propres de la structure et les concours bancaires dont elle bénéficie. La montée en puissance du dispositif pourrait être fortement accélérée si les collectivités abondaient la caisse d’avance et que l’État proposait un taux garanti.
Pascal VALLADONT, Directeur Soliha Doubs, Côte-d’Or, Territoire de Belfort
Les ALEC (Agences locales de l’énergie et du climat) sont des structures d’ingénierie partenariale et territoriale reconnues d’intérêt général. Créées par et pour les collectivités, ces structures les aident à mettre en œuvre leur politique de transition énergétique. Il en existe une quarantaine en France. L’ALEC-MVE (Maîtrisez Votre Énergie) est basée dans l’Est Parisien à Montreuil et intervient sur le sud du département de la Seine-Saint-Denis (93) et le nord du Val-de-Marne (94).
Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a conduit à intervenir sur la précarité énergétique ?
La précarité énergétique n’était pas du tout un thème que je connaissais.
Je me destinais plutôt dans mes études supérieures à des thématiques liées à la préservation de la biodiversité. Je n’avais pas vraiment en tête la force du lien entre enjeux environnementaux et enjeux sociaux.
J’ai fait plusieurs stages dans des instances internationales, européennes, dans le domaine diplomatique ou des énergies renouvelables. Et j’ai été parfois frappée de constater la déconnexion entre les sujets débattus dans ces instances et la réalité quotidienne des citoyens et des acteurs locaux.
Et puis, j’ai découvert le thème de la précarité énergétique qui lie, plus que tout autre, lutte climatique et justice sociale, et qui s’intéresse vraiment à ce qui se passe concrètement dans le logement de la personne : ses factures d’énergie, son confort thermique, les impacts sur sa santé.
C’est pour me sentir utile et être au plus près de ces thématiques du quotidien que je me suis engagée, il y a trois ans et demi, au sein de l’ALEC-MVE.
J’étais au début à mi-temps conseillère France Rénov’ et à mi-temps chargée de mission précarité énergétique. J’étais beaucoup sur le terrain aux côtés des ménages (rendez-vous d’analyse de factures, accompagnement au Slime, relations avec le chargé de visite, animation d’ateliers collectifs…). Puis, mon poste a progressivement glissé vers l’animation de réseau, la promotion du Slime, la création de transversalités entre partenaires, qui m’amènent à être davantage au contact des professionnels.
Aujourd’hui, en quoi consiste votre mission et particulièrement dans le domaine de la lutte contre la précarité énergétique ?
Ma mission consiste à faire émerger une culture commune autour du phénomène de la précarité énergétique. L’idée est d’accompagner les collectivités et les professionnels qui travaillent avec des publics vulnérables et les aider à repérer les ménages en difficulté, à diagnostiquer leur situation et à les orienter. Le triptyque de la méthodologie Slime !
L’objectif est que l’ALEC-MVE soit identifiée par le public, les professionnels et les collectivités comme un lieu ressource, un lieu partenaire, formateur ; comme une structure qui met en relation, décloisonne et incite les acteurs à partager une vision globale du phénomène.
L’ALEC-MVE est l’ALEC la plus ancienne d’Ile de France. Elle compte une trentaine de salariés. Quand je suis arrivée, il y a trois ans et demi, nous étions une quinzaine. Ce grossissement reflète la volonté des collectivités d’aller beaucoup plus sur ces sujets-là.
Au quotidien, je suis amenée à travailler en lien avec une vingtaine de collectivités partenaires de l’ALEC-MVE : de l’échelon communal à l’échelon départemental.
Nous coordonnons deux Slime : un sur 9 communes de Seine-Saint-Denis et un autre sur 13 communes du Val-de-Marne. Le dispositif monte en puissance puisqu’en ce moment nous préfigurons le Slime à l’échelle départementale de la Seine-Saint-Denis. L’idée est de faire vivre le dispositif, le promouvoir au quotidien, créer un réseau local de donneurs d’alerte stable et bien formé, de défaire le silotage au sein des structures, des collectivités, des villes et d’accompagner les ménages aux problématiques les plus complexes.
Le pan « bailleurs sociaux » de mon activité est aujourd’hui en suspens faute de temps à consacrer à son déploiement. Cette mission consiste à accompagner les bailleurs sociaux à la suite d’une réhabilitation ou d’une rénovation énergétique de leur parc et à proposer une sensibilisation de leurs locataires pour éviter les effets rebonds (accompagnement et suivi pour la maîtrise des nouveaux équipements, compréhension des travaux effectués), et à mener des actions de communication et de sensibilisation (type stands) aux pieds d’immeubles.
Quelles sont les actions concrètes que vous menez et les outils que vous déployez ?
Je peux être amenée à animer des ateliers collectifs de sensibilisation auprès d’acteurs de proximité : centre sociaux, maisons de quartier, CCAS, épiceries solidaires… Sur des thèmes comme les éco-gestes, la lecture d’une facture, le chauffage, le confort d’été. J’utilise des outils d’animation participative très interactifs : quizz, visuels, photolangages. Ce sont des formats qu’on réutilise aussi sur des stands (hall de mairies).
J’anime également des formations auprès des professionnels en lien avec des publics en vulnérabilité : repérage des ménages, causes et conséquences de la précarité énergétiques, acteurs présents sur le territoire. En termes d’outils pour les professionnels, je m’appuie sur une carte mentale des acteurs accompagnant les ménages en précarité énergétique qui est remplie au fur et à mesure des échanges avec les participants. J’utilise également des photolangages, le jeu des 4 familles. On forme aussi les professionnels à sensibiliser eux-mêmes les ménages, notamment à travers le jeu Eco-Logis, ce jeu budgétaire développé par Heliose que l’ALEC-MVE a adapté.
Je forme aussi les conseillers France Rénov’ présents à l’ALEC-MVE pour les faire monter en compétence sur la précarité énergétique, en leur donnant des notions socles et de bons réflexes sur les questions-clés à poser aux personnes qu’ils reçoivent. Ainsi, lorsque le relais est pris pour accompagner le ménage en difficulté, les informations sont présentes dans le dossier et le ménage n’a pas à se répéter.
J’anime également des rendez-vous avec le public pour aider à l’analyse de factures, au choix du fournisseur d’énergie ou expliquer comment mieux maitriser son énergie chez soi. L’ALEC-MVE a développé un outil pour identifier automatiquement certains indicateurs : éligibilité au chèque énergie, montant du reste à vivre, droit aux aides à la rénovation énergétique. Il permet aussi de rentrer des index de factures et de calculer des consommations à l’année ou au mois.
Enfin nous avons des outils de diagnostic pour évaluer la situation du territoire et quantifier sa vulnérabilité vis-à-vis de la précarité énergétique. En principe, Géodip doit répondre à ce besoin-là mais les chiffres nous semblent vraiment sous-estimés sur notre territoire. Nous produisons donc en interne des données. C’est un travail fastidieux et, depuis 2019, la majorité de nos études n’ont pas pu être remises à jour (faute de temps) mais nous avons le souhait de nous remobiliser prochainement sur ce sujet.
Quelles sont les compétences et qualité nécessaire pour réaliser cette mission ?
Un grand sens de la pédagogie : le domaine de l’énergie est complexe, et il est important de donner à voir des éléments simples. Je ne suis pas issue du domaine technique et je comprends que le sujet puisse perdre les gens. Alors je suis d’autant plus attentive au discours et à sa clarté, aussi bien auprès des professionnels que des ménages.
Un grand sens de l’écoute pour pouvoir s’adapter : j’essaie de prendre le temps de comprendre ce que font les professionnels, la manière dont ils accompagnent les ménages, les outils qu’ils possèdent déjà… C’est un préalable indispensable pour proposer un accompagnement juste et personnalisé, qui réponde précisément à la demande.
La curiosité : être en veille permanente de ce qui se passe sur le territoire, rencontrer pour créer des ponts entre acteurs au sein d’une même ville.
L’empathie : une empathie qui doit néanmoins être mêlée de rigueur pour garder un certain recul et conserver son objectivité dans l’accompagnement de la personne. J’avais peur au début de me faire prendre par trop d’empathie devant des ménages aux situations financières et sociales très difficiles mais cela s’apprend au fur et à mesure.
Le dynamisme : le territoire couvert est grand et comporte beaucoup de partenaires, il est nécessaire de ne pas être à bout de souffle pour garder la motivation de faire travailler tout le monde ensemble.
La maîtrise des techniques d’animation de formation et de communication participative pour savoir rassembler, fédérer, co-construire de manière durable avec les multiples acteurs intervenant dans le domaine de la précarité énergétique.
Qui sont vos partenaires et comment travaillez-vous avec eux ?
Je travaille avec deux types de partenaires.
Tout d’abord des partenaires institutionnels : les collectivités adhérentes de l’ALEC. Je suis en contact avec les personnes référentes de l’élaboration de la stratégie de lutte contre la précarité énergétique de la collectivité (en général en charge du développement durable, de la transition écologique, de l’habitat, du service hygiène – le « titre » dépend de la taille de la commune). C’est avec elles que nous définissions le type d’actions à déployer sur leur ville, le type de partenaires à mobiliser… L’idée est de les orienter, de construire une stratégie selon leurs moyens (RH et financiers), leurs besoins, ce qui existe déjà, ce qui a fonctionné ou pas dans les années précédentes, tout en s’adaptant à la culture de la collectivité. Ce ne sont pas des partenaires techniques de la précarité énergétique. L’objectif est d’harmoniser ce qui va être fait sur le terrain.
Je travaille également avec des partenaires qui sont en lien direct avec les publics vulnérables : les CCAS, services sociaux du département, centres sociaux, associations caritatives, bailleurs sociaux, associations de quartiers…
Avec eux, je travaille à l’émergence d’une culture commune sur le territoire et à la création d’un réseau local de donneurs d’alerte. La plus-value de ma mission consiste à aider à prendre du recul sur la problématique dans son ensemble et à considérer les multiples facettes de la précarité énergétique.
J’aimerais davantage aller chercher des acteurs qui nous connaissent moins (acteurs de la santé, associations de quartier, épiceries solidaires, etc.…) mais faute de temps à y accorder : c’est compliqué. Mais il y a un enjeu fort de cartographie du territoire pour identifier quels sont les acteurs présents et quels sont ceux qu’on souhaite cibler et aller chercher.
Ceci dit, depuis trois ans et demi, et en particulier cette année, la thématique de la précarité énergétique est tellement importante qu’on a moins besoin d’aller vers les acteurs. Je pense par exemple aux foyers-logement ou à des maisons de quartier. Ces acteurs ont fait la démarche spontanée de venir nous voir car ils étaient questionnés par leur public sur ces sujets. Il y a également des acteurs qui nous sollicitent et auxquels on ne s’attendait pas (de grands magasins de bricolage par exemple) qui ont aussi envie de se positionner sur la thématique.
Avez-vous des difficultés particulières, des manques ou besoins pour réaliser votre mission ?
Le manque de temps et/ou d’intérêt des structures qu’on sollicite parfois génère souvent de la frustration, d’autant plus quand leur identification et la prise de contact a été chronophage. Le manque de réactivité et de dynamisme aussi de certains partenaires représentent une difficulté. On a l’impression parfois de porter à bout de bras des dispositifs qui ne sont pas forcément portés en face, alors que notre place n’est pas dans le pilotage mais bel et bien dans la coordination, l’animation.
Le turn-over dans les structures sociales associatives est aussi un problème. On a du mal à créer des relations stables qui s’inscrivent dans la durée. On forme souvent des personnes qui partent rapidement… (mais c’est pareil au sein des ALEC !). Cela rend difficile la mise en place de partenariats sur le long terme avec les mêmes personnes référentes.
Les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne sont en outre des territoires à forts enjeux, avec beaucoup de complexités qui s’entrecroisent : difficultés d’accès au logement, personnes aux ressources modestes qui ne connaissent pas leurs droits, accès au logement social totalement débordé, familles nombreuses monoparentales, population qui parfois ne parle pas français… On aurait besoin de prendre beaucoup plus de temps pour accompagner ces personnes qui sont déjà prises par ailleurs dans énormément de démarches (logement, emploi…).
Il y a aussi une insuffisance au niveau des ressources humaines. Aujourd’hui nous sommes une personne et demie à assurer la mission précarité énergétique… Il faudrait deux ou trois personnes supplémentaires pour véritablement accompagner les ménages jusqu’au bout et ne pas être frustrés de devoir les laisser à mi-parcours faute de temps à leur consacrer (notamment pour réaliser dans de bonnes conditions l’accompagnement renforcé des ménages dans le cadre du Slime). Être plus nombreux permettrait également de relancer l’activité bailleurs sociaux, réaliser plus d’études…
Quels retours avez-vous de la part de votre public ?
Il est parfois compliqué d’avoir un retour de la part des ménages. Ils viennent souvent nous voir car ils ont besoin d’aide à un instant T. Et, sur la durée, on a du mal à savoir si leur situation a évolué ou pas : il n’y a pas de réponse de leur part et on n’a pas toujours le temps de les relancer malheureusement. C’est d’ailleurs frustrant de ne pas toujours savoir ce qu’est devenu le ménage.
Mais selon Croix-Rouge insertion- LogisCité, notre prestataire chargé de visite Slime, les retours sont très positifs de manière générale. Les ménages apprécient qu’un acteur public puisse les aider, en toute neutralité. Ils apprécient également le temps passé à les écouter, chez eux : on ne court pas après la productivité (en rdv, en ateliers collectifs…). Ils apprécient aussi le coté concret, pratico-pratique des solutions qui leurs sont apportées : les conseils éco-gestes et les équipements économes installés.
Les ménages se disent tout de même parfois frustrés qu’on ne puisse pas les aider plus. Ils placent parfois beaucoup d’espoir en nous pour inciter les bailleurs à faire des travaux, changer de logement ou encore réduire le reste à charge pour entreprendre des travaux rénovation énergétique. Mais on doit rester dans notre périmètre.
Coté professionnels, les retours sont très bons aussi. Ils apprécient beaucoup notre expertise technique, fruit d’expériences de longues années. Nous sommes bien identifiés comme lieu ressource. Ils apprécient également notre disponibilité, le fait que l’on soit une structure proactive, force de propositions et qui réponde rapidement et qualitativement, de manière personnalisée. L’expertise locale avec notre connaissance des acteurs est aussi bien reconnue. Nous avons de bons retours sur notre approche pédagogique et la façon d’aborder la précarité énergétique de manière décloisonnée. Globalement, il y a une bonne dynamique territoriale, on se connait bien et nous partageons une même vision des choses même si certains partenaires sont plus difficiles à embarquer.
Ceci dit, j’ai l’impression d’une dégradation post-covid de la relation partenariale. Avant le covid, les partenariats étaient de plus long terme, les ménages avaient l’habitude de s’adresser au CCAS. Post-covid, il y a eu un turn-over important dans les structures, une perte d’habitude de la part des ménages à se faire aider, à se déplacer dans des lieux ressources. Les professionnels ont oublié les dispositifs, on a parfois l’impression de se répéter tout le temps !
On n’a toujours pas, me semble-t-il, retrouvé le niveau partenarial d’avant-covid, non pas par manque d’intention car les partenaires nous sollicitent, mais globalement quelque chose s’est perdu et la machine a du mal à se relancer.
Avez-vous une « bonne recette » à partager ?
Partir le plus possible de ce qui se fait déjà sur le terrain : prendre connaissance de ce que font les partenaires et de ce qui fonctionne. C’est bien de déborder d’énergie mais c’est mieux de la consacrer à ce qui est pertinent et efficace. Parfois on perd trop de temps à créer un format ou un outil alors qu’il existe déjà sur le territoire !
Un exemple concret : sur une commune, des ateliers collectifs sont proposés à un groupe de femmes isolées. Chaque semaine, elles participent à un atelier thématique (CAF, santé…). Nous avons intégré 3 ateliers sur les économies d’énergie à cette programmation. Le fait de partir d’un groupe existant nous a permis de ne pas nous essouffler sur l’aspect communication et de toucher un public que nous n’aurions pas réussi à rencontrer autrement.
La mise en lien pour encourager les partages humains et professionnels. Brasser au maximum les structures et les personnes entre elles pour favoriser l’interconnaissance produit des échanges très riches. Le fait de réunir autour d’une table des personnes qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble (parfois même au sein du même service d’une collectivité) crée une émulation très constructive pour les acteurs.
Enfin, rester connecté au terrain, prendre sa température, connaître et comprendre ce qui se passe et ce qui ne se passe pas. Cela permet de garder une dynamique et de se réinventer si besoin.
Qu’est-ce qui vous plait le plus dans votre mission ?
Le sentiment de me rendre utile ! J’ai besoin d’aller au travail et d’en revenir en me disant que j’ai aidé des personnes. Soit de manière très concrète car j’ai répondu à des questions par téléphone ou parce que j’ai animé un atelier. Soit de manière indirecte en ayant formé un professionnel, un collègue, en ayant fait de la veille sur une loi pour mieux en parler par la suite… Plus globalement, j’ai besoin d’avoir le sentiment d’apporter ma brique à l’édifice de la justice sociale et de la lutte contre le changement climatique.
Comment voyez-vous votre mission dans 10 ans ?
C’est difficile de répondre à cette question sachant qu’aujourd’hui on ne connait pas les tarifs de l’énergie dans 6 mois !
Mais en trois ans et demi à l’ALEC-MVE, j’ai pu voir l’émergence forte du thème de la précarité énergétique, et cette année encore plus fortement. Dans 10 ans j’imagine qu’il ne sera plus nécessaire d’expliquer ce que c’est, les causes et les conséquences délétères qu’elle engendre.
Dans un scénario optimiste, j’aimerais que dans 10 ans cette mission soit ancrée dans un contexte où l’on a acté la rareté de l’énergie, la réduction nécessaire des besoins (en transport, alimentation) et qu’on ait collectivement revu nos standards à la baisse avec un grand enjeu de justice sociale.
Dans un scénario plus négatif : si tout cela n’a pas été entrepris, je crains qu’il y ait beaucoup de tensions exacerbées par l’approvisionnement énergétique, qu’on ait besoin de rationner ou que le fossé se creuse entre ceux qui peuvent se permettre de consommer beaucoup de kWh et ceux qui peuvent moins se le permettre. Ma mission serait rendue d’autant plus cruciale mais extrêmement complexe à réaliser du fait d’inégalités grandissantes structurellement insolubles.
Et découvrez ici en images, en 2 minutes, la personnalité engagée et passionnée de Constance !
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Constance HOREAU, cheffe de projet Précarité énergétique bailleurs sociaux, ALEC-MVE
La lettre d’information du mouvement des Compagnons Bâtisseurs de 4 pages présente les résultats édifiants de l’étude d’impact menée sur le projet CapaCité.
Ce projet visait à déployer l’Auto-Réhabilitation Accompagnée (ARA) dans 80 Quartiers Prioritaires de la Politique de la Ville (QPV), afin de renforcer les dynamiques collectives et la capacité d’agir des habitants autour de 3 volets complémentaires : les animations collectives, les chantiers solidaires, les outilsthèques.
Les principaux enseignements de l’étude indiquent que l’ARA a un réel impact social en tant que démarche centrée sur l’habitant. Elle s’intègre en outre bien aux logiques d’intervention des bailleurs sociaux et accompagne la structuration de dynamiques territoriales collectives.
L’amélioration du logement a été la motivation principale des habitants à participer aux actions des Compagnons Bâtisseurs. Et c’est chose réussie puisqu’à l’issue : 89 % se sentent mieux dans leur logement et 68 % estiment qu’il est plus confortable. Au-delà de cela, c’est la révélation de la capacité d’agir des habitants qui est remarquable dans ce projet : acquisition de connaissances et gestes techniques, prise de confiance, estime de soi retrouvée… En outre, le développement de liens sociaux avec les voisins via les Compagnons Bâtisseurs a été fortement souligné.
Les bailleurs sociaux ont majoritairement apporté un soutien financier aux Compagnons Bâtisseurs voire un soutien matériel.
Un investissement qui se révèle rentable pour les bailleurs sociaux puisque, à l’issue de l’intervention des Compagnons Bâtisseurs, ils considèrent une diminution de leurs coûts – liés aux travaux et à la gestion locative – très probable (pour 70 % d’entre eux) lors du départ du locataire. Outre les aspects financiers, certains constatent également une diminution du temps passé à la gestion locative.
Par ailleurs, à la suite des actions individuelles et collectives, les bailleurs observent une diminution des coûts liés à la gestion urbaine et sociale de proximité (GUSP) pour 55 % d’entre eux, et liés aux incivilités pour 44% d’entre eux. Au-delà des coûts évités, ils constatent également une diminution du temps passé à cette GUSP. Enfin, ils relèvent un réel développement de l’autonomie des locataires dans l’entretien et l’usage de leur logement.
Enfin, ce projet a entériné la capacité des Compagnons Bâtisseurs à faciliter les échanges entre les différents acteurs locaux et encourager les dynamiques partenariales. Du fait de leur proximité avec les habitants, ils comprennent la réalité du terrain, peuvent identifier les ménages en difficultés et agir comme relais d’information entre les acteurs locaux et les habitants. Un précieux positionnement de facilitateur.
Découvrir l’intégralité des résultats de l’étude d’impact :
Évaluation de l’impact des actions d’Auto-Réhabilitation Accompagnée
Résultats de l’étude menée sur le projet CapaCité – 30 décembre 2022
Le 24 novembre a eu lieu la deuxième édition de la JCPE. A l’initiative de la Fondation Abbé Pierre, la campagne a été organisée par 23 organisations impliquées dans la prévention de la précarité énergétique, la lutte contre l’exclusion et le dérèglement climatique.
150 événements locaux en France métropolitaine et les territoires d’Outre-Mer.
300 personnes présentes au colloque national à Paris, événement phare de la JCPE
Plus de 150 articles, reportages et annonces dans la presse nationale comme régionale et dans tous types de média : agence de presse, presse écrite, web, radio et TV
Une vidéo humoristique, à destination du grand public, réalisée avec la société de production de la web série Tout le monde s’en Fout
Des actions d’interpellation organisées par plusieurs organisations du mouvement climat pour alerter l’opinion publique et nos décideurs sur l’urgence de la lutte contre la précarité énergétique.
Les acteurs des territoires foisonnent d’idées pour pour lutter contre la précarité énergétique. Les Trophées des Solutions leur rend hommage en primant chaque année des projets innovants et duplicables.
Cette mise en lumière a vocation à inspirer et renforcer l’enthousiasme collectif à s’engager pour lutter contre ce phénomène.
Trophée de la Solution Financement : Don de Chaleur grand défi de solidarité énergétique pour mobiliser 1 million de français autour d’une réduction volontaire de leur consommation d’énergie
Trophée de la Solution Identification et Accompagnement : Association Alisée pour l’accompagnement réno « Watt for Change» des publics aux ressources modestes du Pays de la Loire
Trophée de la Solution Formation, Mobilisation, Communication : Métropole Grand Paris Est pour leur stratégie d’accompagnement et de formation des artisans vers la labellisation RGE
Trophée de la Solution technique et numérique : NrLink® de My Energy Manager, un boitier de captation et d’affichage des données d’énergie pour suivre en conscience ses consommations
2 Trophées Coup de Cœur : SolidarMob de Mob’ion, scooters électriques français à tarif social pour les jeunes de 14 à 25 ans en formation ; et le Triporteur numérique de GLEAM Pimms Médiation Mayenne Sarthe qui offre un accompagnement pédagogique lié à l’énergie
Co-construit par une coalition d’acteurs (Alliance citoyenne, Alternatiba, Alternatives territoriales, CLER-Réseau pour la transition énergétique, Fondation Abbé Pierre, Greenpeace, Réseau Action Climat), l’approche Territoire Zéro Logement Passoire vise à générer une mobilisation générale pour accélérer les travaux de rénovation énergétique dans le parc privé, tout en impliquant les personnes directement concernées. Un objectif ambitieux est fixé : l’éradication totale des logements passoires d’un territoire en 2 ans, pour anticiper et rendre applicable la loi sur « l’interdiction de location ».
Le principe : une coopération avec les acteurs du territoire
Le projet « Territoire Zéro Logement Passoire » vise à faire coopérer collectivités et associations d’un même territoire pour pousser tous les propriétaires bailleurs à rénover leurs logements en location en mêlant les dispositifs d’aide et d’accompagnement et des leviers d’actions pour les locataires concernés. Les acteurs, aux compétences complémentaires, à mobiliser dans cette coalition sont les collectivités territoriales, les accompagnateurs de projets de rénovation énergétique, les associations de la société civile, les locataires concernés habitant un logement passoire, les entreprises de travaux de rénovation énergétique et des ingénieurs thermiciens.
Le choix d’un territoire restreint doit permettre une organisation efficace d’une communauté de locataires, une cartographie précise des logements passoires dans la ville et une mobilisation ciblée des entreprises de rénovation.
Méthode : les 6 grandes étapes pour des territoires Zéro Logement Passoire
Cartographie des logements passoires sur un territoire cible en s’appuyantsur les données publiques et de mener l’enquête pour collecter les données concernant les bâtiments (diagnostic de performance énergétique etc.).
« Aller vers » les locataires et organiser collectivement les familles concernées : porte-à-porte, identifications de « leaders » et mise en mouvement des familles pour construire des groupes locaux qui ont soit le même propriétaire, soit le même territoire.
Démarchage des propriétaires et ingénierie des solutions par les acteurs publics en parallèle de l’alerte par le collectif de locataires.
Actions collectives et leviers de pouvoir pour encourager les propriétaires à faire les travaux nécessaires. Cela passe par une communication renforcée (des courriers des locataires ou des collectivités), une publicisation de la situation (réseaux sociaux, médias, etc.), des actions publiques (rassemblements, interpellations directes non violentes) ou encore des leviers juridiques (application de mesure telle que l’obligation d’isolation embarquée en cas de ravalement de façade).
Négociation multi-parties prenantes pour articuler les contraintes de chacun et affiner les solutions à travers l’intervention des équipes d’experts thermiciens du projet, et les engagement de l’ALEC et de France Rénov’ dont la fonction est précisément l’accompagnement des propriétaires sur ce sujet. Ces démarches sont suivies par un élu référent.
Mise en oeuvre des travaux des logements : les entreprises du territoire qui ont les compétences et moyens seront mobilisés pour délivrer les travaux, tout en s’appuyant sur l’expertise de l’ALEC qui tient à disposition du public des listes de professionnels qualifiés.
Aujourd’hui déployé sur 3 territoires (Aubervilliers, Grenoble et le Grand Lyon), cet espace d’expérimentation qui fait la part belle au renforcement de la capacité d’agir des locataires de logements passoires privés, a vocation à être dupliqué et amplifié.
Consulter la fiche de présentation de Territoire Zéro Logement Passoire :
Territoire Zéro Logement Passoire
Alliance citoyenne, Alternatiba, Alternatives territoriales, CLER-Réseau pour la transition énergétique, Fondation Abbé Pierre, Greenpeace, Réseau Action Climat,
Un tiers des ménages en France habite dans des copropriétés. Ce parc de logement, qui regroupe 740 000 immeubles et sept millions de résidences principales, est occupé à hauteur de 18% par des ménages en précarité énergétique selon l’Observatoire national de la précarité énergétique, et demeure peu actif en ce qui concerne les travaux.
Au-delà des incitations économiques et contraintes légales, le déclenchement de ces rénovations se heurte à un déficit général de culture de la rénovation énergétique chez les acteurs de la copropriété, syndics et copropriétaires. Pour tenter d’y remédier, quatre programmes d’accompagnement visant à sensibiliser et former les copropriétaires et syndics aux économies d’énergie ont été financé à partir de 2018 par les Certificat d’économies d’énergie : Engager la Transition énergétique dans l’Habitat Collectif de l’Anah, Les Copro Vertes de la FNAIM, RECIF de la SEM Île-de-France Énergies et la Copro des Possibles d’Oxalis.
Arrivés à leur terme fin 2021, leur bilan permet de tirer quelques enseignements au sujet de la mobilisation des acteurs du secteur en matière de rénovation énergétique qui peuvent venir nourrir la réflexion des territoires concernés par le sujet.
Par qui ces programmes ont-ils été mis en œuvre sur le terrain ?
Une diversité d’acteurs(bureaux d’études, opérateurs habitat, Agences locales de l’énergie, délégataires CEE, etc.) a montré une vraie appétence pour une meilleure gestion des aspects humains en copropriété. Toutefois, la mobilisation des structures publiques s’est globalement trouvée limitée du fait de réticences à coopérer avec un acteur identifié comme privé, le risque de doublon avec des missions déjà financées dans le cadre du service public de la performance énergétique de l’habitat ou encore de la confusion induite par la multiplication des programmes CEE s’adressant aux mêmes cibles.
Comment éveiller l’intérêt des copropriétaires ?
Si les actions de marketing direct visant les copropriétaires ont été un échec, la stratégie gagnante pour capter les copropriétaires repose :
Sur la proximité via des intermédiaires (antennes locales de l’Association des Responsables de Copropriétés, ALEC, collectivités, syndics et opérateurs habitat disposant tous d’un carnet d’adresses de copropriétaires et d’un capital de confiance), de l’événementiel (mini-salon avec stands, témoignages, et animation de temps d’échanges)
Ou des actions proposant un pas de côté vis-à-vis de la rénovation énergétique dans l’espoir d’accrocher un plus large public de copropriétaires en travaillant sur leur pouvoir d’action collectif : formation sur le traitement des problèmes quotidiens en copropriété ou des ateliers participatifs.
Et les syndics, comment les toucher ?
Les programmes CEE intègrent également des actions de formation des syndics, dont la mise en œuvre s’en trouve facilitée dans le cadre de partenariats avec les grands groupes d’agences immobilières (type FNAIM), permettant d’éviter de se confronter, localement, à une faible réceptivité des agences immobilières. Par ailleurs, l’emploi de pédagogie participative lors de ces formations produit un changement de posture des participants sur la rénovation énergétique comme accompagnateur de projet.
Quels outils ont été utilisés ?
Les programmes ont fait émerger de nouveaux outils de vulgarisation et d’expertise : jeu de type Trivial Poursuit, jeu de rôle autour d’une AG fictive avec des profils types de copropriétaires (ex. « le râleur », « le militant »…), frise schématisant les étapes d’une rénovation et un « qui fait quoi ? », guide pratique sur la mise au vote de travaux de rénovation énergétique, un MOOC Réno Copro, etc.
Quelles retombées et perspectives pour ces programmes ?
Plusieurs bénéfices qualitatifs de ces programmes ont été retirés, à savoir les changements chez les acteurs :
Des copropriétaires qui comprennent mieux le rôle des acteurs dans la rénovation et qui se disent prêts à recourir à une AMO ;
Des syndics qui deviennent promoteurs de la rénovation énergétique et savent vers qui orienter leurs clients ;
Des intervenants qui réinvestissent les apprentissages du programme dans leurs accompagnements quotidiens ;
Des collectivités qui initient ou amplifient leurs actions sur les copropriétés.
Quels enseignements pour les territoires ?
L’expérience des programmes a fait apparaître deux choses :
Le besoin d’engager les petites et moyennes villes sur la problématique des copropriétés, historiquement moins avancées que les grandes villes et métropoles ;
Et l’importance que les copropriétés deviennent de vrais interlocuteurs des collectivités dans la mesure où, au-delà de la rénovation énergétique, elles sont concernées par des enjeux aussi bien de politiques publiques, urbains, écologiques ou sociaux.
Pour en savoir plus, consulter la brève thématique du CeDRe Auvergne-Rhône-Alpes :
Programmes Certificats d’économie d’énergie sur les copropriétés : quelles leçons tirer ?
CeDRE (Centre de ressources pour les plateformes de rénovation énergétique en Auvergne-Rhône-Alpes), 2022
La Réunion a mis en place un Sime pour lutter contre la précarité énergétique et il remporte un vif succès. Piloté par la région Réunion, il est mis en œuvre par la Société publique locale Horizon Réunion, en partenariat avec les organismes d’action sociale.
Bon nombre de ménages modestes font face à des difficultés financières pour subvenir à leur besoin en eau chaude sanitaire, leur principal poste de dépense.
La méthodologie Slime vient renforcer le dispositif « Eco Solidaire », mis en place en 2011 par la région Réunion soutenue par EDF Réunion, seul fournisseur d’énergie, et qui permet aux familles à faibles revenus de s’équiper d’un chauffe-eau solaire (seule la TVA reste à leur charge, soit environ 40 €). Avec le Slime, la collectivité élargit son action à un diagnostic énergétique plus large de la situation des bénéficiaires pour mieux repérer les ménages en situation de précarité énergétique et les accompagner vers des solutions adaptées.
Tout à commencer par du porte à porte auprès des familles en logement social, afin de leur proposer ce service. 1 500 visites ont ainsi pu être réalisées dès l’année de lancement.
Au cours de la visite gratuite à domicile, les équipes d’Horizon Réunion identifient des problématiques d’usage (marmite qui chauffe en permanence, lumière toujours allumée) ainsi que les équipements défectueux (vieux congélateurs, etc.). Elles fournissent en retour des conseils personnalisés pour réduire la facture énergétique et donnent des équipements économes, telles que des ampoules basse consommation ou des prises coupe veille. La qualité de l’isolation et des équipements de climatisation ou de chauffage est abordée afin d’orienter le cas échéant les familles vers les aides (Eco Solidaire, offre réfrigération performante, Ma prime rénov’, etc.).
Plus de 32 000 ménages ont été visités depuis le début de l’opération.
Parmi les actions engagées par la ville de Besançon pour lutter contre l’habitat indigne, figure l’instauration du Permis de louer. En place depuis mai 2021, il semble avoir déclenché une dynamique vertueuse, en montrant aux propriétaires bailleurs que la collectivité est vigilante quant à l’état des logements mis en location sur son territoire.
Un mécanisme simple…
Les propriétaires bailleurs, qui souhaitent mettre ou remettre un logement en location, doivent remplir un formulaire Cerfa associé à une notice d’information. Ils doivent également joindre au dossier un diagnostic technique du logement concerné.
Ce dossier technique qui ne constitue pas de contraintes particulières pour les propriétaires bailleurs puisqu’il vise uniquement à fournir des données réglementaires que tout bailleur doit annexer au contrat de location : risques d’exposition au plomb, absence d’amiante, conformité des installations de gaz et d’électricité…
… avec une logique de guichet unique
L’instruction des dossiers de Permis de louer est assurée par un prestataire avec lequel la collectivité a passé un marché.
Un numéro de téléphone et une boîte mail spécifiques assurent un contact aux bailleurs et le transfert des documents. Un jour par semaine, une permanence se tient à l’hôtel de ville pour renseigner les bailleurs. Le prestataire vérifie les pièces du dossier, effectue aussi souvent que nécessaire des contrôles sur place ou à partir de photos du logement et de ses installations.
La collectivité donne une réponse dans un délai de 30 jours à compter de l’enregistrement du dossier, et l’absence de réponse vaut acceptation.
Un dispositif qui permet d’endiguer l’obsolescence du patrimoine bisontin et prévenir le risque de voir apparaître des marchands de sommeil dans le centre ancien
La décision d’autoriser ou non la location fait l’objet d’un arrêté du maire, qui peut prendre trois orientations : l’autorisation quand tout va bien, l’autorisation avec réserves qui implique que le propriétaire fasse les travaux nécessaires pour remettre le logement aux normes et enfin, le refus en cas de logement indécent.
Les autorisations délivrées avec réserves sont les cas les plus fréquents à Besançon. Elles sont assorties par la collectivité d’un délai pour la remise en conformité du logement. Des contrôles sont ensuite effectués pour vérifier la réalisation.
L’Espace Solidarité Habitat de la Fondation Abbé Pierre est un lieu d’accès au droit qui accueille, conseille et accompagne les parisiens en situation de mal-logement. En lien avec son cœur d’action, à savoir l’action juridique, l’ESH accompagne les locataires confrontés à une problématique de précarité énergétique afin de faire reconnaître leur situation devant le juge.
> Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a conduit à intervenir sur la précarité énergétique ?
J’ai une formation d’urbanisme à l’origine. J’ai travaillé dans un premier temps dans une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale chez Adoma. Dans le cadre des plans de relogement que nous menions, j’ai en partie travaillé sur l’appropriation du logement, en touchant un peu les économies d’énergie avec les écogestes notamment. C’était un petit angle pour commencer à aborder la précarité énergétique.
Puis j’ai intégré l’Espace Solidarité Habitat (ESH) de la Fondation Abbé Pierre en 2017 pour intervenir sur la prévention des expulsions et développer la thématique de la précarité énergétique en lien avec l’action juridique, qui est le cœur d’action de l’ESH. Le projet a débuté sur la base du constat qu’il existait une définition officielle de la précarité énergétique mais qu’en revanche la qualification juridique du phénomène demeurait encore floue. Ce flou pénalise les ménages dans leurs actions juridiques pour faire valoir leur situation de précarité énergétique.
> Aujourd’hui, en quoi consiste votre mission et particulièrement dans le domaine de la lutte contre la précarité énergétique ?
L’ESH est un lieu d’accueil, d’accompagnement et d’accès au droit. Il est intégré à l’agence Ile-de-France de la Fondation et sa principale action est l’accompagnement juridique des ménages en procédure d’expulsion ou qui vivent dans des habitats indignes. Au-delà du simple recours juridique, il s’agit aussi de suivre les procédures d’expulsion, d’obtenir des délais, d’étudier si des démarches ont été enclenchées pour permettre un relogement et, quand le maintien est possible, d’étudier l’opportunité de négociations avec le bailleur. L’ESH ne remplace pas le droit commun : nous n’effectuons pas les démarches que les assistantes sociales réalisent. Chaque année ce sont à peu près 1 500 ménages qui sont accompagnés et en parallèle nous participons à des instances institutionnelles sur la prévention des expulsions et l’habitat indigne. Nous avons tous en interne une thématique de référence, en l’occurrence la précarité énergétique en ce qui me concerne.
Cette expérimentation a été lancée en 2019 avec pour objectif de parvenir à une meilleure reconnaissance juridique de la situation de précarité énergétique des locataires parisiens qui nous font part de difficultés à chauffer leur logement, de factures d’énergie très importantes, d’un bâti très dégradé et évidemment d’une situation financière également précaire. Nous accompagnons à la fois dans ce projet les personnes qui sont convoquées au tribunal (ex : dans le cadre d’une procédure d’expulsion) et celles qui engagent une action juridique, notamment dans le cas d’habitat indigne. L’objectif a donc été dans un premier temps de bien pouvoir qualifier la situation du ménage afin de faire reconnaitre le préjudice et d’essayer d’obtenir plusieurs décisions du juge : la reconnaissance du préjudice, l’engagement de la responsabilité du bailleur et l’octroi de réparations financières (dommages et intérêts, compensation d’une dette locative en cas d’impayés). L’idée est de bien montrer que s’il y a eu un impayé de loyer, c’est parce qu’à côté il y a des charges d’énergie trop importantes. Dans le cas de l’habitat indigne, il y a aussi l’objectif d’obtenir la réalisation de travaux dans le logement.
Nous avons lancé cette expérimentation au départ sur quelques situations car nous souhaitions voir comment cela allait être reçu par les magistrats, quelles contraintes s’imposeraient à nous et quels premiers enseignements nous pouvions tirer avant de généraliser l’approche.
> Comment intervenez-vous concrètement, quels sont les outils que vous déployez ?
La première étape concerne le repérage des ménages lorsqu’ils vont nous faire part de leur situation. Lors des permanences téléphoniques et des rdv physiques, nous tachons alors d’identifier à l’aide d’une fiche de détection si les personnes subissent une situation de précarité énergétique, en parallèle des procédures ou des conditions d’habitat auxquels ils doivent faire face. Nous sommes ainsi alertés si des critères de précarité énergétique sont à priori constatés (situation financière, factures élevées et difficultés à les régler, privation, sensation de froid, défaillance des équipements et du bâti etc.). Cette fiche est importante car les personnes ne mentionnent pas de prime abord leur situation de précarité énergétique. Lorsqu’un suivi est engagé et qu’une situation de précarité énergétique est suspectée, on s’assure dans un premier temps que les démarches préalables auprès du bailleur ont bien été réalisées, comme par exemple l’envoi d’un courrier recommandé informant de l’état du logement et des demandes de réparations éventuelles qui ne seraient pas liées à l’entretien locatif. A partir de là, si les courriers sont demeurés sans réponses, il est possible d’aller devant le juge car l’on peut prouver que le bailleur a été prévenu et qu’il n’a pas respecté son obligation.
Lorsqu’il y a une suspicion de précarité énergétique, nos bénévoles architectes et ingénieurs d’État réalisent une visite dans le logement afin de lister les manquements au décret décence[1] et les infractions au règlement sanitaire départemental[2] et vont également regarder les factures d’énergie en restant alertes sur la question de la précarité énergétique pour confirmer ou non la suspicion.
Sur la base de leur rapport, si des éléments liées à la précarité énergétique se confirment, je mobilise notre partenaire LogisCité-Croix Rouge insertion pour une nouvelle visite à domicile afin de disposer d’un diagnostic technique plus poussé qui intègre de nouveaux éléments comme par exemple des données sur les consommations d’énergie. Cela nous permet de compléter le premier rapport de visite et de qualifier la situation de précarité énergétique afin d’arriver devant le juge avec des éléments plus solides.
Ensuite, j’analyse les diagnostics pour faire ressortir les points saillants liés à la précarité énergétique du ménage et bien guider l’avocat sur ce qu’il doit mettre en avant en lien avec le droit. L’avocat plaide ensuite devant le juge et vient le temps d’attente du jugement qui nous dira si concrètement la demande de reconnaissance du préjudice a été suivie ou non par le juge.
> Quels premiers retours avez-vous suite aux recours déjà déposés ?
Dans les premiers temps, les décisions n’étaient pas forcément favorables à la reconnaissance des situations de précarité énergétique. Je me souviens d’une personne qui vivait dans un logement « sous cloche » (les murs du logement étaient entourés d’autres murs) : le logement avait de réels problèmes de ventilation, avec de l’humidité et de la moisissure partout et des aérations largement insuffisantes. Des justificatifs du laboratoire de la ville de Paris attestaient que les pathologies dont souffrait le ménage étaient vraiment liées à l’état du logement. L’ensemble de ces éléments ont été présentés devant le juge qui a reconnu un préjudice de jouissance[3] mais pas le préjudice de précarité énergétique. Il a estimé que dans la mesure où il y avait déjà eu réparation du préjudice de jouissance, il n’allait pas reconnaître la situation de précarité énergétique. Ce cas nous a permis par exemple d’affiner notre regard car le juge ne rejette pas la situation de précarité énergétique en tant que telle et dans la forme nous aurions donc pu intégrer le préjudice de précarité énergétique dans le préjudice de jouissance « global ».
S’est posée aussi la question, dans ce type de décision, du contenu du rapport à fournir pour l’audience. La question de l’appréciation du diagnostic par le juge est très importante : s’il est trop technique, il ne sera pas apprécié par le juge, et s’il est trop succinct, il pourrait ne pas apparaître comme un document d’expert et donc potentiellement ne pas être assez apprécié. Il faut donc produire une synthèse assez succincte qui reprend les mesures réalisées et les observations techniques constatées dans le logement.
Dans le cadre d’un recours juridique, nous mobilisons aussi le rapport du Service technique de l’habitat[4]. Ce qui avait été empêchant dans les premières décisions c’est que certains problèmes n’avaient pas été révélés dans les rapports succincts et peu détaillés du STH, alors même que ces défaillances avaient été observées par nos architectes et les diagnostiqueurs (comme par exemple un problème d’isolation thermique, un chauffage inexistant ou une humidité constante). Le juge a pointé cette contradiction dans sa décision et a suivi le STH qui est l’autorité compétente.
Nous avons tout de même eu il y a quelques mois une première bonne décision avec obtention de dommages et intérêts qui venaient compenser une dette locative et permettre au ménage de pouvoir assainir sa situation financière. Les indemnités d’occupation[5] ont également été diminuées de 70% au regard de l’état du logement.
Pour ce qui est d’obtenir des travaux dans le logement, notamment dans le cas de l’habitat indigne, il faut avoir en tête que nous sommes confrontés à des situations de litiges avec les bailleurs, privés ou sociaux, et qu’obtenir des travaux dans ces circonstances est difficile. Il y a donc très peu d’actions où l’on obtient une rénovation énergétique du logement.
Nous attendons encore quelques décisions qui devraient arriver, mais le temps judiciaire est long ! Aujourd’hui nous poursuivons l’expérimentation en essayant de capitaliser sur la jurisprudence, de mobiliser les bons arguments et les éléments qui ont pu marcher devant le juge, pour que ce soit dupliqué dans les prochains recours. Mais il y a toujours une marge d’incertitude liée à la liberté du juge, même si des principes de droit existent, ils n’ont pas tous la même attention aux sujets qui iraient au-delà des conflits locatifs habituels. C’est d’ailleurs pourquoi la sensibilisation des magistrats au sujet du décret décence et de son évolution concernant la précarité énergétique est un enjeu d’une grande importance.
> Différentes évolutions réglementaires ont eu lieu récemment et notamment l’intégration dans le décret décence d’un seuil de performance maximal à respecter pour que le logement puisse être considéré comme décent [6] ou encore l’opposabilité juridique du diagnostic de performance énergétique (DPE). Concrètement, comment voyez-vous l’arrivée de ces nouvelles mesures dans le cadre de votre mission ?
Aujourd’hui, les avocats mobilisent les critères qualitatifs de performance énergétique du décret décence.
Au niveau du DPE, dont on a beaucoup parlé récemment, les avocats qui ont été sensibilisés sur le sujet surveillent si les ménages le fournissent, or très peu voire aucun ménage ne le fait. En revanche, son utilisation dans les dossiers présentés au juge est une des perspectives que l’on surveille attentivement car il devient un document opposable. Concrètement si le DPE atteste que le logement est une passoire énergétique, va-t-on pouvoir le mobiliser devant le juge et comment celui-ci va-t-il l’apprécier ?
Pour ce qui est du seuil de performance énergétique, il y a certaines inquiétudes car la problématique est difficile à amener devant les juges : les avocats que nous avons pu sensibiliser au travers des dossiers présentés ont pu constater que les magistrats n’étaient pas sensibilisés à ces questions-là.
Une autre interrogation se pose par rapport au seuil maximal : si la performance du logement est au-dessus du seuil et que le ménage est tout de même en situation de précarité énergétique, pourrait-il faire valoir sa situation devant le juge ? Il ne faudrait pas que ce seuil se retourne contre le locataire qui souhaite faire valoir sa situation.
Il existe également la consignation des aides au logement par la CAF lorsqu’un logement est constaté comme non-décent et que des travaux ne sont pas encore réalisés. Si elle est effective dans d’autres départements, nous ne l’avons pas encore vue se mettre en place sur Paris. On s’interroge également sur le risque de cette mesure. Si les APL ne sont pas versées au bailleur pendant deux ans parce que des travaux ne sont pas faits, les aides sont perdues et officiellement une partie du loyer n’est pas encaissée par celui-ci. Or, dans le contrat de location, le locataire doit régler l’entièreté du loyer. La question est donc alors de savoir si concrètement un bailleur peut assigner le locataire pour un impayé de loyer (même si cet impayé correspondrait aux aides CAF non versées).
> Qui sont vos partenaires et comment travaillez-vous avec eux ?
Dans la mesure où l’objectif pour nous est de démontrer aux juges le lien de causalité entre l’état du logement et la situation de précarité énergétique, nous bénéficions d’un mécénat de compétences de la part du bureau d’études Manexi afin d’identifier les éléments concrets à récolter lors de la visite du logement et de sensibiliser nos bénévoles architectes sur le diagnostic des situations et les outils de mesures à utiliser. En parallèle de ce partenariat, nous travaillons également avec LogisCité-Croix rouge insertion qui, grâce au partage d’expériences, nous aide à produire un autre type de rapport avec une valeur technique plus solide et moins sujette, à priori, à débat par le juge.
Du côté des avocats, nous travaillons avec un réseau d’avocats indépendants spécialisés dans le droit au logement. Au-delà de plaider pour nos dossiers, nous partageons une veille juridique avec eux et organisons des rencontres trois fois par an pour partager des informations sur des actualités, sur des recours effectués mais aussi innover sur les nouveaux recours qui pourraient être tentés.
Nous avons également été contactés par l’Agence Parisienne du Climat lors d’un état des lieux des organismes travaillant sur la précarité énergétique en vue de la création d’un Slime sur Paris, afin d’identifier la manière de coordonner les deux dispositifs et notre place dans le futur Slime. S’il nous manque l’approche travaux dans notre expérimentation, ce Slime permettrait par exemple d’orienter les ménages vers les organismes compétents en la matière.
> Rencontrez-vous des difficultés particulières pour réaliser au mieux votre mission ?
La principale contrainte du projet est de bien articuler les différentes étapes avec le calendrier judiciaire. Quand le ménage est convoqué à une audience déjà prévue, nous sommes plus contraints dans le temps : il faut pouvoir faire un diagnostic technique, une analyse, une transcription à l’avocat et préparer l’argumentaire de défense avant que l’audience ait lieu. Engager l’action juridique est le cas « le plus facile » : dans une situation d’habitat indigne c’est généralement le ménage qui va porter le recours contre son bailleur et on peut donc décider du moment où celui-ci est lancé devant le juge. Enfin, si on repère le ménage alors que l’audience est passée, on ne va malheureusement pas avoir d’action possible devant le juge. En fonction du moment où les personnes viennent nous voir, nos actions seront donc plus ou moins limitées. Et après cette course contre la montre, il faut ensuite être patient car la durée du recours est très aléatoire du fait d’éventuels reports d’audience (pour la préparation des défenses par exemple). Sur nos premiers dossiers, une audience a connu 4 ou 5 reports soit presqu’un an de délais pour l’audience effective. Il faut compter une durée théorique de 4 à 6 mois entre la date d’audience et la décision.
Comme déjà évoqué, la sensibilisation ou la formation des magistrats est un enjeu majeur. L’idée étant qu’ils portent attention à un phénomène reconnu depuis longtemps et qui dispose d’une définition officielle dans la loi. Phénomène qui a une incidence concrète sur la vie des personnes et dont la responsabilité du bailleur à fournir un logement décent peut être engagée. Nous étudions encore la manière de faire mais cela pourrait prendre la forme de temps d’échanges ou de rencontres organisés via le réseau d’avocats avec qui l’on travaille. Les experts judiciaires et ceux du Service technique de l’habitat sont aussi d’autres acteurs importants à sensibiliser : ils ne sont pas forcément formés à repérer la précarité énergétique et à la mettre en avant dans leurs rapports. C’est un vrai sujet car le rapport de l’expert a une valeur probante auprès du juge.
> Pour conclure, comment voyez-vous cette mission dans 10 ans ?
J’espère qu’on aura obtenu plusieurs bonnes décisions, qu’on aura capitalisé sur cette jurisprudence et qu’on aura essaimé cette pratique pour que d’autres structures (associations, Points d’accès aux droits, Maison de la justice et du droit, etc.) se saisissent de cette possibilité de recours. Car il est nécessaire que cette approche puisse rentrer dans les pratiques et que les locataires puissent se dire « je suis dans cette situation anormale, mais je peux la faire valoir » et qu’ils se sentent à l’aise et surtout en capacité de faire valoir leurs droits.
Aujourd’hui l’ESH poursuit cette expérimentation mais il est important qu’elle puisse ensuite être repris par l’instance publique : si on veut accompagner en nombre les locataires, c’est important de renforcer les dispositifs qui peuvent les accompagner. Il y a des outils de « réparation », comme les Fonds solidarité pour le logement ou des aides au paiement des factures, mais il faut que le recours juridique soit un nouvel axe d’intervention dans la lutte contre la précarité énergétique.
Entretien réalisé le 27 janvier 2022 pour le RAPPEL.
NDLR : Marion Rémy ayant quitté ses fonctions au sein de l’ESH, elle a été remplacée par Mme Samia Ayed.
[1] Décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 qui définit les critères qu’un logement doit respecter pour être considéré comme décent. Il intègre des éléments qualitatifs liés à la performance thermique du logement (aération suffisante, installation permettant un chauffage normal, etc.).
[2] Le logement doit respecter les prescriptions du Règlement sanitaire départemental (RSD). Elles s’ajoutent à celles du décret décence et sont plus restrictives.
[3] Tout bailleur a l’obligation de garantir au locataire la possibilité d’occuper et de profiter du logement sans inconvénients, la « jouissance » du bien.
[4] Équivalent du service communal d’hygiène et de santé (SCHS) pour la ville de Paris.
[5] L’indemnité d’occupation se substitue au loyer dans le cas d’une résiliation judiciaire suite à une procédure de loyers impayés alors que le locataire n’a pas quitté le logement.
[6] La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 prévoit que soient considérés comme non-décents les logements de classe G à partir de 2025, de classe F à partir de 2028 et de classe E à partir de 2034.
Portrait de membre
Marion Rémy, chargée de mission Prévention des expulsions locatives à l’Espace Solidarité Habitat de Paris
Le Centre communal d’action sociale (CCAS) de Decazeville propose depuis deux ans aux habitants de participer, gratuitement, à un atelier « écogestes ».
Le but est d’apprendre comment mieux maitriser sa consommation au quotidien pour faire de réelles économies d’énergie en accompagnant les personnes en précarité (ou non), de façon vraiment personnalisée, dans une dynamique collective.
Un retraité d’EDF, anime bénévolement ces ateliers « écogestes » d’une demi-journée. L’animateur dispose de matériel fournit par EDF : un kit, une brochure et un jeu digital (« mon appartement éco malin ») pour favoriser les activités interactives. Le jeu sert d’accroche.
Le kit est offert par EDF aux participants pour mettre en pratique ce qu’ils ont appris lors des ateliers. Il se compose d’une ampoule basse consommation, d’un sablier pour la douche, d’un aérateur de robinet, d’un régulateur de débit de douche et d’un thermomètre.
La première convention visait 30 personnes. La convention 2022 est plus large, puisqu’elle s’étend à un public professionnel (le personnel municipal).
Le bouche-à-oreille a fait son œuvre et les ateliers touchent un public plus large que les seules personnes en difficulté. C’est aussi ce qui intéresse le CCAS. Il profite de ces activités pour faire circuler l’information sur tous les dispositifs qui peuvent épauler les propriétaires afin par exemple de lutter contre les passoires thermiques.
Une facture proche de zéro
Le coût pour le CCAS de ces ateliers écogestes est quasi nul :
La communication de l’opération est assurée par le service communication de la ville.
Le CCAS met à disposition une salle pour les ateliers.
AURA-EE, en lien avec des communautés énergétiques citoyennes et des associations locales pour la transition énergétique, ont inventé un modèle contractuel et économique pour permettre aux ménages modestes d’équiper leur logement en énergie renouvelable grâce à l’investissement citoyen.
La conférence du 7 juillet dernier a permis d’échanger autour de ce modèle.
Au programme : un état des lieux sur la vulnérabilité énergétique et les énergies renouvelables, la présentation d’un nouveau modèle de tiers investissement citoyen, et des échanges autour des moyens de mise en œuvre opérationnelle du modèle.
Retrouvez le replay de cette conférence, ainsi que le compte-rendu des échanges et la compilation des présentations sur le site d’AURA-EE.
Sur un territoire qui compte 20 000 ménages en situation de précarité énergétique, soit plus de 15% de la population, la collectivité territoriale de Corse a lancé une expérimentation en 2016 visant à tester des solutions techniques pour rénover efficacement mais également des solutions financières afin de réduire le reste à charge des ménages, notamment des plus modestes. Cette phase test a permis la rénovation de 200 logements pilotes en 3 ans, dont la moitié occupés par des ménages en précarité énergétique.
Le dispositif ORELI (Outils pour la Rénovation Énergétique du Logement Individuel) porté par l’Agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie de la Corse, se renforce et propose désormais une palette d’outils pour permettre l’accompagnement de ménages modestes, depuis l’état des lieux du logement jusqu’à la réception des travaux : étude énergétique, conception et chiffrage des travaux (qu’il s’agisse de rénovations BBC, BBC-compatibles ou partielles), aides financières de 20 000 à 30 000 € cumulables avec d’autres aides de l’ANAH, suivi des travaux, etc. Ce dispositif s’appuie sur un réseau d’opérateurs spécialisés qui constituent un référent unique apte à fluidifier la prise en charge du projet par les différents intervenants (techniciens réalisant l’audit énergétique, entreprises, financeurs, etc.).
Retrouver l’interview de François Auclair, responsable Unité/Bâtiment de l’AUE, sur le site de Corse Matin.
Les correspondant.e.s Partenariats Solidarité EDF portent la politique de lutte contre la précarité énergétique du groupe auprès des professionnels de l’action sociale, des collectivités territoriales, des associations pour accompagner les clients en difficulté. Ce sont des interlocuteurs privilégiés pour les acteurs territoriaux sur la thématique de la précarité énergétique.
Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a conduit à intervenir sur la précarité énergétique ?
Avant de commencer ma vie professionnelle, j’étais personnellement déjà très investie dans une association de mon village qui permettait à l’ensemble des enfants de classes maternelles et élémentaires de pouvoir apprendre à nager et découvrir les richesses de notre région à travers des excursions en bus. Cette notion d’aider mon prochain a toujours fait partie de mes valeurs. Ainsi, travaillant chez EDF depuis 25 ans, je me suis orientée vers des métiers en lien avec les personnes (Conseillère en économie d’énergie, conseillère au projet rénovation), pour leur apporter une aide, notamment aux niveaux des économies d’énergie.
Correspondante Partenariats Solidarité, depuis 6 ans, je me sens vraiment utile au quotidien car je véhicule des messages qui vont être transmis aux personnes souffrant de précarité énergétique pour agir concrètement sur leur situation et les aider à sortir de cette précarité.
En quoi consiste votre mission dans le domaine de la précarité énergétique ?
Depuis 30 ans, EDF travaille aux côtés des professionnels de l’action sociale, des collectivités territoriales, des pouvoirs publics pour accompagner les clients en difficulté. La lutte contre la précarité énergétique est un des 16 engagements pris par le groupe au titre de la Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE) et les actions qui en découlent s’inscrivent en faveur d’une transition énergétique juste et inclusive.
En tant que correspondante Partenariats Solidarité, je porte la politique de lutte contre la précarité énergétique auprès des acteurs sociaux. J’interviens sur trois départements : le Gard, le Vaucluse et une partie de l’Hérault.
Dans le cadre de ma mission, je développe des relations partenariales locales. Au fil du temps, je suis devenue une interlocutrice privilégiée sur la thématique de la précarité énergétique pour une multiplicité d’acteurs territoriaux : les travailleurs sociaux, les collectivités territoriales (UDCCAS[1], CCAS, EDS[2]), les structures de médiation sociale (PIMMS[3] Médiation de Nîmes, FACE HERAULT à Montpellier), les structures associatives et caritatives (Secours Catholique, Restos du Cœur) et les associations qui luttent contre précarité y compris la précarité énergétique (Unis-Cité, Service d’Entraide Protestante du Gard, la CLEDE et’ALG par ailleurs très investies dans le Slime[4]).
Pour mener à bien cette mission, quelles sont les actions concrètes que vous menez et les outils que vous déployez ?
J’anime des réunions d’information sur les dispositifs d’aide (Chèque énergie) ou sur des outils de suivi des consommations des énergie, un sujet qui intéresse énormément au regard de la hausse des prix de l’énergie (Service Équilibre, « EDF et moi » pour suivre sa consommation à la demie heure près). J’anime également des actions de sensibilisation aux écogestes via la MAEM Box (Mon Appart’ Eco Malin) et MAEM digitale, deux supports ludo-pédagogiques très appréciés des travailleurs sociaux et des bénévoles. L’idée étant d’apporter des outils pour qu’ils complètent leur propre boîte à outils.
Les compétences pour ces missions sont de l’écoute auprès des travailleurs sociaux pour répondre au mieux aux attentes du terrain, de la pédagogie, une capacité à pouvoir vulgariser un langage technique (et ça, ce n’est pas évident avec tous les sigles et termes techniques employés !). Il faut également des connaissances techniques et réglementaires constamment à jour liées aux métiers et aux différents dispositifs d’État. L’enjeu de mes interventions est de vulgariser au maximum les informations auprès de mes interlocuteurs pour qu’ils soient dans la capacité de porter des messages simples et clairs auprès des personnes qui en ont besoin.
Ma mission nécessite aussi de connaître les acteurs du territoire. Ce qui implique une présence terrain très importante, de l’organisation et de la rigueur (prise de rendez-vous, recherche d’informations sur les sujets d’actualité par exemple l’évolution des prix de l’énergie, les nouveautés du Chèque énergie).
Enfin, il faut avoir un bon relationnel avec des acteurs différents: acteurs travailleurs sociaux, bénévoles, directeurs d’associations, etc. qui constituent un large spectre très intéressant quand on prend la peine d’écouter et de s’adapter à son interlocuteur.
On essaie aussi d’être innovant : on se réinvente chaque jour pour que la facture d’énergie ne soit plus un frein. Dans ce cadre, on a créé un nouveau dispositif en lien avec les attentes du Conseil Départemental du Gard et les besoins du territoire. On l’a appelé l’EPR (vous apprécierez le jeu de mot) pour « engagement au paiement raisonnable ». C’est un dispositif expérimental mis en place en collaboration avec le département du Gard et le Pôle Solidarité d’EDF basé à Nîmes en complément du dispositif Slime pour trouver des solutions globales et pérennes pour des dettes importantes d’énergie chez EDF.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur l’Engagement au Paiement Raisonnable ?
Ce process a été conçu en étroite collaboration avec le Conseil départemental du Gard et le Pôle Solidarité de Nîmes. Ainsi, après plusieurs échanges, nous avons mis en place un outil de communication spécifique via le PASS d’EDF (portail d’accès au service solidarité) entre les Travailleurs Sociaux du département du Gard et les conseillers du Pôle Solidarité de Nîmes afin de faciliter la mise en place de cet engagement. De plus, nous mis à disposition cinq conseillers experts du Pôle Solidarité, spécifiquement formés à l’accompagnement des clients entrés dans le dispositif.
Les critères d’éligibilité sont les suivants :
Habiter dans le Gard ;
Avoir une dette comprise entre 600 et 1 500 euros ;
Avoir bénéficié d’un diagnostic Slime – réalisé par l’une des 3 associations dans le Gard (l’ALG, la clède et le SEP) ;
Être éligible au FSL maintien ;
Ne pas être en situation de limitation de puissance.
Il y a deux composantes fondamentales dans ce dispositif :
Mise en place d’un délai de paiement possible jusqu’à 24 mois (hors procédure traditionnelle, qui est généralement de 12 mois maximum, pour s’adapter aux capacités de remboursement de chaque client) ;
Attribution d’une aide complémentaire dans le cadre du FSL maintien de 250 euros versée si le client a respecté les trois premières échéances de son délai de paiement et/ou de sa mensualisation.
L’EPR repose sur une coopération tripartite : ménage (client EDF) – travailleur social – conseiller EDF.
C’est le travailleur social qui déclenche sa mise en œuvre sur la base d’un rapport de visite étayé, rédigé à la suite d’un diagnostic socio-technique (dans le cadre du Slime) au domicile du ménage. Le ménage qui consent à rentrer dans le dispositif d’EPR signe un engagement. A partir de là s’opère un véritable travail d’orfèvre : les 5 conseillers experts contactent les clients tous les mois. Ces derniers sont suivis de la première à la dernière échéance et, au besoin, le conseiller révise les délais pour s’ajuster aux situations particulières (crise covid, perte de l’emploi).
Cette relation personnalisée réussit bien. Ce lien recrée une dynamique chez le client.
Le dispositif a été mis en place en 2018. Aujourd’hui 210 engagements ont été signés. Ceci peut paraitre peu, mais le client sort d’une spirale grâce à cet accompagnement renforcé et se remet à payer, ce qui n’était plus le cas avant. En 2021, 88 % des délais de paiement engagés ont été respectés, 23% des règlements sont faits par le client dans le cadre du délai de paiement : il accepte d’honorer son paiement car c’est à la hauteur de ses moyens, 6% est réglé par le FSL Charges, 5% par l’encaissement du Chèque énergie et 10 % par le FSL Maintien. 56% reste à recouvrir mais comme les délais de paiement sont étalés sur un temps long (24 mois) il y a forcément un laps de temps pendant lequel la dette est en cours.
L’EPR n’existe pas dans d’autres départements, mais le dispositif intéresse.
Lors de réunions inter-partenariales, qui réunissent des structures associatives et étatiques, d’autres fournisseurs d’énergie et d’eau ont pris connaissance de l’existence de l’EPR, ce qui a donné lieu à la mise en place de ce type d’aide auprès de l’Eau de Nîmes. Nous avons été copiés (et tant mieux).
Les ingrédients de réussite sont :
la relation de confiance entre les partenaires ;
le travail d’écoute, de connaissance du terrain et d’implication des différents acteurs ;
une volonté politique locale.
Quels retours avez-vous de la part de votre public ?
Les professionnels apprécient les outils pratico-pratiques que je mets à leur disposition (des flyers, des supports ludo-pédagogiques, etc.) car applicables immédiatement, et utile pour leur quotidien. Ils apprécient l’aspect pédagogique qui leur permet de s’approprier les sujets, les méthodes pour relayer ces informations aux ménages en difficulté.
Je n’ai pas la connaissance des situations des ménages car c’est l’activité des travailleurs sociaux (conformément au RGPD).
En revanche, la réussite de l’EPR laisse penser que pour les 88 % des ménages qui ont respecté leur engagement dans le cadre de l’EPR, la situation s’est améliorée. Et cela grâce à l’implication des conseillers clientèle EDF et de l’ensemble des travailleurs sociaux du département qui ont été lanceurs d’alerte et ont permis d’avoir ce beau chiffre et de réaliser une action concrète auprès des ménages.
Qui sont vos partenaires et comment travaillez-vous avec eux ?
Mes partenaires sont les travailleurs sociaux, les collectivités territoriales (UDCCAS, CCAS, EDS). Mais également les structures de médiation (PIMMS médiation de Nîmes FACE HERAULT). En effet, elles ont recréé un lien social avec des clients EDF qui ne sortaient plus des quartiers prioritaires de la ville, restant dans leurs immeubles et qui : soit arrêtaient de se chauffer, soit consommaient mais ne voyaient plus personne. Enfin, je suis en relation avec les associations qui œuvrent contre la précarité : Unis Cité, le SEP, la CLEDE et L’ALG. Avec eux, mes rôles sont multiples. J’ai un rôle d’interlocuteur privilégié, un rôle d’information, de mise en main d’outils, de création de nouveaux projets aussi et enfin la mise en relation avec certains acteurs : ça c’est important.
Je fais office de facilitatrice car certains acteurs, parfois du même secteur, ne se connaissent pas et ne savent pas ce qu’ils font. Quand je crée une réunion inter-partenariale avec des CCAS, des travailleurs sociaux et avec des associations, j’ai le double objectif de les rassembler pour leur apporter d’une part une information mais également de leur donner l’opportunité de mieux se connaitre et d’échanger sur leurs bonnes pratiques pour éviter, in fine, le jeu de ping-pong entre les différentes institutions pour le client en difficulté.
Mes homologues et moi-même avons travaillé aussi avec une école qui a créé l’Escape Watt, un casque de réalité virtuelle qui permet de se transposer dans un logement dans lequel, en moins de 10 minutes, il faut faire un maximum d’écogestes (fermer les fenêtres, éteindre les lumières, arrêter tout ce qui est en veille). Cet outil original a énormément plu aux travailleurs sociaux car il permet la mémorisation, par le jeu, des informations qu’ils vont pouvoir retranscrire aux ménages qu’ils accompagnent. C’est une façon ludique, différente, d’appréhender les économies d’énergie.
Rencontrez-vous des difficultés particulières ? Des manques ? Des besoins pour réaliser au mieux votre mission ?
Très honnêtement, je ne rencontre pas de difficultés car je suis présente sur le territoire depuis de nombreuses années et l’avantage c’est que mes anciens métiers me permettent d’asseoir mes connaissances techniques et autres. L’idée est de m’appuyer sur ces atouts pour continuer à faire office de facilitateur et mettre les acteurs en relation les uns avec les autres pour permettre aux personnes en difficulté de sortir de leur situation.
Avez-vous une « bonne recette » à partager ?
Ce qui fonctionne, c’est la présence au quotidien sur le terrain, aux côtés des acteurs en lien avec les ménages en précarité énergétique. Garder le contact avec le « terrain » permet de mieux appréhender les problématiques des travailleurs sociaux, des bénévoles pour les aider à trouver des solutions. Être aux aguets de ce qui peut se passer ailleurs, de ce qui est mis en place par tel ou tel acteur du territoire demande beaucoup d’énergie, mais c’est nécessaire.
Trouver les vecteurs de communication les plus adaptés en fonction des interlocuteurs permet de faciliter la compréhension du phénomène : pour mieux comprendre ce qui va se passer demain, il faut déjà comprendre ce qu’il se passe aujourd’hui. Par exemple, j’interviens auprès d’Unis-Cité, des jeunes volontaires en service civique. J’ai complètement adapté mes interventions, pour vulgariser au maximum les informations : des slides sous forme de quizz, des questions à trous, des modalités de visioconférence avec des animations les plus interactives possibles. J’utilise également des podcasts, très appréciés par les professionnels, pour rendre mes interventions plus dynamiques et vivantes.
Comment voyez-vous votre mission dans 10 ans ?
J’aimerais que la mission n’existe plus dans 10 ans ! Ce qui signifierait que plus personne ne soit en précarité énergétique. Mais de nos jours nous sommes déjà dans une urgence climatique, un contexte à la hausse -durable- des prix de l’énergie. Nous devons porter plus que jamais un message sur les économies d’énergie (on parle de sobriété énergétique) et sur la nécessaire rénovation énergétique des logements. En tant qu’électricien nous avons un rôle fondamental à jouer dans le cadre d’une transition « juste » (aider tout le monde et notamment les plus faibles). Un extrait du GIEC indique qu’il n’y aura pas de transition écologique sans justice sociale. La mission d’EDF solidarité va être cruciale dans ce contexte. Pour finir, je dirai que « réussir la transition énergétique c’est n’oublier personne »
Plus globalement, que pensez-vous de la manière dont est traité le phénomène de précarité énergétique sur votre territoire ?
Au niveau du département du Gard il y a une réelle implication des acteurs.
Le dernier PDALHPD[5] du 22 mars 2022 avait comme thème le mal logement. J’ai présenté l’EPR et le Slime, qui peuvent être une des solutions pour lutter contre la précarité énergétique. Le phénomène dans le Gard est un sujet qui est pris à bras le corps et EDF est pleinement partie prenante à cette action. Cela demande du temps mais on s’apprivoise, on se découvre, une fois qu’on se connait, on agit et on voit que les actions portent leurs fruits.
Interview réalisée le 21/04/2022 pour le RAPPEL
[1] Union départementale des centres communaux d’action sociale
La commune de Ligron, dans la Sarthe (72), entend fournir gratuitement à ses habitants de l’électricité produite avec des panneaux photovoltaïques qui seront installés sur des bâtiments municipaux en 2023. Alors que la commune ne consommerait que très peu de l’électricité produite, le surplus serait fourni gratuitement à une association, à laquelle les habitants seront libres d’adhérer s’ils veulent profiter de cette électricité à titre gracieux. « Les habitants sont plutôt curieux et intéressés, surtout depuis que le prix de l’électricité flambe » indique le maire.
Ne laisser personne « au bord du chemin », tel est l’engagement pris par le CCAS de Mont-Saint-Aignan qui, à partir d’observations et d’évaluations, a décidé de mettre en place, pour le plus grand nombre, des actions de lutte contre les risques d’exclusion liés au numérique et agir sur tous les types de fragilités identifiées (matériels, usages, désaffiliation…).
Dans ce projet, le CCAS articule un ensemble d’actions, en son sein, dans les quartiers et à domicile, permettant tout à la fois d’atteindre la population dans son ensemble et de cibler les plus éloignés pour :
Familiariser la population aux nouveaux usages du numérique dans les démarches administratives ;
Garantir l’accès aux droits ;
Proposer des solutions en matière d’équipement et de connexion ;
Apporter des messages d’information pour accompagner la transition numérique ;
Former les plus éloignés tant aux usages des outils connectés qu’à l’usage de l’information qui en est issue pour les amener à l’autonomie ;
Maintenir et développer la relation sociale.
A travers ce projet, le CCAS cherche à mesurer dans quelle mesure une approche du travail social plus agile et mobile permet, par le biais du digital, de faciliter et améliorer l’insertion des plus fragiles.
Porté par l’opérateur public Île-de-France Énergies (IDFE), “Rénovons collectif” est le nouveau programme national de rénovation énergétique des copropriétés. Lancé en octobre 2021, il concerne 86 500 copropriétés (dont 56 722 en Île-de-France).
“Rénovons collectif” est le premier programme à toucher autant de copropriétés en France. Son objectif principal est de sensibiliser le plus largement possible à la rénovation énergétique les 20 millions d’habitants des territoires concernés. Pour cela, cette opération est financée par le dispositif “Certificats d’économie d’énergie” (CEE) et bénéficie d’un budget de 13,7 millions d’euros.
Un enjeu collectif majeur
Massifier la rénovation énergétique des copropriétés pour tendre vers une plus grande sobriété énergétique.
En France, le secteur du bâtiment est, en effet, à l’origine de 25 % des émissions de gaz à effet de serre et de près de 45 % de la consommation d’énergie finale. En France, un tiers des ménages vivent en copropriété, ce qui représente 9, 7 millions de logements. La rénovation énergétique apparaît donc comme un levier efficace pour lutter contre le réchauffement climatique, réduire les factures d’énergie, améliorer le confort des habitants et valoriser les actifs immobiliers.
Des acteurs mobilisés
Aujourd’hui, ce sont donc 51 collectivités territoriales lauréates de l’appel à manifestation d’intérêt qui s’engagent concrètement à développer les projets de rénovation énergétique au sein des copropriétés.
Campagne de communication
Afin d’obtenir l’adhésion d’un large public de copropriétaires, une vaste campagne nationale de communication débutera en juin. 360 événements, des sessions de formations et d’informations, ainsi qu’une opération géante de boîtage (envoi de 1 130 000 courriers) seront organisés un peu partout en France à destination des 4 000 copropriétaires et des syndics.
« L’engagement des territoires et des élus témoigne d’une prise de conscience sans équivoque. Les efforts nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique, la dépendance et la précarité énergétiques doivent se faire à travers des dynamiques communes. » Raphaël Claustre, directeur général d’IDFE.
Ce mercredi 6 avril 2022, les représentants du parc éolien citoyen de l’Hyrôme et le Centre Communal d’Action Social de Chemillé-en-Anjou (49) ont signé une convention de partenariat qui permettront de financer plusieurs actions menées par le CCAS en 2022 : ateliers de sensibilisation, distribution de petits matériels économes, formation d’agents communaux pour réaliser des visites-conseils à domicile.
Le Parc éolien de l’Hyrôme est une société dédiée à l’exploitation de cinq éoliennes, détenue à 50% par des citoyens et à 50% par des collectivités locales. L’électricité produite est vendue à Enercoop, fournisseur d’électricité 100% renouvelable. Un revenu complémentaire « citoyen » versé par Enercoop permet au parc de financer des actions en faveur de la transition écologique et sociétale sur le territoire de Chemillé-en-Anjou.
Partant du constat que les rénovations performantes visant le niveau BBC (Batiment basse consommation) sont encore trop anecdotiques chez les ménages les plus précaires, le mouvement SOLIHA a initié en 2021 le programme « SOLIHA BBC Solidaires : 100 % rénové, 100 % financé, 100 % accompagné ». Celui-ci vise à lutter contre les passoires thermiques et démontrer que les logements énergivores, occupés par des ménages modestes et très modestes, peuvent être transformés en logement BBC avec un reste à charge proche de 0. Il s’agit de fournir aux personnes les plus défavorisées des solutions personnalisées, de supporter financièrement le coût élevé des travaux et de les accompagner dans ces rénovations performantes via une assistance technique, administrative, sociale et financière des ménages.
La méthodologie développée, intégrant « un accompagnement complet des ménages sur toute la chaine de production, des subventions optimisées et des coûts de chantiers maîtrisés », sera testée sur une dizaine de chantiers expérimentaux en 2022, dans des zones climatiques différentes et avec l’appui du réseau national SoliHa. La finalité sera de modéliser les expérimentations et de les rendre reproductibles avec notamment un guide de bonnes pratiques mis à disposition de l’ensemble des acteurs du secteur pour favoriser l’essaimage des compétences et la démultiplication des projets BBC à l’échelle nationale.
Grâce au soutien de la Ligue Nationale Contre le Taudis, SoliHa a pu mobiliser un certain nombre de mécènes et de partenaires, à travers différents concours, appels à projets ou en direct, afin de rendre possible la réalisation de travaux visant la performance et financer l’accompagnement personnalisé nécessaire.
Ce rapport présente une série de 24 cas inspirants en Europe démontrant comment la précarité énergétique peut être atténuée à l’échelle locale. La diversité des situations est grande, de même que la réponse des municipalités face à la problématique de la précarité énergétique.
Les 24 cas présentés sont le résultat de recherches approfondies sur la précarité énergétique menées par le Groupe consultatif sur la précarité énergétique (Energy Poverty Advisory Hub ou EPAH) avec le soutien de ses partenaires nationaux (Antennes EPAH) et d’autres experts de premier plan dans ce domaine. Plus de 200 cas inspirants ont été recensés au cours de cette recherche et sont disponibles sur le site internet du Groupe consultatif sur la précarité énergétique dans l’Atlas en ligne de l’EPAH.
Cet atlas sera mis à jour périodiquement afin de garantir une information toujours plus riche et inspirer les acteurs de la engagés contre la précarité énergétique dans les territoires.
Si votre projet ne figure pas encore parmi les recherches en cours, l’EPAH vous encourage à soumettre les travaux inspirants pour intégrer l’Atlas.
Combattre la précarité énergétique par des actions locales, des cas inspirants à travers l’Europe
Groupe consultatif sur la précarité énergétique, novembre 2021
En novembre 2021, le réseau Auracle et l’association Énergie Partagée ont organisé un webinaire pour investiguer le sujet de la mobilisation des personnes les plus vulnérables par les communautés énergétiques pour une transition énergétique juste et inclusive. Animé par Noémie Zambeaux, il dure 1h15 et se déroule en deux temps.
Le premier temps est consacré à la présentation, par Rachel Guyet, chercheuse au Centre international de formation européenne (CIFE), des résultats d’une enquête exploratoire, lancée en 2020 et déployée en Europe (France, Allemagne et Pays-Bas) auprès des communautés d’énergies renouvelables, pour analyser leurs liens avec les personnes les plus vulnérables pour tendre vers plus de justice énergétique.
Le deuxième temps est consacré aux témoignages de deux collectifs citoyens du grand bassin grenoblois qui présentent leur méthodologie pour approcher d’une part des jeunes (Grési21) et d’autre part des personnes modestes (Energ’Y Citoyenne) et développer des projets co-construits avec ces publics.
Quelques éléments saillants du webinaire :
L’enquête exploratoire montre qu’ en dépit de résultats mitigés principalement liés à un manque d’outillage des communautés énergétiques pour aller vers les personnes vulnérables : mauvaise connaissance de ce public, difficultés pour repérer ces ménages fragiles (l’ancrage local ne suffit pas), manque de ressources humaines et de moyens pour développer des approches spécifiques pour intégrer cette population vulnérable, des fourchettes de prix d’adhésion parfois élevées au regard du budget de ces ménages… certaines ont tout de même mis en place de bonnes pratiques (BurgerEnergieBerlin en Allemagne et Eeklo en Belgique). En outre, elles affichent une réelle volonté de trouver les moyens d’approcher ces personnes dans le but de leur donner accès à la gouvernance des projets sur leur territoire.
Grési21présente ensuite l’implication des jeunes dans les activités et comment faire pour les approcher / les mobiliser : volontaires en service civique via Unis Cité, appel aux dons, mise à disposition d’un local par une commune, formations, succès des interventions dans les écoles primaires, une communication peut-être un peu trop sous estimée…
Enfin, Énerg’Y Citoyenne, communauté énergétique de la métropole de Grenoble, nous partage la réflexion initiale de son projet inclusif (les sujets activés : maitrise de l’énergie et de lutte contre la précarité énergétique, les opportunités : habitat social, partenariat local, motivation bénévole, l’approche incrémentale), les premiers pas (interviews d’acteurs locaux, appels à bénévoles pour co-construire les premières idées avec les habitants et des partenaires locaux : relayer, impulser et explorer) et les questions qui demeurent.
Energy Cities met à l’honneur trois villes qui ont développé et soutenu des actions innovantes d’autorités locales pour lutter contre la précarité énergétique.
Barcelone et ses « points conseil en énergie »,
Vienne et le service dédié du médiateur de l’énergie de Wien Energie, fournisseur d’énergie à Vienne,
Dublin et les « kits d’économie d’énergie à domicile » de la Codema, l’agence de l’énergie de Dublin.
À Barcelone, depuis 2017, le conseil municipal a mis en place des « points conseil en énergie » dans 11 quartiers, pour soutenir les ménages dans le besoin et défendre leurs droits en matière d’énergie.
Améliorer la connaissance des habitants en agissant en proximité pour une meilleure maîtrise de son énergie : voilà l’ambition de l’accompagnement de ces points conseil.
Ils informent et aident les habitants sur des sujets variés :
Évaluer les rappels pour non paiement des factures et éviter les coupures pour les familles vulnérables,
Estimer les coûts énergétiques et réduire la consommation chez les particuliers,
Changer de distributeurs ou passer à des tarifs variables,
Demander les tarifs sociaux,
Produire de l’énergie solaire à domicile et développer des projets d’énergie renouvelable.
En 2020, les résultats sont plutôt concluants : le service bénéficie d’une bonne notoriété, 27 598 cas de coupures ont été évités et 81 692 euros ont été économisés.
En outre, ces points conseil permettent d’agir en faveur de la réinsertion professionnelle : la ville a recruté un tiers de personnes en difficulté face à l’emploi pour les besoins de fonctionnement de ce service.
À Vienne, le fournisseur d’énergie Wien Énergie propose des conseils individualisés à travers le service dédié d’un médiateur de l’énergie. Du contrôle de la consommation aux visites à domicile, cet accompagnement a pour objectifs d’éviter les interruptions de service et les poursuites judiciaires en proposant des solutions ciblées. Ce service coopère avec les services sociaux et propose des conseils et formations aux décideurs.
Les résultats sont positifs : en 2020, le médiateur de Wien Énergie a reçu plus de 21 000 demandes de la part d’institutions sociales et a aidé avec succès environ 14 500 ménages.
À Dublin, la Codema, l’agence de l’énergie de Dublin, met gratuitement à disposition des habitants des « kits d’économie d’énergie à domicile » comprenant un thermomètre de réfrigérateur, un thermomètre et un hygromètre, une clé de radiateur, un détecteur de fuites thermiques, un compteur d’énergie enfichable, ainsi qu’un chronomètre. L’objectif est que tout un chacun puisse évaluer ses consommations d’énergie pour essayer de mieux les maitriser. Ces kits d’outils faciles à utiliser sont disponibles dans les bibliothèques de la ville.
Face au succès de cette action, celle-ci est en cours d’essaimage en Irlande.
La loi MAPTAM de 2014 confère aux Départements, en charge de la solidarité et de l’action sociale, le rôle de chef de file en matière de contribution à la lutte contre la précarité énergétique (Art. L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales). Cette compétence les conduit à mener différentes actions en faveur de la résorption du phénomène.
C’est le cas par exemple du Conseil départemental du Val-de-Marne qui, au travers de son plan départemental de lutte contre la précarité énergétique (2019-2022), assure entre autres la coordination des acteurs pour aboutir à une meilleure prise en charge des ménages. Le Département du Lot s’appuie quant à lui sur des fonds sociaux d’aide aux travaux de maîtrise de l’énergie qui viennent compléter les aides et accompagnements à la rénovation pour les ménages les plus fragiles.
Le Centre intercommunal d’action sociale (CIAS) de la communauté de communes de Sarlat-Périgord Noir contribue au renforcement de la cohésion sociale en assurant une action sociale de proximité favorisant le mieux vivre ensemble. Il s’est engagé dans la mise en place d’une plateforme de lutte contre la précarité énergétique.
> Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a conduit à intervenir sur la précarité énergétique ?
J’ai une formation initiale de Conseillère en économie sociale et familiale (CESF).
Au CIAS j’ai repris un projet qui a été monté par une autre collègue qui s’est notamment formée avec le CREAQ[1] sur la réalisation de diagnostics sociotechniques au domicile des ménages en précarité énergétique.
En 2014/2015, ma collègue avait constaté qu’un tiers des demandes d’aides financières faites auprès du CIAS concernait l’énergie : les factures des ménages étaient en hausse et nous manquions de solutions durables pour régler ce problème. Elle a répondu à un appel à projet pour monter une plateforme de lutte contre la précarité énergétique sur le modèle de ce qui avait été fait sur Grenoble. L’idée était de positionner le CIAS en tant que guichet unique du secteur pour répondre à toutes les questions liées à la précarité énergétique et servir de relais avec Soliha. Ma collègue a donc suivi la formation pour réaliser les visites, et en parallèle le CIAS s’est doté d’un éco-logement mobile interactif, l’ensemble permettait de coupler les approches individuelles et collectives. Ce projet a vraiment émané du terrain et sur la base des constats en matière d’impayés d’énergie.
> Aujourd’hui, en quoi consiste votre mission et particulièrement dans le domaine de la lutte contre la précarité énergétique ?
Nous sommes 4 CESF et on reçoit tout public majeur, résident sur la communauté de communes et ayant besoin d’être accompagné sur des problématiques en lien avec la vie quotidienne. Notre activité principale concerne la gestion du budget et l’accès aux droits : monter les dossiers de surendettement, instruire les demandes d’aide financières, veiller à l’ouverture de droits sociaux (complémentaires santé solidaires, dossiers MDPH[2]). Nous travaillons en partenariat avec différents acteurs du territoire : les associations caritatives pour l’alimentaire, les services d’accès aux soins pour les problématiques de santé, Pôle emploi et la mission locale pour les problématiques d’insertion. Nous aidons aussi les personnes qui n’ont pas accès à internet ou des difficultés avec l’informatique. En matière de précarité énergétique, nous accompagnons les personnes pour faire des demandes d’aides financières type MaPrimeRénov’, et travaillons en partenariat avec Soliha.
> En cas de situation d’impayés, d’énergie ou de menace de coupure, comment intervenez-vous ?
Généralement on établit le budget de la famille pour évaluer quelles types d’aides financières sont mobilisables. Les aides principales sont le FSL[3], il est également possible de demander un passage en commission d’aide au niveau du CIAS. Le budget du CIAS peut être mobilisé pour toutes les dépenses de la vie quotidienne. En général, les aides sur le volet logement/énergie viennent en complément du FSL car le montant mobilisable est moins important que ce dernier (maximum 200 euros par an).
Nous sommes en lien avec les fournisseurs d’énergie afin de négocier un plan d’apurement, des délais de paiement, etc. Nous vérifions aussi que les personnes font bien valoir tous leurs droits concernant leur éligibilité au chèque énergie notamment.
Quand on établit le budget de la famille, si les personnes n’ont pas reçu le chèque, parce qu’elles ont déménagé par exemple, ou si le chèque a été perdu, on aide à faire les démarches via le numéro dédié ou sur le site internet. Cela arrive aussi que le chèque ne soit pas envoyé car il y a une erreur au niveau des avis d’imposition, ou bien qu’elles rencontrent des problèmes pour en bénéficier si elles ont pré-affecté leur chèque sur internet puis changé de fournisseur entre temps. Nous sommes là pour nous assurer que les personnes fassent bien valoir leurs droits.
Après, si les personnes viennent de façon récurrente pour des problèmes d’impayés, nous pouvons engager un travail pour évaluer s’il n’y a pas une problématique au niveau du logement en réalisant une visite sociotechnique. L’objectif est de comprendre quelles sont les causes des factures importantes : est-ce un problème de comportement, de bâti… Pour ensuite apporter des solutions, en termes de préconisations de gestes comme de petits travaux dans le logement.
On regarde les caractéristiques du bâti : l’habitat est-il ancien, récent ? Quel est l’état de la toiture, des menuiseries ? Est-ce qu’on est sur du simple ou double vitrage, y a-t-il une VMC ? etc. On réalise également un travail sur les factures pour évaluer la consommation de la famille. Si l’abonnement est en heures pleines/heures creuses, est-ce que ces dernières sont bien utilisées durant les plages dédiées, est-il possible d’optimiser leur utilisation ? Quel est l’équipement de la famille au niveau électroménager (est-il ancien/récent, le ménage est-il sur ou sous équipé) ? Quelles sont les pratiques de la famille en termes de chauffage (notamment lorsqu’il est électrique) ?
On établit ensuite un rapport de visite que l’on remet à la famille qui détaille les caractéristiques du bâtiment, et on préconise soit des modifications au niveau du comportement soit des menus travaux, des choses qui sont à la portée de la famille. Comme par exemple placer un rideau épais devant une porte d’entrée s’il n’y a pas de sas d’entrée pour éviter de refroidir la maison. On reste sur des conseils un peu basiques, après s’il s’avère qu’il y a un vrai problème au niveau du bâti, on peut proposer avec l’accord de la famille d’envoyer le rapport au propriétaire afin de le sensibiliser aux difficultés que rencontre son locataire et d’essayer de faire de la médiation pour la réalisation de travaux.
Cela arrive également que l’on fasse des signalements pour logement non-décent.
Dans ce cas, on envoie des photos et on explique la situation aux services de la DDT[4] puis on réalise une visite à domicile en commun avec un agent de l’état. En principe il est également demandé la présence d’un représentant de la mairie. Les techniciens font le tour du logement et en commission interne décident des suites données au dossier. Si le logement est classé non-décent, ils se mettent en relation avec les services de la CAF pour suspendre le versement des aides au logement.
Si les personnes sont dans le parc privé dégradé et qu’elles souhaitent déménager, nous facilitons la mise en lien avec les bailleurs sociaux pour l’accès à des logements sociaux.
Enfin, avec l’éco-logement mobile nous sommes également allés vers d’autres publics en réalisant des interventions dans les écoles. Il s’agit d’une visite commentée de l’exposition, cela intéresse fortement les enfants et c’est en lien avec les programmes scolaires des CM1 et CM2, les instituteurs proposent ensuite des prolongements avec leurs élèves sur la consommation d’énergie.
> Comment se passe le partenariat avec les fournisseurs d’énergie ?
Les fournisseurs ne sont pas tous organisés de la même façon.
EDF et ENGIE ont des portails pour les travailleurs sociaux et des services sociaux dédiés qui permettent de les contacter plus facilement, ce qui n’est pas le cas de tous les fournisseurs.
D’autres fournisseurs, non dotés d’un portail informatique spécifique, ont néanmoins des services dédiés avec une adresse mail particulière pour envoyer les informations indiquant qu’il y a une demande d’aide financière déposée, ce qui permet de protéger le dossier et d’éviter les coupures.
Après, d’autres fournisseurs n’ont pas ces services et dans ce cas nous passons par le numéro classique comme n’importe quel client et c’est plus compliqué d’avoir quelqu’un en ligne. Malgré un nombre important de fournisseurs d’électricité, la plupart des ménages que nous accompagnons sont chez les principaux fournisseurs : EDF, ENGIE, Total Energie, Eni.
> Travaillez-vous avec d’autres partenaires sur cette thématiques ?
On travaille bien avec Soliha : pour les demandes d’aides financières sur des dossiers ANAH, on assure la mise en lien avec les personnes que l’on accompagne.
L’ADIL 24 fait des permanences au CIAS, ils étudient l’éligibilité des personnes à certains types d’aides, et de notre côté nous aidons ces personnes à constituer les dossiers, on les accompagne également pour les démarches en ligne vu que désormais tout se fait numériquement.
> Quels types de publics recevez-vous majoritairement ?
Les locataires ont plutôt tendance à venir pour des problèmes de factures impayées, les propriétaires viennent davantage nous solliciter pour avoir des informations sur les travaux à réaliser et les aides mobilisables.
> Avez-vous le sentiment que la situation des ménages accompagnés s’améliore ?
Non pas vraiment, surtout avec l’augmentation des couts de l’énergie, on n’en voit pas encore les effets maintenant mais ça ne va pas en s’améliorant. Les ménages, en cherchant à anticiper l’augmentation de leurs factures, peuvent être amenés à modifier leurs comportements et pas toujours à bon escient. Par exemple, ne laisser fonctionner qu’un radiateur sur deux, ce qui n’est pas toujours le plus pertinent en termes d’économies d’énergie.
Un autre problème concerne la mensualisation : les personnes cherchent à réduire le montant de leurs mensualités et se retrouvent en difficulté au moment de la régularisation. Lorsqu’elles viennent nous voir il y a souvent une incompréhension sur le montant de la facture, elles ne trouvent pas cela normal. On essaie d’être dans une démarche pédagogique d’explication des factures, mais quand les personnes viennent c’est surtout pour trouver une solution par rapport à la dette. Lors de l’entrée dans un nouveau logement, le fournisseur propose un certain niveau de mensualisation qui est souvent jugé trop élevé. Ça reste très compliqué d’avoir des mensualisations de moins de 70-80 euros par mois, or pour un ménage au RSA c’est une réelle somme et il est difficile d’avoir des logements qui puissent être adaptés à des petits budgets au regard du montant du loyer et de la consommation d’énergie.
> Rencontrez-vous des difficultés particulières pour réaliser au mieux votre mission ?
S’il y avait vraiment un appui technique pour faire des diagnostics au niveau des logements et orienter les personnes cela serait un plus notamment pour inciter des bailleurs privés à faire des travaux. Notre intervention est très sociale (démarches administratives, accès aux droits) mais il nous manque la partie technique pour que les actions du CIAS puissent se faire en partenariat avec une double vision technique et sociale. On peut prodiguer des conseils, faire des demandes financières mais à un moment donné il faut s’attaquer au bâti.
Cette démarche est en cours dans le cadre d’une OPAH qui va démarrer en 2022 sur trois communautés de communes dont celle de Sarlat Périgord Noir : un technicien va être recruté pour conseiller toutes les personnes souhaitant réaliser des travaux.
> Pour conclure, que pensez-vous de la manière dont est traité le phénomène de précarité énergétique sur votre territoire ?
Au regard des difficultés sociales des publics que nous accompagnons, la précarité énergétique n’est pas une question prédominante de prime abord. Mais je pense que cette problématique va devenir de plus en plus importante avec l’augmentation des prix de l’énergie.
Aujourd’hui dans le règlement du FSL de la Dordogne, pour déposer une demande d’aide, il faut systématiquement fournir le DPE[5] du logement si celui-ci fait plus de 50m². Mais ce diagnostic est fourni à titre indicatif et le règlement ne dit pas que si le logement est classé E il n’y a pas d’aide. Ce pourrait être une piste d’évolution de décider qu’une famille qui rentre dans un logement mal classé avec des consommations importantes, et donc une forte probabilité de solliciter le FSL, ne pourrait pas en bénéficier. Ça pourrait être un moyen de faire pression sur les bailleurs pour rénover.
Entretien réalisé le 16 novembre 2021 pour le RAPPEL.
Une rénovation énergétique partielle implique aussi une sortie seulement partielle et temporaire de la précarité énergétique : l’augmentation tendancielle des prix de l’énergie condamne les ménages concernés à retomber dans la précarité en quelques années, sans possibilité d’investir de nouveau dans le logement ou de contracter de nouvelles aides. Si la rénovation globale et performante est le meilleur moyen de protéger durablement les ménages de la précarité énergétique, elle est évidemment plus coûteuse (40 à 45 000€ en moyenne) et rend la question du reste à charge d’autant plus prégnante que pour une rénovation plus « simple ».
Illustration avec une opération de rénovation globale d’une maison des années 60 occupée par un couple de propriétaires modestes accompagné par la société Dorémi[1] : le coût des travaux (80 000€) a été couvert par des aides à hauteur de 43 000€, un éco-prêt à taux zéro de 30 000€ et un apport personnel de 6 000€. Résultat : une passoire thermique qui affiche désormais la classe énergétique B avec une facture énergétique divisée par sept (29€ par mois au lieu de 222€).
Ce type d’opération resterait toutefois exceptionnel, car si le plafond de l’éco-PTZ pour les rénovations énergétiques globales est récemment passé de 30 000 à 50 000 euros, encore faut-il avoir accès au crédit bancaire : « actuellement, nous accompagnons une dizaine de chantiers par an pour des clients qui sont pour la moitié des propriétaires modestes voire très modestes et bénéficient d’aides supérieures à 20.000 euros. Mais qui n’ont pas toujours la chance, notamment les très modestes, d’obtenir un éco-PTZ» précise Vincent Legrand, PDG de Dorémi. Le prêt avance rénovation devrait permettre de lever ce frein puisqu’il permettrait aux ménages modestes ayant des difficultés à accéder aux crédits bancaires classiques de financer le reste à charge des travaux de rénovation en reportant le remboursement de l’emprunt au moment de la vente future du logement ou lors de la succession. Pour le moment, seuls le Crédit mutuel et la Banque postale se sont engagés à proposer ce prêt…
[1] Dorémi propose un soutien aux propriétaires ayant un projet de rénovation complète de leur maison : informations sur les aides et financements et mise en relation avec des groupements de professionnels du bâtiment formés à un référentiel de la rénovation performante.
Les initiatives intégrant la contribution de producteurs d’énergie renouvelables dans les actions de lutte contre la précarité énergétique fleurissent.
Un article du CLER-Réseau pour la transition énergétique met en lumière l’expérience de l’association Alisée (Pays de la Loire), qui bénéficie de l’appui financier de producteurs ou exploitants pour accompagner des ménages en précarité énergétique selon différents modèles : financement de l’accompagnement de futurs riverains d’un parc éolien, don d’intérêts par les participants à un financement participatif, micro-dons des clients du fournisseur Enercoop.
Ces contributions permettent à l’association de déployer davantage de moyens pour aider des ménages à rénover leurs logements et les protéger plus durablement de la précarité énergétique qu’un coup de pouce financier ponctuel.
Selon les dernières données Eurostat, 31 millions d’européens (soit 7% des ménages) ont été dans l’incapacité de se chauffer correctement en 2019 malgré la mise en œuvre de politiques de lutte contre la précarité énergétique en Europe.
Face à ce constat, l’Observatoire National de la Précarité Energétique (ONPE) a réalisé un benchmark pour décrire la situation de la précarité énergétique et les principaux dispositifs mis en œuvre dans 10 pays européens et au niveau de l’Union Européenne.
Porté par le « groupe de travail Europe » de l’ONPE, l’objectif de cette brochure est de compiler des données récentes sur les mesures mises en œuvre pour prévenir la précarité énergétique et de les diffuser dans un format synthétique et graphique, en anglais et en français pour faciliter le partage d’expériences.
A partir d’informations disponibles en 2020, cette brochure est composée :
De 10 fiches-pays en français et en anglais (accessible depuis une carte interactive sur la page dédiée du site de l’ONPE). Ces fiches de 4 pages abordent la spécificité du pays sous quarte angles :
La gouvernance : définitions, textes réglementaires, éléments de contexte, la présence d’un observatoire, etc. ;
Les indicateurs de suivi de la précarité énergétique, à partir des données Eurostat (cinq indicateurs retenus) et à partir d’indicateurs nationaux ;
Les principales mesures nationales : aides à l’énergie, efficacité énergétique, avec ou sans critères de restriction, etc. ;
Des opérations exemplaires : plus de 60 actions ont été sélectionnées et validées par un réseau européen d’experts internationaux sollicités dans le cadre de cette étude.
une note explicative fournissant la définition des indicateurs présentés
et une documentation très fournie qui recense l’ensemble des sources utilisées et d’autres rapports de référence, présentés par pays.
A la lecture de ce benchmark, vous apprendrez par exemple qu’au-delà de fortes disparités, il existe des tendances communes comme la priorité accordée aux aides à l’énergie plutôt qu’à la rénovation énergétique ou encore le faible nombre de mesures concernant les transports et le soutien aux énergies renouvelables adressées aux ménages vulnérables.
La crise économique et sanitaire du Covid-19, couplée à la hausse des prix de l’énergie, exacerbent la précarité énergétique. Érigée au rang de priorité nationale depuis la loi de Transition énergétique de 2015, la précarité énergétique demeure pourtant, en France, quasi-absente des débats médiatiques et politiques et de la conscience collective. Dans ce contexte, et parce que la précarité énergétique n’est pas une fatalité, le CLER – Réseau pour la transition énergétique donne la parole à des experts, des acteurs de terrain et des ménages. L’enjeu : mettre en lumière les solutions qui marchent !
Dans ce nouveau numéro de Notre énergie, retrouvez :
Un entretien avec Audrey Berry, analyste auprès du Haut conseil pour le climat et spécialiste de la précarité énergétique,
les actions réalisées par les Conseils départementaux du Val-de-Marne et du Lot pour lutter contre la précarité énergétique,
la présentation d’initiatives menées dans les territoires pour accompagner les ménages : médiation, fonds d’aide aux travaux de maîtrise de l’eau et de l’énergie, mobilisation d’habitants-relais, auto-réhabilitation accompagnée et bricobus,
un entretien avec Elvire Bornand, sociologue spécialiste de l’action publique,
un reportage présentant le témoignage d’un ménage ayant bénéficié du dispositif Slime.
Précarité énergétique, l’urgence d’agir
Notre énergie, N°132, Automne 2021, CLER-Réseau pour la transition énergétique
À l’approche de l’hiver, la commune d’Avion (Pas-de-Calais) tire le signal d’alarme. Les hausses successives des prix du gaz et de l’électricité fragilisent les foyers les plus modestes. Le maire a donc pris un arrêté symbolique pour interdire les coupures d’électricité dans la commune d’ici la trêve hivernale (qui démarre le 1er novembre).
L’arrêté municipal n’est, pour le moment, pas contesté par la préfecture.
Dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) qui constitue la feuille de route de la France pour réduire les consommations énergétiques et permettre la neutralité carbone à l’horizon 2050, la DREAL Grand Est a lancé un appel à partage d’initiatives. L’objectif était de faire connaître des projets locaux alliant transition énergétique et justice sociale, pouvant être inspirants et reproductibles en tant que déclinaison concrète de la SNBC sur un territoire.
Ce partage d’initiatives du Grand Est a fait l’objet d’une publication intitulée « Pour une transition rapide, juste et partagée » dans laquelle figurent notamment un panorama d’initiatives de lutte contre la précarité énergétique, situés à différents niveaux de la chaine de resorption du phénomène (repérage, diagnostic, aide à la facture, aide aux travaux, etc.) :
« Rénover pour tous » (Eco-quartier de Strasbourg) : achat par un organisme de foncier solidaire de logements énergivores occupés par des propriétaires modestes et âgés. Le Bail réel solidaire permet au ménage de conserver des droits réels sur le bien, lui permettant de bénéficier des aides de l’ANAH et de ré-investir le produit de la vente du foncier dans des travaux de rénovation globale ambitieux (confort, énergie, accessibilité).
« Stratégie territoriale contre la précarité énergétique » (ALEC Pays Messin) : repérage des ménages en précarité énergétiques, visites à domicile pour évaluer les opérations de rénovation énergétique à mener et mutualisation de commandes pour la réalisation de travaux standardisés définis au préalable auprès de groupements d’entreprises (afin de permettre des économies d’échelle et bénéficier de tarifs préférentiels).
« Préfinancement des aides Habiter Mieux » (PETR du Pays de la Déodatie) : « Habiter Mieux en Déodatie » préfinance les aides publiques à la rénovation énergétique en percevant pour le compte du particulier l’ensemble des subventions de l’ANAH, de la Région, du Département et des collectivités locales. Une fois les aides perçues, le Pays de la Déodatie règle la facture aux entreprises : le particulier ne paye que le reste à charge.
« Centrale photovoltaïque sur le toit d’un Emmaüs » (association Fronticoop Energies) : installation d’une centrale photovoltaïque sur le toit d’une communauté Emmaüs. La vente annuelle de l’énergie produite par cette installation servira à financer des projets de lutte contre la précarité énergétique (aide à l’achat d’électro-ménager performant par exemple).
« Solidarité pour lutter contre la précarité énergétique en période de COVID » (Secours populaire français) : aide au règlement de certaines factures énergétiques pour éviter des coupures d’électricité et de chauffage et orientation des dossiers vers le CCAS et les services sociaux départementaux pour régler les situations d’impayés.
« A la rencontre des habitants pour lutter contre les précarités » (PIMMS Nord Lorraine) : ateliers collectifs de prévention de la précarité énergétique, missions de médiation avec les fournisseurs d’énergie et prévention des risques liés au monoxyde de carbone avec le concours de bailleurs sociaux.
Consulter le partage d’initiatives du Grand Est (Cf thématiques Habitat et Energie) :
Pour une transition rapide, juste et partagée, DREAL Grand Est et Citoyens & Territoires Grand Est, Juillet 2021
Vivre loin des principales zones urbaines ou avoir des moyens limités pour accéder aux biens et services, à l’éducation ou encore à l’emploi impacte fortement la part du budget des ménages dédiée au transport et génère une risques de vulnérabilité. Selon l’ONPE, un ménage peut être considéré en précarité énergétique « mobilité » lorsqu’il fait partie des 30% des Français les plus pauvres et qu’il consacre plus de 4,5% de ses ressources à des dépenses de carburant (pour se rendre sur son lieu de travail et/ou son lieu d’étude, ainsi que pour les achats, la santé ou des raisons administratives).
Réduction de la dépendance à la voiture par la promotion ou la gratuité de transports publics, encouragement à la mise en place de moyens de transports partagés… des solutions locales existent pour que la mobilité reste accessible et abordable pour tous. Energicities en relaye quelques-unes dans son article « Qu’est-ce que la précarité liée aux transports et comment les villes peuvent-elles y remédier ? » :
Neighbourhood Travel Teams dans le comté de Merseyside (Royaume-Uni) : des solutions de déplacement individuelles (plans de déplacement personnalisés, informations ou cartes de bus gratuites) sont proposées dans les zones défavorisées afin de permettre aux citoyens d’accéder à l’emploi, à la formation, à l’éducation et aux soins de santé.
Gratuité des transports en communs à Dunkerque : un service de bus gratuits qui ont connu une hausse d’utilisation de 60 % en semaine et de 120 % le week-end. Cette gratuité des transports publics a également été instaurée à Tallinn (Estonie) et au Luxembourg.
MOV’ICI à Grenoble : une application mobile de co-voiturage qui permet notamment de faciliter les déplacements quotidiens (pour se rendre au travail par exemple) des personnes habitant dans les zones rurales, et ainsi réduire les inégalités géographiques et territoriales.
EDF Commerce Sud-Ouest et Alogia (spécialiste de la prévention santé dans l’habitat) proposent une nouvelle offre de service dédié aux séniors qui allie ergothérapie et économies d’énergie. Expérimentés depuis 8 mois en Nouvelle-Aquitaine des diagnostics à domicile sont réalisés par des professionnels de santé. Deux visites sont réalisées :
La première a pour objectif de prévenir et identifier les possibles difficultés ou risques de danger dans l’habitat et proposer si besoin, des aménagements du logement,
Lors de la seconde visite, l’ergothérapeute effectue un diagnostic sur la consommation énergétique, forme aux gestes écologiques quotidiens et propose des solutions pour mieux isoler le logement, optimiser l’utilisation de ses équipements de chauffage, mieux se servir de ses équipements électroménagers, etc. Si précarité il y a, l’ergothérapeute peut orienter l’habitant vers des aides financières notamment le dispositif du chèque énergie.
Ces actions de prévention, de conseil et d’adaptation de l’habitat répondent à la forte demande des bailleurs sociaux, des collectivités et des groupes de prévention santé. Initié au départ avec les équipes de Domofrance, AG2R La Mondiale, ENEAL, Malakoff Humanis et Promologis, ont également manifesté leur intérêt et engagement.
Expérimentée en Nouvelle-Aquitaine, cette offre de diagnostic a déjà doublé son objectif de déploiement initial. Forte de ce succès, la prestation pourrait s’étendre partout en France.
Une pratique désormais encadrée par la réglementation
Il y a autoconsommation collective dès lors que la fourniture d’électricité s’effectue entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finaux situés en aval d’un même poste public de transformation d’électricité en basse ou moyenne tension. Elle s’appuie le plus souvent sur de l’énergie solaire photovoltaïque. En d’autres termes : l’énergie électrique venant des panneaux solaires d’un immeuble va alimenter les espaces communs avant d’être injectée sur le réseau pour alimenter les logements de l’immeuble.
Cette pratique est désormais encadrée en habitat social par un décret du 5 juillet 2021 qui précise aussi le rôle et les responsabilités du bailleur, et la possibilité pour les locataires de participer ou non à l’opération. Dans le cas d’une opération d’autoconsommation collective, le bailleur social a notamment pour obligation :
D’informer les locataires concernés du projet d’autoconsommation collective : réunion spécifique, affichage, lettre information individuelle aux locataires. Tout locataire peut dès lors indiquer son refus de participer à l’opération ;
De fournir un certain nombre d’informations dans ses communications : identité de la personne morale organisatrice de l’opération d’autoconsommation collective, description de l’opération et modalités de la répartition de l’énergie envisagée entre les locataires, modalités de répercussion financière de la participation à l’opération pour les locataires, modes de paiement proposés et, le cas échéant, les conditions d’évolution de la répercussion financière, la durée de l’opération, l’existence du droit de refus de participer à l’opération et de la possibilité de la quitter ou de l’intégrer ou réintégrer à tout moment, etc.
Pour en savoir plus sur les modalités de refus du locataire ou de sa réintégration dans l’opération, consulter l’article de la Banque des territoires.
Certains bailleurs sociaux n’ont pas attendu le décret pour se lancer
C’est le cas par exemple de Gironde Habitat qui a lancé en 2017 son opération d’autoconsommation collective sur un immeuble de 60 logements équipé de 240 m2 de panneaux solaires photovoltaïques, avec un gain potentiel de 50 et 70 € par logement et par an. « Aujourd’hui, on peut considérer que les obstacles techniques sont surmontés. Le dispositif fonctionne et l’énergie produite est suffisante. Il y a eu une production excédentaire tous les mois. Il faut désormais travailler sur la répartition des gains et le comportement des ménages », indique le directeur d’Enedis à Bordeaux Métropole. Pour en savoir plus, consulter l’article de la Tribune « Autoconsommation collective : expérimentation concluante pour Gironde Habitat et Enedis ».
En 2020, c’est habitat 17 (Charente-Maritime) qui a mis en place une opération dans une résidence neuve de 25 logements, avec 78 m² de panneaux dont 80% de la production d’électricité devrait être consommée par les parties communes et les logements des locataires, permettant une économie moyenne estimée de 40 € par foyer et par an. Pour en savoir plus, consulter le communiqué de presse de l’opération.
Autre exemple en Italie (le gouvernement ayant adopté en 2019 un décret autorisant l’expérimentation à grande échelle de l’autoconsommation collective), où la municipalité italienne de Scandiano accueillera prochainement une opération de rénovation et d’autoconsommation collective (avec stockage de l’électricité) pour 48 logements, dont une majorité de logements sociaux gérés par l’office régional de l’habitat ACER Reggio Emilia. Le projet doit permettre aux résidents de réduire leurs besoins en électricité issue du réseau de 60 % avec une attention particulière à ce que tous les occupants bénéficient équitablement du projet en permettant notamment de mesurer avec précision les flux d’énergie entrant et sortant de chaque logement. Pour en savoir plus, consulter l’article d’Energycities « L’autoconsommation collective pour lutter contre la précarité énergétique ».
Dans le cadre d’un défi lancé par l’UNCCAS «Comment repenser le repérage des personnes en fragilité sociale sur le territoire pour optimiser leur accompagnement et maintenir des liens durables?» un partenariat entre le CCAS de Sarcelles, la Fabrique des CCAS/CIAS et l’Incubateur de Politiques Publiques de Sciences-Po ont mené un travail de design de services menant à la création d’un prototype : « Les Eclaireurs ».
Une phase d’exploration sur le territoire de Sarcelles a d’abord eu lieu puis une phase d’idéation collective (processus permettant de générer des idées grâce à un processus créatif de production) avec plusieurs CCAS pour répondre à la question du défi proposé. Afin de répondre à la situation de non-recours aux aides sociales et d’invisibilité de nombreux publics en fragilité, il a ainsi été proposé de créer un « réseau d’Éclaireurs », des acteurs de proximité au contact de la population, amenés à détecter les signaux faibles de fragilité sociale pour faire connaître les services du CCAS et amorcer une possible prise en charge. Cette action propose de requestionner plusieurs dimensions du CCAS comme la communication du CCAS, la coordination des acteurs de proximité ou encore l’interconnaissance des acteurs.
Cette démarche a ainsi donné lieu à une boîte à outils permettant aux CCAS de redéployer le prototype des « Eclaireurs » en repensant le repérage des personnes en fragilités sociales.
L’action s’inscrit dans le cadre du programme CCAS 2050, démarche d’innovation et de transformation de l’action sociale locale. Sarcelles constitue la première « Ville laboratoire » de la démarche.
Ces « Eclaireurs » n’est pas sans faire penser au réseau de « donneurs d’alerte » déployé par certains dispositifs de lutte contre la précarité énergétique (comme le programme SLIME par exemple) et une démarche de design de services du même type avait déjà été testée dans le cadre du projet « Bien chez vous » pour repérer la précarité énergétique en milieu rural sur un territoire du Doubs.
Né en 2014 en région Centre-Val de Loire, le Bricobus est une démarche solidaire itinérante permettant de déployer des actions d’accompagnement à l’amélioration de l’habitat. Portée initialement par les Compagnons Bâtisseurs Centre-Val de Loire, la démarche s’appuie sur une version itinérante des actions d’auto-réhabilitation accompagnée de l’association, adaptée à un territoire rural à l’habitat très diffus. La présence d’un Bricobus sur le terrain, au plus près des publics et souvent en lien étroit avec des acteurs locaux (centre social par ex.), permet de faciliter le repérage de ménages vivant dans des conditions d’habitat très précaires et pour lesquelles aucune réponse n’était apportée au travers des dispositifs existants.
Suite à une expérimentation de trois ans sur un territoire d’Indre-et-Loire avec l’objectif d’accompagner 12 familles par an dans la mise en œuvre d’un chantier d’auto-réhabilitation accompagnée, le projet a fait des émules au sein de plusieurs autres collectivités et un dispositif d’essaimage national a été mis en place afin d’accompagner d’autres associations régionales de Compagnons bâtisseurs dans la mise en œuvre de Bricobus. Les modes d’intervention varient selon les besoins du territoire, mais s’inscrivent toujours dans une logique de « faire avec » les ménages et de transmission de savoir-faire : chantiers d’auto-réhabilitation accompagnée, formations et ateliers sur le bricolage ou les travaux d’entretien, ou encore prêt d’outillage avec conseils technique adaptés.
Aujourd’hui, c’est désormais une vingtaine de Bricobus qui sillonnent le territoire national, en zone urbaine comme rurale, pour améliorer les conditions de logement des ménages.
Pour en savoir plus, consulter la Lettre d’information du mouvement des Compagnons Bâtisseurs dédiée aux Bricobus et qui donne la parole à différentes parties prenantes du projet :
CB info – La lettre du mouvement Compagnons Bâtisseurs, Juin 2021
L’Observatoire partenarial de l’Habitat de l’agglomération lyonnaise étudie depuis plusieurs mois les effets de la crise sanitaire sur le lien des occupants à leur logement, au travers notamment :
De sapublication annuelle qui propose d’apporter un éclairage local sur les nombreuses interrogations soulevées par la crise sanitaire de 2020 : Dans quelle mesure le confinement généralisé a-t-il modifié la relation des ménages à leur logement ? Comment les publics les plus vulnérables ont-ils été accompagnés au cours de cette période ? Quels effets de la crise sanitaire sur le marché de l’habitat et du logement dans l’agglomération lyonnaise ? Cette publication repose en partie sur les résultats d’une enquête menée par l’Agence d’urbanisme auprès des habitants de l’aire métropolitaine lyonnaise. Un questionnaire d’une vingtaine de questions ouvertes et fermées a été diffusé par voie électronique pendant l’été 2020 afin d’interroger les ménages sur leur qualité de vie et leurs conditions de logement pendant le confinement.
De la huitième édition des rencontres-débats de l’Observatoire partenarial de l’Habitat qui a été consacrée aux effets de la crise sanitaire sur la qualité de vie et l’analyse du lien au logement. Cet atelier a permis de partager la perception des habitants issue d’enquêtes menées à différences échelles (l’enquête évoqué ci-dessus et une autre réalisée à l’échelle nationale sur les effets du confinement de mars 2020 sur le bien-être et le quotidien des français). Une table ronde a permis de croiser les regards sur cette perception du confinement et de partager les expériences sur les dispositifs et les mesures d’accompagnement mis en place par les différents acteurs présents (élus, bailleur, Crous de Lyon, architecte). Ces échanges ont également permis d’évoquer les enseignements et améliorations à tirer collectivement de cette crise sanitaire inédite en matière de modèles de développement et de projets urbains pour l’avenir.
Consulter les productions de l’Observatoire partenarial de l’Habitat :
La crise sanitaire et le logement dans l’agglomération lyonnaise – Regard sur l’année 2020 et enjeux pour demain
Les effets de la crise sanitaire sur la qualité de vie et le lien au logement dans l’agglomération lyonnaise – Les idées-clés de la 8e rencontre-débat
Crise sanitaire et logement dans l’agglomération lyonnaise
Observatoire partenarial de l’Habitat de l’agglomération lyonnaise, 2021
L’association « Les Locaux Moteurs », créée en juillet 2015, a pour objectif d’informer les potentiels bénéficiaires d’aides aux travaux d’amélioration énergétique des logements sur les dispositifs existants, notamment dans le cadre d’Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (OPAH). Des habitants-relais, recrutés et formés localement par l’association, sont chargés de porter cette information auprès de leurs pairs, par du porte à porte.
> Quel est votre parcours, comment en êtes-vous arrivée à travailler sur le sujet de la précarité énergétique ?
Je ne suis pas du tout un acteur de l’habitat : à la base je viens du monde de l’agriculture. J’ai beaucoup travaillé en « expérimentation végétale », dans des laboratoires de recherche, puis dans une coopérative qui faisait du champignon dans le Maine-et-Loire. J’y suis intervenue en tant que formatrice-animatrice auprès des cueilleuses. Ma mission consistait à améliorer la qualité des champignons, j’allais dans les caves. A l’époque, je m’interrogeais beaucoup sur mon avenir professionnel, et le fait d’avoir rencontré ces femmes qui avaient des conditions de travail et de vie très difficiles m’a amenée à rencontrer des travailleurs sociaux et m’a ouvert les yeux sur une autre culture professionnelle : celle de l’action sociale. J’ai ensuite pris le temps de rencontrer tout le milieu du travail social, ce qui m’a donné envie de reprendre des études : je suis repartie pour trois ans dans un cursus de Conseillère en économie sociale et familiale (CESF) à l’IFORIS d’Angers. Mon diplôme en poche, j’ai démarré à la Mutualité sociale agricole (MSA), pour mener des accompagnements individualisés en rural auprès de la population agricole, et notamment sur des missions en lien avec l’accession à la propriété et la question de l’accompagnement des occupants de logements dégradés. J’ai alors pris conscience de l’existence de cet habitat dégradé et indigne, de la place centrale que le logement avait dans la vie des gens, comment il nous construit et traverse l’identité de soi, l’intimité, le rapport aux autres, le travail, etc.
Ensuite, j’ai occupé un poste d’agent de développement social (aider des collectivités à développer des politiques petite enfance, par exemple) en mettant au cœur de mon parcours la nécessité d’intervenir directement sur l’environnement des personnes en situation difficile. Sinon, comment les aider à résoudre durablement leurs problèmes ? Je suis repartie à l’université pour passer un master 2 tourné autour de l’action sociale et du développement social local. J’y ai découvert le monde de l’université bien entendu, mais aussi celui de la recherche en sciences sociales. À la suite de mon master 2, j’ai enchaîné sur deux ans de thèse, que j’ai dû stopper pour des raisons économiques.
Je suis revenue à la MSA, tout en donnant en parallèle des cours au CNFPT, à l’INSET ou à l’université d’Angers, et en travaillant un peu pour Mairie-conseils de la Caisse des dépôts et consignation (CDC), en tant que consultante. La MSA ne voyait pas cette multitude de casquettes d’un bon œil, donc j’ai quitté l’institution. Pour Mairie-conseil, je sillonnais la France pour aider des collectivités ou assimilés (des PNR par exemple) à mieux inclure les dimensions sociales dans leurs pratiques. Mais je n’arrivais pas à vivre complètement de mes cours et de mes activités de consultante, donc j’ai aussi fait un détour de quelques mois par la cellule habitat indigne du département du Maine-et-Loire. C’est là que j’ai commencé à entendre des discours du type « c’est bizarre, on a des dispositifs autour de la lutte contre l’habitat indigne et contre la précarité énergétique mais on pressent qu’on n’a pas les publics en face ». De fil en aiguille, j’ai commencé à m’intéresser aux logiques du non-recours et aux travaux du laboratoire ODENORE, dont Philippe Warin, sociologue, est le directeur. Je me posais beaucoup de questions sur la manière dont on travaillait dans l’action sociale, avec des dynamiques centrées sur la réparation, sans réussir à mettre au centre des logiques axées sur la prévention.
En 2014, j’ai eu envie de partir au Québec. Cela faisait 2 ans que j’étais en relation avec une structure qui s’appelait « dynamo collectivo », et qui travaillait sur les logiques du pouvoir d’agir, d’empowerment, sur l’accompagnement des territoires dans des dynamiques collectives. Je suis donc partie voir sur trois semaines la manière dont ils abordaient ces questions, et je me suis rendue compte que ce que je faisais de manière très intuitive dans mon approche de l’action sociale, eux le faisaient depuis 20 ans. Parmi les innovations sociales que j’ai rencontrées là-bas, il y avait notamment les dynamiques de pairs. Quand je suis rentrée, j’avais toujours mes questionnements autour du non-recours et, nourrie par ce que j’avais découvert au Québec, j’ai rencontré le directeur de l’habitat et de l’urbanisme au département du Maine-et-Loire, que je connaissais déjà, pour lui soumettre mon idée : faire porter les politiques habitat par des habitants qui iraient rencontrer d’autres habitants pour compléter le travail de réseau porté par les institutions et leurs agents. Il a tout de suite « accroché » et m’a demandé de l’expérimenter. En 2015, j’ai répondu à des appels à projets de la Fondation de France et de la Fondation MACIF. Le Département et des communes ont aussi financé le projet, que je voulais tester en grandeur nature sur un territoire. J’ai donc créé l’association « Les Locaux-Moteurs » en recherchant des bénévoles non liés au secteur de l’action sociale. Nous avons démarré les Locaux Moteurs sur la partie Nord-Est du Maine-et-Loire en 2016, l’idée étant de voir si, sur un territoire couvert depuis 4 années par une OPAH, il y avait encore des personnes qui étaient passées au travers « des mailles du dispositif d’action publique ». On cherchait les « ménages invisibles », ceux qu’on ne voit jamais se saisir de leurs droits ou des services à leur disposition en matière d’habitat.
Entre 2015 et 2020, j’ai porté seule les activités de l’association (avec l’équipe du Conseil d’administration qui n’a pas bougé depuis 2016), d’abord en tant que bénévole, puis salariée à mi-temps comme coordinatrice aujourd’hui.
> Aujourd’hui, en quoi consiste votre mission, quels sont vos publics et territoires d’intervention ?
L’objet premier de l’association lors de sa création, c’était (et c’est encore !) la lutte contre le non-recours. Et le domaine que l’on a souhaité traiter en premier, c’est l’habitat : adaptation du logement pour les personnes âgées ou en situation de handicap, et rénovation du logement pour lutter contre la précarité énergétique ou l’habitat indigne.
En matière d’action sur la rénovation énergétique, nous voulons permettre à des ménages de se saisir des dispositifs locaux liés à l’habitat, pour pouvoir réaliser des travaux. Le public cible, au départ, était les propriétaires occupants. Aujourd’hui, on va aussi vers les propriétaires bailleurs via les locataires (sur des OPAH-RU, notamment). Les Locaux- Moteurs s’inscrivent donc toujours dans un programme habitat (OPAH, OPAH-RU, PIG), avec une démarche très proactive : on recense les besoins de ces publics, que l’on relaie ensuite vers les opérateurs habitats chargés d’animer les programmes. Pour recenser ces besoins, on fait du porte-à-porte, dans une démarche d’« aller vers ». Les équipes de Locaux-Moteurs expliquent aux habitants ce que sont ces programmes habitat, en quoi ça les concerne, quels en sont les avantages (aides financières bien sûr, mais on insiste aussi énormément sur l’accompagnement technique). Avec un constat : souvent les ménages ont entendu parler de ces dispositifs, mais pensaient que cela ne s’adressait pas à eux, pour diverses raisons, la première étant une barrière psychologique : « c’est trop complexe », « c’est pour des personnes avec moins de ressources que moi », etc.
Le fait d’avoir une information personnalisée, à travers le locaux-moteur qui vient frapper à sa porte, permet souvent de faire sauter ce premier frein. Les locaux-moteurs se présentent donc avec une « fiche logement », qui est un outil à compléter avec les ménages, et sert aussi de guide pour la discussion. Cette fiche logement permet de consigner les besoins du ménage et de les transmettre à l’opérateur habitat du territoire en question, qui en théorie devrait ensuite prendre le relai et accompagner le ménage jusqu’au bout des travaux, puisqu’il est rémunéré pour cette mission. La mission des Locaux-moteurs, c’est d’être des facilitateurs, des liants, des passeurs. Ils ont des compétences de tiers de confiance.
Aujourd’hui, nous n’intervenons qu’en milieu rural, sur des territoires entre 15 000 et 18 000 habitants. Sur une opération en démarrage d’OPAH, on a été jusqu’à 8 personnes dans l’équipe de Locaux-Moteurs, on générait 70% des demandes de l’opérateur habitat (Soliha). On est intervenus 15 mois sur cette OPAH, et au bout du bout, on a généré 28% des dossiers : sur 123 dossiers déposés, 35 venaient des Locaux-Moteurs (représentant 700 000€ de travaux). On peut dire que ces 35 dossiers sont ceux de gens qui ne seraient jamais venus d’eux-mêmes voir l’opérateur lors de permanences. Notre action est une valeur ajoutée aux programmes habitat.
En parallèle de nos missions, on essaie de créer des dynamiques sur notre territoire d’intervention, qui permettent aux partenaires (la collectivité et l’opérateur) et aux Locaux-Moteurs de se rencontrer. Aussi, j’essaie autant que possible de faire se rencontrer l ‘élu en charge de l’habitat et l’élu en charge de l’action sociale, car on s’aperçoit que souvent ils ne travaillent pas ensemble alors que les sujets sont imbriqués. Cela les oblige à décloisonner, et ce « travail de fourmi » produit des effets à long terme.
> Qui sont les Locaux-Moteurs ? Comment sont-ils choisis et formés ?
Lorsqu’une décision est prise de déployer une équipe de Locaux-Moteurs sur un territoire, nous commençons par rencontrer les acteurs locaux pendant 2 à 3 mois, d’abord les élus puis les forces vives du territoire (associations, centres sociaux, CCAS, etc.). On leur explique le dispositif et le profil de personnes que l’on cherche à recruter : des gens qui n’ont pas peur d’aller à la rencontre de l’autre, qui sont un peu connus sur le territoire et y vivent depuis un moment, qui connaissent les ressources locales (Maison des services au public, MDS, CCAS, services à domicile, etc.) et surtout qui ont de belles qualités relationnelles et savent respecter et préserver l’intimité d’autrui. On cherche ces tiers de confiance. On tisse notre «réseau» lors de cette immersion de terrain, à l’issue de laquelle des noms de personnes commencent à circuler et des candidatures (CV et lettres de motivation) nous parviennent, comme un recrutement. Ensuite on rencontre ces personnes et on fait notre sélection.
Ce sont souvent des personnes qui ont un parcours atypique, avec des emplois à temps partiel. Nous leur proposons de travailler quelques heures par mois, en CDD, et cela leur convient en général très bien : il peut s’agir de personnes retraitées ou ayant une activité professionnelle. A titre d’exemple, je peux vous citer une porteuse de journaux à domicile, une ancienne ambulancière, un commercial, une décoratrice d’intérieur, une personne qui travaille à l’ADMR, une femme de maçon également auxiliaire de vie, une ancienne professeur d’espagnol… Les profils sont très variés, ils sont représentatifs des habitants qui vivent en rural ! Leur point commun, c’est l’envie d’être utile socialement, et leur appétence pour le relationnel.
Je ne mets jamais de frein lié aux compétences lors d’un entretien : si une personne présente « un super relationnel » mais me dit qu’elle n’est vraiment pas à l’aise avec l’outil informatique, je n’en ferai pas un frein, je vais lui répondre « ne vous inquiétez pas, on va vous accompagner sur ce point pendant toute la mission ». J’ai d’ailleurs beaucoup de femmes qui m’ont confirmé avoir acquis des compétences en informatique et devenir autonomes vis-à-vis de leur entourage familial. Pour le moment on ne valorise pas cet aspect des compétences acquises durant la mission Locaux-Moteurs, mais il faudrait que nous puissions valoriser cet angle de la transférabilité de compétences vers d’autres emplois. Les Locaux-Moteurs peuvent être un vrai tremplin professionnel.
Une fois recrutés, un contrat de travail est signé : entre 15 et 18 heures par mois, rémunérés 11€ de l’heure et avec une indemnité forfaitaire pour les déplacements. Le fait d’être salarié les rassure, et pas seulement financièrement : cela leur garantie également un cadre d’intervention, sur des missions qui peuvent être assez longues. En ce moment, la plus courte mission que nous avons s’étale sur 10 mois, mais on peut aller jusqu’à 34 mois sur certaines OPAH –RU.
Puis les Locaux-Moteurs reçoivent une formation de 2 jours. Il y a beaucoup de psychologie sociale à travailler et de représentations à détricoter, car souvent les personnes que nous formons ne savent même pas que l’habitat indigne et la précarité énergétique sont une réalité, que les situations que nous leur présentons existent réellement. Une fois qu’on a abordé ces situations, c’est important de déstructurer les discours et parler positif ; par exemple, nous parlerons de rénovation énergétique.
> Concrètement, en quoi consiste et comment se déroule la mission d’un Locaux-Moteur ?
Les Locaux-Moteurs sont là pour apporter des clés de compréhension sur des informations liées à l’habitat que les ménages ont en général déjà croisé, sans s’en saisir. C’est cela le non-recours et à mon avis, aujourd’hui, sur les dispositifs habitat, il est lié à la complexité des dispositifs : complexité dans les partenaires, dans les acteurs, les financements, avec des injonctions paradoxales entre les offres à 1€, MaPrimeRénov’, Action Logement, l’OPAH, Habiter Mieux Sérénité, etc. En 3 ans, tous les 6 mois, les règles du jeu ont changé. S’y ajoute la dématérialisation. Le non-recours, ce n’est pas une question de mauvaise communication. D’ailleurs, les opérateurs d’OPAH font très bien ce travail de communication, et les ménages voient bien passer les articles dans le journal du coin, les pubs et les présentations de toutes les offres existantes sur les sites Internet. Mais le frein est psychologique : les habitants que nous touchons savent que cela va être long, dur, complexe, et n’ont pas envie d’y aller. Il n’y a rien de « désirable » dans ces dispositifs. Aussi, le fait qu’une personne vienne chez eux leur expliquer et dédramatiser le dispositif, et que cette personne qui vient recueillir leurs besoins puisse potentiellement être une personne ressource sur laquelle s’appuyer, permet de débloquer les situations et de rendre les dispositifs intéressants.
Les Locaux-Moteurs se présentent au domicile avec un courrier d’accréditation de la collectivité et un « pin’s Locaux-Moteur ». Le plus souvent, des articles dans les journaux locaux lors de la formation des équipes sont parus pour annoncer la venue de l’équipe. Quand ils rentrent dans le logement, ils vont parler avec l’habitant du logement et du dispositif habitat existant sur le territoire bien sûr, mais aussi du fait qu’ils ont eu froid, de la température à l’extérieur, etc. Le fait d’échanger et de recevoir des informations de la part d’un autre habitant du territoire missionné par la ville, de pouvoir s’exprimer sur la manière dont ils se sentent dans leur logement, cela touche les habitants. On a presque 9 portes sur 10 qui s’ouvrent au passage des Locaux-Moteurs.
Pour les adresses, on cherche les logements construits après la guerre et avant les années 80. Notre hypothèse de travail, c’est que ces logements sont plus susceptibles que d’autres d’avoir besoin de travaux, notamment en termes d’isolation. 12 à 16 adresses sont communiquées mensuellement pour chaque membre de l’équipe. Ils organisent la répartition de leur travail comme ils le veulent sur le mois, avec beaucoup de souplesse. Ils tentent au maximum trois fois chaque adresse, laissent un avis de passage mais s’ils n’y trouvent personnes au bout de la troisième fois, ils ont pour consigne d’abandonner. Souvent ils sont attendus ! Sur place il y a également beaucoup d’échanges avec les voisins et voisines des habitations initialement ciblées.
Au tout début, on faisait cette campagne de porte-à-porte pour apporter l’information personnalisée, et c’est tout. Mais peu à peu nous nous sommes rendus compte que les besoins des habitants allaient au-delà, et nous proposons désormais de l’accompagnement, c’est-à-dire qu’on est amenés à retourner chez les gens pour les aider très concrètement dans leurs démarches avec l’opérateur habitat du territoire : l’idée c’est de proposer un accompagnement qui va lever tous les obstacles d’ordre psychologique et organisationnel auquel est confronté le ménage, pour qu’il puisse aller au bout des travaux. On n’est pas sur l’aspect technique ni sur l’ingénierie financière, qui restent clairement la mission de l’opérateur, mais on va aider par exemple à créer des comptes sur l’interface dématérialisée de l’Anah, ou à recueillir les documents administratifs demandés, faire le lien avec les artisans si besoin (aller sur la plateforme FAIRE par exemple), retourner voir le ménage si l’opérateur nous dit qu’il n’a plus de nouvelles, etc. Bref, dans la liste des tâches qui incombent au ménage, le Locaux-Moteur peut venir le soutenir sur n’importe quel point. Il peut donc y retourner à plusieurs reprises (jusqu’à 15 ou 20 fois !). On travaille la qualité de la relation autant de temps nécessaire à des ménages qui en ont vraiment besoin pour se lancer et se maintenir dans une dynamique de travaux.
> Quelles sont les difficultés que vous rencontrez aujourd’hui ?
La prégnance de la précarité énergétique et du non-recours sont encore loin d’être une évidence pour nombre d’institutions. Chacun fait bien sa part, ce n’est pas le problème, mais les dispositifs sont aujourd’hui tellement complexes (et avec des niveaux de complexité variés et imbriqués) que beaucoup de ménages sont complètement « largués ».
Les successions de programmes habitat ont permis à nombre de ménages de faire les travaux ; mais une autre partie des ménages ne les ont pas actionné. Ceux-là, il faut les aider, les accompagner. Quand il y a du reste à charge, quand il faut faire l’avance des subventions, il faut leur proposer les solutions adéquates, qui d’ailleurs existent ! Dans leurs missions, les Locaux-Moteurs sont confronté à beaucoup de précarité. Lorsqu’on est passé chez eux, qu’on a recensé leurs besoins, qu’on les a transmis à l’opérateur et que derrière l’opérateur ne suit pas, vers qui vont se tourner les ménages en attente de cette prise de contact ? Vers le Locaux-Moteur ! C’est là qu’on voit que la relation de confiance a été établie, mais c’est clairement aussi une des difficultés fortes pour les Locaux-Moteurs et leur crédibilité : les opérateurs doivent faire leur part en termes de délais d’intervention, de qualité des conseils techniques pour optimiser les travaux et de suivi des dossiers, sinon on a créé des attentes, des envies, des espoirs chez des personnes qui n’avaient rien demandé à personne.
On trouve deux postures chez nos publics : on a de la méfiance, et on a de la défiance (ceux qui disent que les politiques publiques c’est toujours pour les mêmes, qu’ils n’ont droit à rien, qu’ils auront beau demander ils n’obtiendront rien, qu’ils ont déjà demandé mais qu’on les a laissé tomber ou qu’on leur a demandé l’impossible en termes administratif). Là on fabrique de la défiance. Donc nous on mouline un peu le terrain, on rend tous ces gens visibles, mais on a besoin d’avoir du répondant derrière quand l’opérateur est sollicité. Et quand ça fonctionne bien, c’est presque magique pour le ménage.
Autre difficulté : nos missions sont circonscrites dans le temps. 15 mois, 16 mois, c’est pas mal, mais parfois ça n’est pas suffisant et je pense qu’on aurait eu besoin de plus de temps pour accompagner certains ménages.
Notre faiblesse aujourd’hui, c’est la pérennité de notre modèle économique, et notre gouvernance associative. Normalement en 2020, on aurait du étoffer notre réseau de bénévoles dans le Conseil d’administration pour diversifier les profils de bénévoles impliqués, mais le contexte n’a pas rendu cela possible. On a aussi besoin de travailler la communication sur notre action. Aujourd’hui, je ne suis pas du tout repérée par l’Anah, c’est dommage. On n’est pas dans les réseaux existants, on me dit parfois qu’on n’est pas encore assez connus pour en faire partie. On est observés, mais pas encore vraiment soutenus… Cela pose la question de la légitimité et demande beaucoup d’énergie.
> Quels sont vos partenaires opérationnels et financiers ?
Les opérateurs d’amélioration de l’habitat, les Compagnons Bâtisseurs vers qui on réoriente certains ménages, et toutes les collectivités.
Au niveau financier, au début, on n’était financé que par des appels à projets, un peu de subvention de l’Anah via le département du Maine-et-Loire qui est délégataire des aides à la pierre, la Fondation Abbé Pierre et l’ARS (nous sommes labellisés « acteur de prévention santé »). Nous avons aussi été lauréats d’un appel à projets d’AG2R-LA MONDIALE qui nous a donné une visibilité au niveau national. L’ONPE nous a permis de réaliser une vidéo et mettre en lumière notre expérience via le guide méthodologique. Par la suite, des opérateurs de l’habitat nous ont sollicités pour répondre avec eux à des marchés publics et aujourd’hui on a quatre équipes en place dans le Maine-et-Loire qui sont adossées à des opérateurs (ALTER ou Soliha). On ainsi pu renforcer l’équipe : deux personnes ont été recrutées à temps partiel et accompagnent trois équipes. On a essaimé dans le Finistère où nous sommes là financés via des subventions (Poher Communauté, la Fondation Abbé Pierre, Solinergy, AG2R LA MONDIALE). À la rentrée de septembre, deux autres équipes vont se mettre en place dans le Maine-et-Loire.
Le réseau RAPPEL a été également très soutenant. On essaye de participer à des évènements, des ateliers qui nous permettent d’établir de nouveaux contacts, mais je n’ai pas vraiment le temps de faire de la prospection. Même si le bouche-a-oreille fonctionne plutôt bien, on reste des « poucets » dans le monde de l’habitat. Ceci dit, je n’ai pas à rougir de nos résultats car l’année dernière, en trois missions, on a généré 100 dossiers de travaux déposés et 1,2 millions de travaux chez des ménages invisibles, qui jamais n’auraient lancé ces démarches sans les équipes de Locaux-Moteurs.
> Plus globalement, que pensez-vous de la manière dont est traité le phénomène de précarité énergétique sur votre territoire et en France ?
Dans le Maine-et-Loire, nous avons beaucoup de chance car l’équipe du Conseil départemental est très mobilisée et plutôt en pointe sur ce sujet, avec une politique proactive qui veut avancer sur la question tout en créant de l’innovation sociale.
Je ne dirais pas la même chose au niveau national, où je trouve la prise en compte de la précarité énergétique déplorable. Depuis 3 ans et même si je ne suis pas une « spécialiste », je vois clairement que les choses se sont dégradées. Dans des pays comme la Suède ou l’Allemagne, ces questions de précarité énergétique sont en passe d’être résolues, ce qui est loin d’être le cas en France. La différence vient de l’accompagnement technique poussé proposé dans ces pays, et au fait que les aides à la rénovation y sont toujours conditionnées à cet accompagnement. Et quand on parle d’accompagnement, cela veut dire aller chercher les ménages, les écouter, les aider, aller chercher toutes les aides disponibles, etc. En France, j’ai l’impression qu’on a deux « piliers » que sont le Ministère de l’Écologie et celui du Logement, qui « tirent à hue et à dia » chacun dans leur coin. On se retrouve avec un nombre incalculable de dispositifs et d’aides. Les dégâts que cela fait sur le terrain ! Les gens n’y comprennent plus rien, ils sont démarchés et harcelés par téléphone, et ils finissent juste dégoûtés. C’est pour ça qu’on a du non-recours. Malgré tout ce que font les acteurs sur le terrain, il y a un manque de coordination vraiment problématique. On est dans des injonctions paradoxales permanentes entre des dispositifs qui se chevauchent et on ne sait plus trop qui fait quoi : chevauchement des compétences, chevauchement des missions… Il y a un gaspillage d’argent et d’énergie hallucinants.
MaPrimeRénov’, c’est vraiment une gabegie. À un moment, il faut être sérieux : bien sûr que les ménages autonomes vont se saisir de tout ceci et faire des travaux, mais tous les autres ? Ils sont largués. On prétend s’attaquer à la précarité énergétique, mais on crée toutes les conditions pour que justement les publics les plus en difficultés ne se saisissent pas des aides. À mon avis, on n’a jamais créé autant de non-recours. Je serais curieuse de connaître l’écart entre le nombre de ménages « très satisfaits » ayant mené à terme des travaux de rénovation avec MPR et le nombre de dossiers qui ont été enregistrés dans l’interface MPR : je n’ose même pas imaginer la perte en ligne, tous ceux qui ont abandonné en cours de route…
Cela me met très en colère car c’est à mon sens un vrai scandale qui devrait être dénoncé par des enquêtes de fond journalistiques.
> Comment voyez-vous votre mission dans 10 ans ?
Nous avons eu l’appui d’un Dispositif local d’accompagnement (DLA) qui nous a donné des idées : notamment, utiliser le modèle des Locaux-Moteurs pour faire de la formation auprès d’acteurs locaux et faire en sorte que les territoires se saisissent directement de notre modèle et le dupliquent. Cela correspondait assez bien à mon profil de formatrice et nous permettrait de rester une structure agile, car notre vocation n’est pas de grossir et de recruter énormément au sein de l’association. Nous apporterions de notre côté une formation « labellisée » et l’outillage méthodologique nécessaires pour développer ces techniques d’ « aller vers », qui sont l’ADN des Locaux Moteurs. On pourrait travailler bien sûr l’énergie et la rénovation énergétique et sur l’adaptation du logement, mais aussi d’autres thématiques…
Entretien réalisé le 30 avril 2021 pour le RAPPEL.
L’éco-appart est un appartement témoin ouvert depuis mai 2016 à Nantes. Plus qu’un appartement pédagogique, c’est un vrai lieu d’animation pour les structures associatives locales autour de la lutte contre la précarité énergétique. Retour sur 5 années d’existence par les membres du réseau de l’éco appart.
Le sujet de la précarité énergétique émerge en 2008 sur le territoire
En 2008, c’est par une initiative portée par GDF Suez, qui souhaite sensibiliser et informer les ménages sur les tarifs sociaux de l’énergie, que les questions relatives à la précarité énergétique émergent sur le territoire nantais. Cela concorde avec l’obligation portée par décret en 2008 que les fournisseurs historiques d’EDF et GDF Suez doivent envoyer aux CCAS la liste des clients en situation d’impayés, de réduction de puissance et/ou de coupures d’énergie. GDF s’appuie alors sur une association d’aide à domicile, l’ANAF (Association nantaise d’aide à domicile), et conventionne avec elle pour commencer à mettre en place le repérage de ménages et des actions de sensibilisation sur le territoire Est de la Ville de Nantes. Un triporteur sera financé par GDF Suez pour aller plus loin : actions sur l’espace public, en pied d’immeuble et autres lieux ressources vont se multiplier pendant 2 ans avec des actions « aller vers » dans des lieux identifiés par l’ANAF et le CCAS de la Ville de Nantes.
Vers une meilleure compréhension du phénomène
La thématique de l’énergie est inscrite à l’agenda de la ville de Nantes en 2011 et les premiers éléments de mesure arrivent en 2011. Une sociologue, Elvire Bornand est chargée de mettre en place une recherche action qui verra le jour en 2012 et qui porte sur le non-recours aux droits sociaux. Une expérimentation est ensuite lancée entre juillet 2013 et mars 2014 : un dispositif expérimental via un parcours « conseil énergie » et une aide financière exceptionnelle.
En parallèle, l’ANAF crée son service de médiation sociale énergie par convention avec la ville de Nantes qui finance des visites à domicile pour comprendre ce qui se joue chez l’habitant. La commune de Saint Heblain décide également d’expérimenter les visites à domicile, elle aussi confrontée de plus en plus souvent à des ménages qui sollicitent des aides pour aider à payer des factures d’énergie. Le parcours entre instruction d’aide financière et visites à domicile de l’ANAF permet de mieux comprendre les ménages en situation de précarité énergétique. En effet, ce parcours conseil ne semble pas solutionner les difficultés des ménages, ceux-ci se retrouvant à nouveau quelques mois plus tard en dette énergie du fait de la faiblesse de leurs ressources, des caractéristiques structurelles de l’habitat, des coûts de l’énergie qui ne cessent de croitre et de la méconnaissance d’éco-gestes permettant de faire des économies et de mieux contrôler son budget énergie.
Fort de ces constats, le travail de la sociologue s’est poursuivi et l’idée d’un tiers lieu apparait : un appartement pédagogique où chacun pourrait expérimenter, se documenter et se former à la maitrise des énergies dans le logement.
Une démarche multi-partenariale sur le territoire
Le projet de l’Eco appart s’est construit avec les partenaires du territoire du Grand Bellevue, la commune de Saint Herblain s’étant associé à ce projet.
La précarité énergétique est un problème structurant sur lequel il s’avère que les aides financières n’ont que pas ou peu d’effets réels. L’incitation financière est un levier de lutte contre le non-recours et une réponse à l’urgence de la coupure à venir, mais les partenaires de terrain et ceux qui œuvrent dans la lutte contre la précarité énergétique avaient dès le début identifié que le sujet serait beaucoup plus large et qu’il toucherait aux notions de bien vivre dans son logement et aux questions de développement durable et de consommation responsable.
« Un appartement pédagogique où chacun pourrait expérimenter, se documenter et se former à la maitrise des énergies dans le logement. »
Dès la genèse du projet, les partenaires se réunissent et ont la volonté de travailler ensemble à définir les objectifs et le fonctionnement de ce lieu tiers. Un lieu physique où l’on voit, on apprend, on pratique et où l’on repart avec des savoirs. Un lieu qui ne soit pas un guichet social ou administratif mais un lieu d’échange, de convivialité, de bienveillance et de partage d’expérience autour des usages. Le défi est bien de « mailler » pour éviter le décrochage du ménage et d’aller plus loin en favorisant les passerelles pour lutter contre le non recours d’une part et favoriser le « mieux vivre » dans son logement d’autre part.
L’éco appart : plus qu’un lieu, un réseau de partenaires
L’éco appart a ouvert ses portes en mai 2016. La première année a nécessité un important travail d’interconnaissance des uns et des autres, préalable indispensable pour favoriser les orientations, comprendre la complémentarité de chacun des acteurs pour permettre la mise en lien. Cette phase a nécessité des ajustements et a été l’occasion d’impulser des projets et des expérimentations. Un des facteurs de réussite est la place de l’animateur de réseau. Il facilite le lien, impulse, coordonne et fédère les initiatives. Un comité d’animation de partenaires se réunit quant à lui deux fois par an pour faire un état des lieux des projets menés, ceux en cours et un bilan des actions avec les points d’amélioration.
Les deux premières années, les ateliers et les visites découvertes ont touchés de nombreux professionnels, convaincus de la pertinence d’un tel lieu ressource. Et pour autant, à partir de la troisième année, le constat a été posé de la difficulté de faire venir des ménages dans le lieu malgré le relais des professionnels de terrain. Les visites de groupes constitués par des partenaires relais semblent être un format pertinent : une première découverte accompagnée par un tiers de confiance permet, à l’issue de la visite, que de nombreuses personnes s’inscrivent sur plusieurs ateliers proposés, mettant ainsi en place une sorte de parcours sur quelques mois.
« Le “ faire ensemble” est devenu une clé de voûte du réseau. »
Peu à peu, le travail de maillage avec les professionnels associatifs et institutionnels de terrain a permis de développer les actions du « aller vers » et de nombreux ateliers se sont déroulés hors les murs. Il s’agit d’apporter des réponses adaptées à chaque situation en développant une dynamique de réseau d’acteurs aux compétences complémentaires. Le “ faire ensemble” est devenu une clé de voûte du réseau.
L’éco appart en tant que réseau est un catalyseur de projet : lutter contre la précarité énergétique est un travail qui se mène à plusieurs. Le volet curatif n’est plus suffisant. Aujourd’hui, le réseau de l’éco appart travaille à une démarche préventive autour de l’accès, du maintien et du mieux vivre dans son logement. Sensibiliser an amont les plus jeunes, les publics vulnérables ayant pas ou peu d’expérience du « habiter dans un logement de droit commun » est un objectif ambitieux mais nécessaire pour stabiliser le parcours de vie.
C’est faire l’expérimentation d’actions, d’outils, de formats inédits et innovants. Ceci est possible par le travail d’interconnaissance et l’animation du réseau. C’est prendre conscience qu’une intervention ponctuelle auprès du ménage n’est plus suffisante. La question du maillage est primordiale pour faciliter l’orientation en direct afin de ne pas perdre le ménage. Établir une relation de confiance et d’écoute afin de rendre le ménage acteur est également un facteur de réussite que le bouche à oreille se charge de faire connaitre. Outiller les professionnels est aussi un levier indispensable afin qu’ils puissent être en mesure d’identifier une situation de vulnérabilité ou de précarité énergétique et ainsi être en mesure de faire une orientation adaptée vers le réseau de l’éco appart.
Mutualiser la force du réseau pour aller plus fort et plus loin
L’éco appart dans sa version 1 est arrivée au bout de ses limites. Aujourd’hui, il est nécessaire d’aller plus loin. Dire aux ménages de mettre un couvercle sur une casserole ou de ne pas rester 10 minutes sous la douche n’est plus suffisant. Les éco-gestes sont connus et les ménages précaires sont souvent des modèles de sobriété. Les échanges de trucs et astuces en ateliers sont de véritables mines d’or ! Aujourd’hui, il s’agit d’expliquer pourquoi l’énergie coute chère, que malgré la mise en place d’éco-gestes les factures ne diminuent pas ! Pourquoi ? Il est primordial d’expliquer les fausses promesses faites par des fournisseurs peu scrupuleux qui profitent de la naïveté ou de la fragilité des ménages en promettant des diminutions de 20% sur des factures d’énergie et qui génèrent au bout du compte des factures de régularisations qui déstabilisent un foyer déjà vulnérable. C’est aussi expliquer les mesures nationales et locales qui permettent des aides à la rénovation énergétique pour les propriétaires ou locataires du parc privés.
« Partir du quotidien des habitants par la porte du logement et des énergies »
L’éco appart version 2, c’est partir du quotidien des habitants par la porte du logement et des énergies : j’entre dans mon logement, j’y vis avec les difficultés au quotidien, je mange, je consomme, je produis des déchets, je mène des démarches administratives (lien avec le numérique). Aller plus loin, c’est aussi inclure un volet environnemental et d’écocitoyenneté dont on ne peut plus faire l’économie aujourd’hui. C’est mutualiser la force d’un réseau pour aller plus fort et plus loin ensemble.
« La Belgique compte environ 314 000 familles dans le besoin, dont 120 000 en Flandre. Ce groupe de la population a rarement accès aux appareils ménagers peu énergivores. La majorité de ces familles disposent de vieux appareils. Cette situation est non seulement néfaste pour le climat, mais elle entraîne aussi des factures d’énergie et d’eau élevées.«
Partant de ce constat, l’entreprise Bosch en Belgique (BSH) a mis en place le projet Papillon dans le but de lutter contre la pauvreté énergétique par le biais de l’économie circulaire.
Ce projet a été expérimenté en 2018 dans une communauté flamande, par un assistant social témoin des souffrances de certaines familles en situation de précarité énergétique. En partenariat avec l’entreprise Bosch, il a développé un concept de location à bas coût d’appareils électroménagers performants et économes en énergie.
Cette initiative permet aux familles à faibles revenus d’utiliser ces appareils en échange d’une faible contribution mensuelle, au lieu de vieux appareils énergivores qui gonflent le montant des factures. Bosch fournit les appareils électroménagers et une assistance sur toute la durée de vie des appareils. La location est proposée pour une période de 10 ans, ou 5 ans pour les appareils rénovés. Le prix de location mensuel fixe est d’environ 7 euros par appareil pour un ensemble complet de services.
BSH souhaite continuer à déployer le projet Papillon en Belgique et collabore avec l’organisation ‘Samenlevingsopbouw West-Vlaanderen‘ afin d’étendre la coopération avec les entreprises sociales et les CPAS (services publics créés par l’Etat belge, équivalent aux CCAS en France) de Flandre.
Au travers de leurs compétences habitat et climat-air-énergie, les intercommunalités sont pleinement concernées et impliquées dans la réussite de la politique de rénovation énergétique des logements. Elles sont toutefois conduites à intervenir en collaboration avec d’autres acteurs afin de rendre le « parcours de rénovation » des ménages plus efficace et plus mobilisateur. Si la massification des interventions en faveur de la rénovation énergétique est une condition nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques du secteur bâtiment en 2050, la capacité de ces dispositifs à s’adapter à la diversité des politiques locales et leur bonne prise en main par les territoires sera un gage de réussite.
Afin de mieux cerner la façon dont les intercommunalités se saisissent de ces dispositifs, d’évaluer les différentes modalités d’interaction avec les outils existants, l’Assemblée des Communautés de France (AdCF), qui est la fédération nationale des élus de l’intercommunalité, a enquêté auprès de ses adhérents. 52 intercommunalités ont répondu et le dernier Focus habitat de l’association présente les résultats de l’enquête.
Il en ressort que les intercommunalités interviennent préférentiellement sur le diagnostic des priorités de rénovation, l’attribution de subventions et l’information aux ménages. Elles n’agissent pas seules mais mobilisent un ensemble de partenaires (agences locales de l’énergie, ADIL, CAUE, associations, etc.). La rénovation énergétique des logements s’inscrit en effet dans les enjeux d’amélioration de l’habitat et de mobilisation des acteurs du territoire en faveur de la transition énergétique. Les moyens mobilisés sont encore faibles pour répondre aux objectifs, et la pérennisation des financements reste l’une des principales difficultés. La coordination des acteurs et la mise en cohérence des dispositifs construits séparément et à des périodes différentes s’avèrent souvent complexes. C’est pourtant sans aucun doute un point clé pour accompagner la massification et l’ambition des rénovations.
Consulter le Focus Habita de l’AdCF :
Focus Habitat « Massifier la rénovation énergétique des logements : des logements : quelle organisation et quelle implication des intercommunalités ? », Mai 2021
En s’inspirant d’une expérience menée à Liverpool, la mairie a choisi en mars 2018 de proposer aux habitants d’acquérir des maisons anciennes dégradées (maisons ouvrières, etc. , appartenant à la municipalité, à la métropole européenne de Lille, à l’établissement public foncier Nord-Pas-de-Calais ou au bailleur social Vilogia), pour une somme modique (1 euro), avec en contrepartie l’engagement à les réhabiliter (avec un niveau minimal de performance énergétique à atteindre) et à les occuper durant au moins 6 ans.
Si les travaux représentent un montant important, de 140.000 euros en moyenne, une fois déduite la subvention de 70.000 euros de l’Agence nationale pour l’habitat (Anah), le prix moyen revient à 70.000 euros pour une maison de 100 m2.
Les acquéreurs, sélectionnés sur dossiers en fonction de critères précis (ressources, nécessité d’être primo-accédant, etc.) sont accompagnés sur l’ingénierie technique et financière tout au long de leur projet par l’opérateur GRAAL (Groupe de recherche pour l’aide et l’accès au logement) – lire le portrait de Mélanie Damien du GRAAL réalisé par le RAPPEL – ; et l’outil régional de tiers financement SPEE (Service public de l’efficacité énergétique) est mobilisé pour boucler le plan de financement et permettre d’apporter le reste à charge pour les ménages exclus des prêts bancaires.
Pour les travaux, les acquéreurs ont le choix entre trois formules : l’exécution intégrale par des entreprises ; la réalisation partielle par des professionnels, et des finitions faites en « auto-réhabilitation » ; ou la pose des cloisons, du carrelage et des sanitaires en auto-réhabilitation, et le reste par des entreprises. La majorité des acquéreurs a choisi l’option intermédiaire, avec uniquement les finitions en auto-réhabilitation.
« Ce dispositif est une réponse parmi d’autres aux besoins des Roubaisiens en matière d’habitat : nous comptons 5.000 personnes en attente d’un logement social, et en parallèle, 2.250 logements sont vacants depuis plus de deux ans ; de plus, il stimule l’accession sociale à la propriété », pointe le maire, Guillaume Delbar.
Sur les 36 foyers candidats, 13 se sont vu attribuer une maison. Aujourd’hui, la démarche a abouti pour neuf logements, dont cinq sont achevés et habités depuis 2020.
Plusieurs partenaires nationaux et locaux soutiennent la démarche : l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru), la région Hauts-de-France, portant le budget global de l’opération à hauteur de 542 000 euros environ et 9 euros de recettes (1euro pour chacune des neuf maisons) !
Réalisée par le bureau d’étude Kimso et l’association Solibri, l’étude a porté sur trois volets :
l’impact des visites Slime sur la situation des ménages bénéficiaires ;
l’efficacité et l’efficience des dispositifs Slime locaux ;
les effets du programme sur les territoires qui le mettent en œuvre.
9 collectivités pilotes se sont portées volontaires pour participer à cette mission. Dans ce cadre, elles ont notamment rappelé 642 ménages ayant bénéficié d’une visite Slime entre 2017 et 2019. Les résultats de l’enquête ont été comparés avec les données recueillies lors des visites initiales pour évaluer la chaîne des effets sur les ménages. 24 entretiens qualitatifs ont également été réalisés dans 5 territoires porteurs de Slime.
Les enseignements de cette évaluation soulignent les impacts positifs des visites à domicile chez les ménages en précarité énergétique qui se « mettent en action » après la visite. Pour une partie des ménages, leur situation s’améliore et ils déclarent ne plus souffrir du froid dans leur logement en hiver et estiment avoir fait des économies sur leurs dépenses d’énergie.
En termes d’effets sur les territoires, le Slime est un programme qui contribue à soutenir les politiques publiques locales, à structurer les dynamiques territoriales entre acteurs et à favoriser l’émergence de nouvelles solutions pour les ménages.
Le rapport propose également une analyse des facteurs de réussite et de pérennisation du Slime et notamment de s’appuyer sur des structures expertes, de commencer par une expérimentation à petite échelle, d’intégrer le Slime dans la politique publique locale, de créer des instances de coordination dédiées au suivi et à l’orientation des ménages ainsi que de prévoir des moyens de communication importants auprès des partenaires.
Synthèse de l’étude
Rapport complet
Évaluation du programme Slime
CLER – Réseau pour la transition énergétique, 2020
Retrouver toutes les informations et ressources sur le programme Slime sur le site lesslime.fr
Le Service communal hygiène et santé (SCHS) de la ville de Besançon gère les problèmes de salubrité, d’hygiène et mène des actions de santé publique. Il participe activement à la lutte contre l’habitat dégradé en veillant à améliorer les conditions d’habitation des occupants.
> Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a conduit à intervenir sur la précarité énergétique ?
Je suis titulaire d’un DUT Hygiène Santé Environnement et suis entré en 1982 au SCHS d’Argenteuil dans le Val d’Oise. Par la suite j’ai intégré d’autres mairies dans le Val d’Oise et d’autres services, j’ai notamment travaillé dans les déchets puis j’ai eu envie de quitter la région parisienne et en 1996 et j’ai intégré ce poste à Besançon. Je suis aujourd’hui technicien cadre expert à la direction hygiène et santé de Besançon qui est maintenant devenue une Métropole.
Il existe plus de 200 SCHS de France et le nôtre est l’un des plus vieux, créé en 1890. Nos missions sont les missions classiques d’un SCHS : assurer la tranquillité, l’hygiène et la salubrité publiques via différentes thématiques : l’hygiène alimentaire, les nuisances sonores, la lutte contre les dépôts sauvages et le plus gros de nos actions (50 à 60 % de nos dossiers) concerne la lutte contre l’habitat dégradé. Il s’agit de problèmes structurels mais également de problèmes liés à l’occupation. On est saisi soit par les occupants des logements, soit par les services sociaux qui les suivent, soit par la famille. Très souvent également, les pompiers nous signalent des situations dans le cadre d’une mauvaise occupation du logement liée au syndrome de Diogène ou à de l’incurie. On en a plus d’une vingtaine tous les ans et on travaille dans ce cas avec les services sociaux et psychiatriques.
Nous sommes trois inspecteurs de salubrité dans le service. Je n’aime pas du tout ce terme, « inspecteur », ça fait un peu police, et « salubrité » est un terme un peu démodé qui fait 19ème siècle, à l’époque c’était ça : la lutte contre les épidémies, etc. Chacun a ses spécialités, la mienne c’est entre autre l’habitat dégradé et l’hygiène alimentaire. Mes deux autres collègues interviennent sur la qualité de l’air intérieur/extérieur dans les ERP[1], les logements, les nuisances sonores, la gestion des défibrillateurs cardiaques dans les ERP, et les plaintes diverses et variées : problèmes de rongeurs, etc. On se répartit selon nos préférences.
> Aujourd’hui, en quoi consiste votre mission dans le domaine de la lutte contre l’habitat dégradé et la précarité énergétique ?
Nous avons les pouvoirs de police du Maire en matière d’habitat, qui permettent de mettre en demeure les propriétaires de réaliser les travaux. Notre objectif est de préserver la sécurité et la santé des occupants qu’ils soient locataires ou propriétaires, d’améliorer leurs conditions d’habitation en leur permettant soit d’accéder à un autre logement, soit de mieux vivre dans leur logement actuel.
L’habitat dégradé, ça peut être différents désordres : problèmes d’infiltration de toiture, fenêtres en mauvais état, installation électrique dangereuse, absence de ventilation et des problèmes de moisissures. On a beaucoup de cas de moisissures, surtout l’hiver entre novembre et mars quand les personnes nous signalent des problèmes d’humidité dans leur logement ou des ponts thermiques. On réalise alors une enquête pour en déterminer la cause, ce qui n’est pas toujours évident : ça peut venir d’un défaut de ventilation, d’aération, d’une mauvaise occupation ou d’un chauffage insuffisant. C’est spécifiquement dans ce dernier cas que l’on est mené à travailler avec notre collègue de la direction maîtrise de l’énergie qui réalise une enquête en parallèle de la nôtre. En effet, dans certaines situations, les personnes qui sont dans des situations de précarité (RSA, chômage, handicap) avec de faibles revenus se restreignent sur la nourriture mais également sur le chauffage générant des apparitions de moisissure dans le logement, il est donc nécessaire de coupler notre intervention avec celle du service maîtrise de l’énergie.
> Vous rencontrez plutôt des locataires, des propriétaires ?
Dans le domaine de l’habitat dégradé nous rencontrons essentiellement des locataires.
Dans le cadre des commissions PDLHI[2] dont notre service fait partie, cela peut arriver de traiter des dossiers de propriétaires occupants qui sont en précarité et voudraient réaliser des travaux de rénovation en bénéficiant de subventions. Mais l’essentiel des personnes que l’on rencontre sont des locataires de logements privés ou logés par des organismes HLM.
> Comment se déroule le parcours pour les locataires que vous accompagnez ?
Ils prennent contact avec nous soit directement, soit grâce à des intermédiaires. En effet, certains locataires ne connaissent pas notre existence, d’autres ont des difficultés à faire des démarches (problèmes de mobilité, handicap, etc.) ou ne veulent simplement pas car ils ont honte.
Ce sont donc souvent les travailleurs sociaux qui nous contactent, on travaille beaucoup avec les assistantes sociales du département, du CCAS, les services sociaux des hôpitaux cliniques voire l’équipe mobile de psychiatrie-précarité. Il y a beaucoup de services qui connaissent notre existence. C’est également arrivé de recevoir des plaintes provenant d’associations de défense de consommateurs.
Lorsque les locataires nous contactent, on les informe de la nécessité de réaliser au préalable une démarche à l’amiable auprès du propriétaire, par voie de courrier si possible en recommandé avec accusé de réception. Il est indispensable d’avoir une trace écrite, on ne peut pas prendre les plaintes sur un simple coup de fil. Si cette démarche auprès du propriétaire s’avère infructueuse, à ce moment-là on prend le relais avec une prise de rendez-vous pour réaliser une visite à domicile, car il est impératif d’aller constater les désordres sur place.
Dans le cas de problèmes d’humidité important avec apparition de moisissures sur les plafonds, les murs et les fenêtres, et si les occupants ont des problèmes de santé liés à cette humidité (bronchites, toux, allergies, etc.), on travaille avec le réseau des allergologues de Franche-Comté (le RAFT) qui est rattaché au CHU de l’hôpital. Si les occupants le souhaitent, ils peuvent bénéficier d’une enquête environnementale de la part du RAFT : il s’agit de réaliser des prélèvements de moisissures sur les surfaces et dans l’air, qui font l’objet d’une analyse et d’un rapport d’enquête que l’on transmet au propriétaire permettant de faire pression afin qu’il réalise des travaux.
C’est donc une première possibilité lorsqu’il y a des moisissures. Mais l’humidité peut avoir plusieurs causes : infiltrations, condensation liée à des ponts thermiques, absence de chauffage ou chauffage insuffisant voire défectueux. L’hiver on fait des mesures de température et d’hygrométrie pour s’assurer que le logement est suffisamment chauffé. Quand c’est un chauffage central et que ce n’est pas le locataire qui règle la température c’est plus facile pour nous car ça ne remet pas en cause le locataire, mais dans la plupart des cas on est sur du chauffage individuel. Dans ce cas-là, en plus de la température et de l’hygrométrie, on regarde également les factures de chauffage pour vérifier si le locataire se chauffe assez. Lorsqu’on constate une situation de précarité énergétique et que la personne n’est pas en capacité de se chauffer correctement, on se met en rapport avec la direction de la maitrise de l’énergie qui réalise une enquête plus poussée dans ce domaine-là. Elle nous transmet son rapport avec des préconisations, et de la même manière que pour le rapport du RAFT, on utilise ce rapport comme moyen de pression auprès du propriétaire.
> Quel est le cadre réglementaire qui vous permet d’inciter à la réalisation de travaux dans le logement ?
On a différents outils qui nous permettent d’obtenir de la part du propriétaire la réalisation de travaux. On applique le Code général des collectivités territoriales qui stipule que le Maire est garant de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques. On applique également le Règlement sanitaire départemental (RSD) qui est un recueil de textes concernant notamment l’habitat dégradé ; chaque département a son propre RSD selon les particularités du territoire. Et si les désordres sont plus importants, on se réfère au Code de la santé publique (on pourrait rajouter aussi le Code de la construction et de l’habitation depuis le 1er janvier 2021) pour engager des procédures d’insalubrité. Il s’agit donc de procédures bien définies. Pour le péril (lorsque le logement présente un danger réel pour la sécurité des occupants ou des passants), c’est le pouvoir de police du Maire qui s’exerce, quand l’insalubrité relève du pouvoir de police du Préfet qui prend un arrêté déclarant le logement insalubre, avec éventuellement une interdiction d’habiter et des travaux à effectuer, voire la démolition. Depuis le 1er janvier 2021, il y a une réforme totale de ces procédures de péril et d’insalubrité.
> Et que se passe-t-il si le propriétaire bailleur ne réagit pas ?
Dans 95% des cas, on arrive à régler le problème, soit par le relogement, soit par la réalisation de travaux. Il y a de nombreuses aides pour rénover l’habitat même si c’est un peu la jungle ; dans le courrier envoyé, on informe systématiquement les propriétaires sur les aides de l’Anah, avec les coordonnées du service à contacter. Si le territoire où se situe le logement est couvert par une OPAH[3], notamment en centre-ville, il y a des aides complémentaires. C’est le cas du centre-ville ancien de Besançon qui est inscrit dans une OPAH « Cœur de ville » visant à redynamiser le centre-ville, il y a donc des aides complémentaires proposées par la ville et la Métropole. Les bailleurs en ont été informés pour les inciter et les accompagner dans la réalisation de travaux d’amélioration de l’habitat.
Mais dans le cas de propriétaires privés, il peut arriver que la démarche n’aboutisse pas. Dans ce cas, à part dresser un procès-verbal et l’envoyer au procureur de la république pour non-respect du RSD, nous n’avons pas beaucoup de pouvoir, car si le logement n’est pas déclaré insalubre on ne peut pas faire de travaux d’office…. Le non-respect du RSD peut faire l’objet d’amendes mais elles sont dérisoires, sans compter que la plupart des procès-verbaux émis ces dernières années ont été classés sans suite, le tribunal ayant d’autres problèmes plus importants à traiter. Le propriétaire ne risque donc pas grand-chose.
Le locataire peut de son côté faire appel à la commission de conciliation de la Direction Départementale des Territoires en cas de non décence du logement, en s’appuyant sur le décret 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent. Celui-ci définit un certain nombre d’éléments qui doivent être présents dans le logement pour qu’il soit conforme : des dispositifs de ventilation qui permettent d’évacuer l’humidité et donc d’éviter l’apparition de moisissures, une installation permettant un chauffage normal, etc. Mais cette commission n’a pas de pouvoir de police, il s’agit d’une conciliation, c’est donc limité : elle consiste en un entretien entre le propriétaire et le locataire pour leur rappeler leurs droits et informer le propriétaire de la non décence de son logement et la nécessité de faire des travaux. Si le propriétaire ne réagit pas, le locataire peut aller au tribunal, ce qui est très rare sachant la longueur des affaires, et en général il abandonne et déménage.
Un autre moyen de pression pour la non décence concerne la possibilité donnée à la Caf de suspendre l’allocation logement lorsqu’elle est versée directement au propriétaire. Cette outil fonctionne très bien, car le propriétaire qui touche 300 euros de la Caf sur un logement dont le loyer est de 500 euros et qui reçoit un courrier lui indiquant qu’il risque une conservation de l’aide au logement pendant 18 mois, va rapidement faire les travaux, surtout si ce sont des petits travaux : changer une fenêtre, réparer un système de ventilation, etc. C’est donc un outil qui marche très bien et qu’on utilise dans le cadre de la commission du PDLHI.
> Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette commission PDLHI et sur les partenaires avec lesquels vous travaillez ?
La Caf en assure le secrétariat aux côtés des autres participants de cette commission que sont les sous-préfectures, l’ARS[4], l’ADIL[5], les deux SCHS du département, les services sociaux du département (Centres médico-sociaux), des bureaux d’études en charge de réaliser le diagnostic dans le cadre du PIG[6] insalubrité et aussi des associations comme Julienne Javel, qui accompagnent les personnes qui rencontrent des difficultés liées à leurs conditions d’habitat. On se réunit une fois par mois pour traiter une trentaine de dossiers relatifs à l’habitat dégradé, et on essaie de trouver des solutions pour améliorer les conditions d’habitation en proposant des accompagnements pour remédier aux désordres. Ça aboutit parfois à des diagnostics, des procédures d’insalubrité, etc. Chacun donne son avis et on construit ensemble des solutions en fonction des missions de chacun des partenaires du tour de table.
> Rencontrez-vous des difficultés particulières pour réaliser au mieux votre mission ?
Comme je l’ai évoqué, nous avons de nombreux outils réglementaires pour exercer notre mission mais on est parfois confrontés à des propriétaires peu scrupuleux, des marchands de sommeil. On a un dossier en ce moment, lié à la précarité énergétique puisque la personne ne pouvait plus payer ses factures d’énergie, on s’est aperçu qu’elle louait un logement à 420 euros par mois qui n’était en fait pas un logement mais une cave puisqu’il n’y a aucune fenêtre , l’obscurité est totale à l’intérieur, et donc il y a une procédure d’insalubrité en cours. Le propriétaire a trois logements comme ça et il touche plus de 1000 euros de loyer dont des aides de la Caf ! Quand vous avez affaire à un tel personnage c’est difficile, car si on voit qu’on n’y arrive pas on le vit comme un échec, mais c’est très rare… On a quand même un rôle social puisqu’on est là pour améliorer les conditions d’habitation des locataires, et heureusement dans la plupart des cas on arrive à solutionner les problèmes.
Parfois on est aussi confrontés à des locataires qui n’ont pas les moyens de se chauffer et qui vivent dans des passoires thermiques, mais on ne peut pas imposer au propriétaire d’isoler son immeuble. La précarité énergétique on la rencontre beaucoup dans des logements chauffés avec des grille-pain, des radiateurs électriques qui ont parfois 40 ou 50 ans et qui consomment énormément, surtout dans les logements qui ne sont pas isolés. On sait bien que le chauffage électrique est une ineptie dans les logements car c’est l’énergie qui coute le plus cher. Les propositions récentes d’interdire à terme le gaz dans les logements me semblent irrationnelles, à moins de diminuer le prix de l’électricité… C’est pour préserver la planète mais je ne sais pas si on pense aux locataires qui doivent se chauffer l’hiver et n’auront plus de choix que de se chauffer à l’électrique…c’est une bévue totale, et là il y aura du boulot en matière de lutte contre la précarité énergétique.
> Que pensez-vous des récentes évolutions du décret décence qui permettront de considérer comme non décents les logements ayant des performances énergétiques supérieures à 450 kWh/m².an (étiquette G du DPE), à partir du 1er janvier 2023[7] ?
J’ai du mal à croire que cela sera mis en place, j’ai l’impression que c’est un vœu pieu. Il y a tellement de logements qui sont classés F et G, je vois mal tous les propriétaires qui ont de tels logements faire des travaux, sauf à leur proposer des subventions importantes pour les réaliser mais c’est la jungle dans les subventions et les gens sont perdus…
En France on prend plein de mesures qui ne sont jamais appliquées, mais je suis peut-être pessimiste.
> Comment voyez-vous votre mission dans l’avenir ? Pensez-vous qu’elle sera amenée à évoluer ?
La réglementation évolue mais il y aura toujours des gens logés dans des conditions difficiles, je pense que les services d’hygiène et de santé ont l’avenir devant eux et seront toujours indispensables pour lutter contre la précarité, les marchands de sommeil, etc. !
On ne sera pas au chômage demain, il y aura malheureusement toujours des propriétaires qui en profiteront. On sait que le marché du logement est tendu, dans certaines grandes villes notamment, donc pour satisfaire la demande l’offre n’est pas toujours excellente.
On continuera à suivre les évolutions de la réglementation et à l’appliquer et on veillera à ce que chacun ait un toit et puisse vivre dans des bonnes conditions.
Issu de la loi Accès au logement et urbanisme rénové (Alur), le « permis de louer » est un outil de lutte contre l’habitat indigne laissé au bon vouloir des collectivités.
Depuis octobre 2019, Roanne (42) est la première ville du département à s’être engagée dans ce dispositif qui incite les propriétaires bailleurs à prendre leur part dans l’amélioration de l’habitat ancien et contribue à la rénovation des quartiers dégradés tout en réduisant la vacance locative.
Sur un périmètre défini, tout propriétaire d’un logement de plus de 15 ans doit faire une demande en ligne avant de pouvoir le mettre en location et le service communal d’hygiène et de santé se charge d’instruire les demandes. La visite systématique du logement est l’occasion d’informer le propriétaire ou l’agent immobilier des aides proposées par Roannais Agglomération, en complément des subventions de l’Anah, pour réaliser des travaux de réhabilitation.
Depuis octobre 2019, 1.300 « permis de louer » ont été demandés et 1% des demandes refusées au vu des travaux trop importants à réaliser, soit 13 logements concernés. 54% des permis ont été donnés avec un avis sous réserve de mise aux normes ou petits travaux (électricité, ventilation…) ou de diagnostics énergétiques à fournir. Ces réserves ont été levées dans la majorité des cas.
L’effectif attribué au permis de louer représente 1,5 ETP mais 4 agents sont mobilisables en temps réel suivant les besoins de l’instruction du programme. Il est difficile d’estimer le budget consacré à cet outil, au vu des multiples tâches effectuées par le SCHS.
Il reste encore à identifier les logements dont les propriétaires, des particuliers, restent dans «l’angle mort» du dispositif. En effet, les demandes de permis de louer émanent pour 25% de particuliers, contre 75% pour les agences immobilières. Un rapprochement avec la CAF pourrait permettre d’optimiser cet outil.
Il semble par ailleurs opportun d’envisager une réflexion autour de la généralisation du permis de louer, dans le cadre de l’établissement d’un seuil de non-décence énergétique pour les logements à compter de 2025 (les autorisations délivrées dans le cadre du permis de louer se basant sur les critères établis dans le décret encadrant la décence des logements).
Pour aller plus loin, visionner le webinaire du RAPPEL sur le permis de louer dans la communauté d’agglomération Béziers Méditerranée
Le GRAAL est une association Loi 1901 qui œuvre pour le droit au logement pour tous avec la volonté d’accompagner chacun dans son projet logement, qu’il soit locataire ou propriétaire. L’association poursuit les objectifs suivants : garantir le droit au logement pour tous, lutter contre l’habitat indigne et non-décent, adapter les logements au handicap et au vieillissement, promouvoir une gestion locative adaptée et sociale.
> Comment en êtes-vous venue à travailler sur la précarité énergétique, quel est votre parcours ?
J’ai une formation initiale de CESF [1] : en BTS les deux premières années puis en IRTS [2] pour la troisième. Dans ce cursus, on traite de manière très concrète tout ce qui constitue la vie quotidienne des ménages. Les questions d’énergie étaient donc abordées, dans une matière qui s’appelle « l’habitat », de manière assez pratique.
J’ai commencé à travailler sur le logement car cela me semblait être au cœur de la vie des ménages (la santé, le travail, etc.). J’ai été opératrice FSL [3] dans une association d’amélioration de l’habitat puis j’ai travaillé pour l’association Crésus qui a disparu aujourd’hui, mais je me suis rapidement aperçue que les aides proposées sur les questions énergétiques ne traitaient pas des problèmes de fond. On était sur des aides d’urgence, l’état du bâti était un peu laissé pour compte et on voyait des logements dégradés qui revenaient avec des familles différentes dedans.
Je me suis donc davantage intéressée aux problématiques de bâti. La mission du GRAAL m’a semblé à ce moment-là intéressante car elle rassemblait une vision sociale et des aspects plus techniques, auxquels je me suis formée sur le tas, avec une volonté de dépasser l’intervention sociale d’urgence pour essayer de traiter le problème de fond : les habitats dégradés et les problèmes énergétiques dans les logements.
> Quelles sont vos missions aujourd’hui ?
L’intitulé de mon poste est « médiatrice énergétique », même si au final la médiation n’est pas au cœur de mon travail. Je fais de la négociation aux travaux plutôt que de la médiation au sens strict.
J’interviens auprès des locataires en précarité énergétique et des propriétaires bailleurs qui louent des logements énergivores, dans le secteur privé.
J’accompagne à la fois le locataire dans ses difficultés économiques autour de la précarité énergétique et le propriétaire qui le souhaite (c’est de l’incitatif) dans la rénovation énergétique de son logement : sur les aspects techniques, financiers (dossiers d’aides aux travaux, dispositifs de défiscalisation s’il y a un conventionnement, etc.).
J’ai travaillé sur l’expérimentation « médiation précarité énergétique » portée par la ville de Lille pendant 2 ans (2015-2017), qui a ensuite été reprise par la Métropole européenne de Lille (MEL) et étendue sur ses 5 territoires dans le cadre d’un marché public. J’interviens pour ma part sur le territoire de Lille-Lomme-Hellemmes.
> À quoi ressemble le territoire sur lequel vous intervenez ?
Il s’agit d’un territoire urbain, avec beaucoup de petits logements (T1-T2), du chauffage électrique et des défauts d’isolation et de ventilation. Ces logements ne sont pas forcément gérés par des agences mais plutôt par des propriétaires qui les louent en direct.
J’ai quelques grosses copropriétés et très peu de maisons individuelles chauffées au gaz, ce qui est assez particulier sur le secteur dont je m’occupe (une de mes collègues active sur le secteur de Roubaix a beaucoup de maisons de 1930 chauffées au gaz, avec des rénovations très partielles qui ont été faites).
Sur Lille, le secteur est très tendu en termes d’offre de logements et de montant des loyers. Ce sont des logements qui ont été divisés, pour optimiser la rentabilité du bien mais sans penser au confort thermique. Pour simplifier la relation avec leur locataire et pour des raisons de coût des équipements, les bailleurs privés ont eu plutôt tendance à installer du chauffage électrique. Beaucoup me disent ne pas avoir voulu mettre du gaz car cela nécessite d’entretenir la chaudière, et ils craignent que leur locataire ne réalise pas cet entretien. Pour eux, l’électrique est plus simple à gérer.
> Comment intervenez-vous concrètement, quels sont les outils que vous déployez ?
On a une entrée locataire, donc en règle générale ce sont les locataires en situation de précarité énergétique qui se signalent auprès d’une association (opérateurs logement ou associations de locataires), de réseaux de bénévoles (Secours Catholique), du CCAS ou du service communal d’hygiène et de santé (SCHS) de la ville de Lille. Aujourd’hui, 60% des orientations nous viennent du SCHS, ce qui biaise un peu la suite de l’intervention car finalement on n’est déjà plus dans la médiation mais plutôt sur du coercitif. Il s’agit en général de petite indécence.
Depuis qu’on est passé en marché public, on a aussi quelques propriétaires bailleurs qui nous contactent en raison d’une injonction de faire des travaux reçue par la ville (ce qui les inquiète), ou parce qu’ils veulent bénéficier d’aides financières pour faire des travaux dans leurs logements locatifs. Nous avons aussi une « Maison de l’habitat durable » à Lille, portée et financée par la Métropole, qui est un endroit qui brasse pas mal de monde. Les propriétaires peuvent venir trouver des informations, rencontrer des juristes, des architectes, mes collègues chargés d’opération AMELIO+ et sont parfois réorientés vers moi. Dans le cadre de la « médiation précarité énergétique », je ne peux intervenir que s’il y a un locataire dans les lieux : on ne pourra pas proposer de réponse en termes de petits travaux aux bailleurs si le logement est vacant. Mais ces situations de bailleurs « volontaires » représentent un peu moins de 5% des dossiers que je suis.
Une fois qu’on a identifié les locataires, on leur propose un premier contact téléphonique, puis rapidement une visite à domicile pour faire un diagnostic sociotechnique qui dure en moyenne 1h30. On fait alors la visite technique du logement, le point au niveau social sur les démarches entreprises par le locataire, sa volonté ou non de rester dans le logement, puis on définit ensuite une stratégie. Il y a souvent un travail réalisé sur les consommations, une réorientation au niveau social et une médiation de travaux qui est tentée avec le bailleur (même si parfois des locataires ne souhaitent pas que ce dernier point soit travaillé – ce qui est assez rare), voire un soutien dans les démarches juridiques si on en est déjà là.
En cas de médiation, un premier contact téléphonique est alors proposé au bailleur. C’est toujours moi l’interlocutrice, et je lui fais alors part du diagnostic technique, du besoin de travaux avec des préconisations assez précises, et des éventuelles aides financières dont il pourrait bénéficier. Ce premier appel est important car il faut par la suite que le bailleur puisse avoir confiance dans la démarche engagée, d’autant plus que dans une majorité de cas celle-ci est coercitive puisque le signalement provient du SCHS.
> Justement, comment êtes-vous accueillie par les propriétaires ?
On est rarement bien accueillis lors de ce premier contact, ce n’est pas chaleureux. Je ne sais jamais qui je vais avoir en face de moi. En général, le propriétaire est plutôt sur la réserve au départ et ne me voit pas comme une alliée, il y a donc un travail important d’explication de la démarche.
Dans le premier entretien avec les locataires, on insiste généralement sur le fait qu’il vaut mieux qu’ils évoquent avec nous tous les aspects de leur relation avec leur bailleur, mais ensuite on a toujours la version du bailleur qui est évidemment assez différente. On a tenté d’autres approches, comme par exemple inciter les locataires à envoyer un courrier à leur bailleur, lorsqu’il n’y a jamais eu d’échanges à ce sujet entre les deux parties, pour qu’ils puissent expliquer les problématiques qu’ils rencontrent. Mais finalement, on s’est rendus compte que cela ne fonctionne pas forcément, que tant qu’on ne va pas vraiment « chahuter » le bailleur, il ne se passe pas grand chose.
Quand on sent qu’on a en face de nous des gens de bonne volonté, qui ont besoin d’être rassurés suite à la réception du courrier du SCHS, on peut passer plus rapidement à la phase suivante et concrète autour des dispositifs d’aides. Là, on a une écoute car il y a des aides aux petits travaux plutôt incitatifs sur Lille : la Ville, la Métropole et le Département du Nord distribuent des aides en dehors des dispositifs ANAH, qui sont en général les seuls que les propriétaires connaissent de prime abord et qui peuvent les effrayer car ils sont assez lourds et contraignants.
Pour ceux qui sont de moins bonne volonté, qui essaient de gagner du temps, de trouver des excuses, on repasse vers le SCHS pour les mettre face à leurs responsabilités et ne pas perdre de temps.
Tout cela nécessite une vraie formalisation des choses et des outils particuliers : le locataire a un rapport de visite qui lui est remis à l’issue du diagnostic sociotechnique. De mon côté, lors du premier contact avec le bailleur, je fais systématiquement un relevé des échanges pour garder une trace de ce qui s’est dit et des engagements qui ont été pris ensemble. Cela permet de revenir ultérieurement à ce premier échange si le propriétaire joue un peu la montre par la suite.
Quand ça se passe bien, on repasse sur un accompagnement assez classique d’aide aux travaux : étude des devis, mobilisation des aides financières, suivi du projet de travaux jusqu’à la réception, puis appropriation des nouveaux équipements par le locataire si celui-ci est toujours dans les lieux à l’issue de la démarche.
> Quelle est la nature et l’objectif général de ce qui est négocié avec le propriétaire, le type de travaux réalisés ?
On est sur une moyenne de travaux autour de 5 000 euros.
La meilleure porte d’entrée pour ces travaux est la ventilation, puisque c’est ce que le service d’hygiène peut reprocher à un logement qui crée de la précarité énergétique aujourd’hui : c‘est un problème d’humidité visible et donc un défaut de ventilation. C’est le cas dans 90% des logements sur lesquels j’interviens.
On travaille aussi beaucoup sur les appareils de chauffage : on reste sur de l’électrique, mais avec des appareils plus performants (par exemple, installer des radiateurs à inertie avec programmation). On a pas mal de logements avec une hauteur sous plafond de 3 mètres, ce qui rend difficile d’atteindre une température satisfaisante si les équipements sont sous-dimensionnés. Donc on explique aux propriétaires qu’il faut installer un peu plus d’appareils pour avoir davantage de puissance et permettre à leur locataire de se chauffer convenablement. On essaye parfois aussi de leur suggérer de réduire la hauteur sous plafond, mais c’est mal entendu par les propriétaires car ils estiment qu’ils vont perdre ce qui fait le cachet de leur logement.
On peut également envisager le remplacement de menuiseries (souvent en lien avec la ventilation). En isolation, là aussi c’est difficile à engager car il faut souvent isoler par l’intérieur puisqu’on est majoritairement dans des petites copropriétés, avec des décisions de travaux complexes en isolation par l’extérieur. Mais une isolation par l’intérieur implique de perdre 15 à 20 cm de surface au sol et donc potentiellement une diminution du loyer et de la valeur du bien. On y arrive, mais on travaille souvent sur un mur ou une pièce particulièrement déperditive. On n’arrive jamais à faire l’isolation complète du logement par l’intérieur, car le prix du m2 à la location vaut de l’or.
Il arrive aussi que notre intervention ne serve qu’à faire les travaux de décence, à travailler juste la ventilation, mais en s’assurant que ce soit bien fait : poser une ventilation hygroréglable au lieu d’une ventilation classique, éviter que le propriétaire crée une aération naturelle mais installe plutôt une ventilation mécanique. Dans ce cas, les travaux servent au propriétaire à ne plus se voir reprocher la non-décence de son logement, mais cela n’améliore pas le niveau des factures pour les ménages. Il arrive que des propriétaires fassent ces travaux de mise en conformité, et qu’ils reviennent plus tard nous voir pour passer à la suite car leurs nouveaux locataires rencontrent les mêmes difficultés que les précédents, malgré les interventions de mise en décence qui ont été faites sur le logement… Il faut parfois du temps aux propriétaires pour se rendre compte de la problématique et passer réellement à l’action.
> Quel est l’accompagnement proposé au bailleur ?
Pour les bailleurs, nous proposons l’étude technique des devis et la mobilisation des aides aux travaux. Sur Lille, elles sont au nombre de trois : pour les locataires qui ont des ressources modestes (en dessous de deux RSA), on peut mobiliser les aides du Département au travers du dispositif « Nord Énergie Solidarité », qui permet de financer deux postes de travaux sous forme de prime (isolation, ventilation, menuiserie, mise aux normes électrique…). Cette aide du Département peut être cumulée avec une aide de la MEL, qui est de 50% du montant des devis et plafonnée à 2 500€, et pour laquelle les travaux doivent être réalisés par une des quatre entreprises conventionnées avec la MEL.
Pour les locataires au-dessus de deux RSA de ressource et qui ne peuvent bénéficier ni de l’aide de la MEL ni de celle du Département pour diverses raisons, la ville de Lille a elle aussi mis en place une aide exceptionnelle, qui permet de financer 50% du devis dans la limite de 2 000 € par logement, ce qui permet de faire du sur-mesure. Il n’y a pas de plafond de ressources pour ces locataires dans la mesure où ils ont été identifiés comme étant en précarité énergétique, il s’agit souvent de salariés modestes ou de personnes âgées. Le filtre est opéré en amont, dans le parcours d’identification des locataires. L’avantage c’est que cette aide permet d’éviter des effets de seuil très forts.
> Qui sont vos partenaires ?
Tous ceux qui sont à l’origine de l’orientation et que j’ai déjà cités plus haut : SCHS de la ville de Lille, Maison l’habitat durable, associations dans le champ du secteur social et caritatives.
Parmi nos partenaires opérationnels, on retrouve les acteurs sociaux vers qui on réoriente pour la recherche de logement ou pour les aides aux impayés d’énergie. Les partenaires financeurs et institutionnels sont les mêmes : Ville, Département et MEL.
Ce ne sont pas exactement des partenaires mais c’est important de les citer : tous mes collègues chargés d’opération AMELIO+, qui accompagnent des propriétaires bailleurs dans le cadre des dispositifs de l’Anah, qui interviennent sur les copropriétés, etc. et qui donnent une autre dimension au dispositif pour lequel j’interviens en termes de réorientation. Je commence à identifier pas mal de copropriétés que l’on peut réorienter vers le dispositif dédié d’AMELIO+, et donc je fais aussi du repérage pour ce dispositif.
> À la fin de votre intervention, comment l’action vous semble perçue par les locataires et les bailleurs ?
Le plus important, c’est le fait de légitimer la difficulté du locataire : on pose des éléments concrets et précis sur leur situation, on leur explique ce qu’ils peuvent changer eux, en tant que locataire, et ce qui est du fait du logement et de leur propriétaire. On les outille sur leurs marges de manœuvre, on leur redonne les moyens d’agir, par exemple en leur expliquant qu’ils peuvent mener une action en justice contre leur bailleur pour trouble de jouissance. On leur donne le choix et le temps de travailler autour de solutions qui leur correspondent, que ce soit un souhait de relogement quand le vécu est trop difficile, d’intervention auprès du propriétaire ou de petits travaux. On les sort d’une situation où ils ne font que subir, et c’est vraiment l’impact le plus important à mon sens.
Ce qui est positif dans cette action c’est de sortir de la logique qui consiste à changer les locataires de logement sans résoudre le problème à la base : là, dans tous les logements où on passe, quand il y a eu un échange possible avec le propriétaire et qu’on a réussi à mettre un diagnostic technique et des mots sur ce qui pourrait être fait, il y a une démarche qui est déjà enclenchée. On fait prendre conscience au bailleur de sa part de responsabilité dans la situation, et qu’il ne peut pas juste considérer que les questions d’impayé c’est le problème du locataire. Là, on rentre dans du concret, on est sur des éléments factuels qui ne sont pas contestables et on pose de vraies bases pour avancer.
> Vers qui renvoyez-vous les locataires à qui vous conseillez une action en justice ?
Au départ, dans le cadre de l’expérimentation menée sur la Ville de Lille, on les renvoyait vers l’ADIL car on n’avait pas de service juridique en interne. Le marché public nous a permis d’engager une juriste au GRAAL, qui intervient beaucoup sur les questions de lutte contre l’insalubrité (qui est un volet compris dans AMELIO+). Je la sollicite pour donner des informations aux locataires. Ça n’arrive pas souvent car en général les locataires n’ont pas envie d’aller dans cette direction. Mais quand ils le souhaitent on peut déjà les aider à rédiger un courrier qui acte les problèmes et qui permet, si le locataire souhaite ultérieurement aller vers une procédure judiciaire, de prouver qu’un premier courrier a déjà été envoyé (avec date et demande de mise en conformité par le locataire). En 3 ans, j’ai deux ou trois ménages qui sont allés au bout de la démarche, et deux ont obtenu des dommages et intérêts. Mais il y avait d’autres points de non décence, pas qu’une situation de précarité énergétique.
> Quelles sont selon vous les compétences et qualités nécessaires à la réalisation de votre métier ?
La patience ! Il faut prendre le temps d’écouter chacun. Le discernement aussi. Il ne faut pas prendre pour argent comptant ce qui nous est dit. C’est important aussi d’être structurant et cadrant. J’ai l’impression de passer mon temps à remettre du cadre, du sens, à redéfinir les responsabilités des uns et des autres.
J’essaye aussi d’être dans la communication non violente, d’utiliser des techniques d’écoute et de reformulation qui permettent d’aller au fond des choses, et ça c’est un travail sur lequel j’aimerais encore me former.
> Qu’est ce qui bloque encore aujourd’hui, de quoi auriez-vous besoin pour réaliser vos missions de manière optimale ?
Un marché public, c’est à la fois assez porteur car cela permet de faire du lien avec des interventions plus importantes que les petits travaux, mais c’est aussi très contraignant car on perd un peu la force d’innovation qu’on peut avoir quand on est en phase d’expérimentation. Les cadres d’intervention sont définis en termes de facturation, et c’est compliqué d’en sortir. Ça peut être frustrant pour moi de ne pas pouvoir inventer des choses ou sortir un peu de ce qui est établi.
Aussi, nous sommes aujourd’hui vus comme des opérateurs de ce marché public, et la conséquence c’est que par rapport à la phase d’expérimentation, on est un peu moins dans la co-construction. C’est dommage, l’action est de fait un peu moins portée qu’au démarrage. La contrepartie c’est qu’on a pu la déployer dans toute la Métropole et donc accompagner davantage de locataires.
La ville de Lille reste néanmoins très porteuse et volontaire sur cette question de la précarité énergétique, et donc coordonne fortement une diversité d’acteurs sur son territoire, ce qui permet de sentir une vraie dynamique et d’agir en coordination avec beaucoup d’autres intervenants, en réseau.
Sur Lille, la grosse difficulté c’est le prix des loyers. Un encadrement des loyers a été mis en place mais il n’y a pas de contrôle, et je dirais que deux tiers des logements que je visite ne respectent pas cet encadrement. On en informe le locataire et ça s’arrête là. Le service hygiène ne peut pas intervenir car c’est du contractuel entre le locataire et le propriétaire. Donc dans un monde idéal, on mènerait des contrôles avec une action vraiment coercitive par rapport à ce coût des loyers. Dans la mesure où tout se loue un peu à n’importe quel prix, les propriétaires n’ont pas beaucoup de contrainte. Le Diagnostic de Performance Energétique opposable au propriétaire permettra sans doute d’améliorer cet état de fait. Des logements de classe G ne doivent plus être louables du tout, ce qui forcerait des propriétaires à se poser des questions : comment je peux gérer différemment mon patrimoine ? Est-ce que je reste propriétaire si je ne peux pas réaliser des travaux ou si ça n’est plus rentable pour moi de le faire ? On a besoin de quelque chose de plus musclé que l’incitatif qu’on a aujourd’hui car ça n’est plus suffisant.
Et 90% des logements dans lesquels j’identifie des problèmes sont chauffés à l’électricité. La question du chauffage électrique est centrale, car ce sont des gouffres financiers. J’ai parfois des propriétaires qui mettent des chauffages électriques programmables bas de gamme, dont la programmation ne fonctionne pas ou avec une notice illisible, et qui me disent ensuite : « écoutez, moi j’ai fait ma part, si le locataire ne sait pas utiliser les équipements ce n’est plus mon problème ». C’est sûr que l’enjeu c’est bien d’isoler l’enveloppe, car au final changer le mode de chauffage ça ne change pas grand chose…
Le seul discours qui marche aujourd’hui auprès des propriétaires bailleurs, c’est celui de la rentabilité économique de leur bien. Je suis encore régulièrement perplexe devant le profil de certains propriétaires décomplexés qui me disent : « ça va, ça reste du locatif et de l’investissement locatif, on ne va quand même pas aller vers un logement trop performant ». Souvent les propriétaires sont loin, on n’échange que par téléphone, ils n’ont parfois pas visité leur logement depuis des années et donc leur locataire en souffrance, encore moins. Ces questions sont éludées, c’est facile de fermer les yeux.
J’arrive un peu à faire entendre aux propriétaires que la moisissure ne se développe pas par le seul effet du locataire, qu’elle peut être augmentée par un mésusage du logement par l’occupant, mais s’il y a de la moisissure il y a forcément un défaut sur le bâti à l’origine (défaut d’isolation, de ventilation, etc.).
Ce à quoi je crois le plus, c’est d’outiller les locataires. Si on réduit l’offre de locataires qui acceptent de vivre dans ces logements inchauffables, on brise un peu le système. Il faut sensibiliser les locataires et leur donner les moyens de se défendre face à ces situations. Les propriétaires ne veulent pas être taxés de marchand de sommeil, donc plus les locataires leur feront remonter par des moyens juridiques que leur logement n’est pas correct, plus on aura de passage à l’action.
Aussi, j’ai vraiment l’espoir qu’avec un DPE opposable, je ne sois plus obligée de courir après un propriétaire qui minimise le problème, mais que ce DPE devienne un outil pour lui montrer qu’ilsn’a pas le choix. Là, ça changera complètement l’accompagnement pour nous, puisqu’on travaillera avec des gens volontaires. Je passe plus d’un tiers de mon temps à essayer de convaincre, à faire des relances, à ne travailler qu’avec de l’incitatif, sans être trop insistante et en mâchant mes mots parce que sinon je perds complètement l’adhésion du propriétaire. Donc ce changement législatif pourrait inverser la tendance, j’ai l’espoir qu’on ait alors plus de demandes des bailleurs pour être accompagnés sur ces questions énergétiques.
> Une « bonne recette » à partager ?
Être très factuel, faire un maximum d’écrits, donner des rapports de visite, faire des relevés d’échanges. Ça permet vraiment de cadrer la démarche, légitimer la demande du locataire et mettre le propriétaire face à ses responsabilités. On laisse ensuite le choix au locataire d’utiliser cette matière ou pas, mais il a une trace qu’il pourra ressortir plus tard.
> Dans 10 ans, où vous imaginez-vous ?
La réalité locale est tellement importante dans notre mission qu’elle pourrait être pleinement intégrée dans un service communal pour être portée par la collectivité elle-même. A l’échelle d’une agglomération comme la nôtre, la réalité du terrain et des divers partenaires est tellement différente d’un territoire à l’autre que c’est difficile d’avoir une méthodologie commune. Peut-être que dans 10 ans, cette question de la précarité énergétique et de la lutte contre les logements passoires dans le parc locatif sera tellement importante qu’il y aura un service de médiation et d’accompagnement au sein des collectivités. La bonne volonté des acteurs a ses limites, et parfois on se sent tout seul face à des situations inextricables. L’ampleur du problème d’aujourd’hui et de demain, avec tous les enjeux autour du changement climatique et des conséquences sur le confort d’été, nécessite un portage vraiment fort pour que ce type de mission ait un impact plus important, pour changer d’échelle. L’enjeu c’est de sortir de l’image de bobos qu’on peut avoir quand on parle de matériaux écologiques ou de logements bien isolés. La réalité va bien au-delà, tout ce qu’on veut c’est des gens qui ne soient pas malades dans leur logement.
Entretien réalisé le 2 novembre 2020 pour le RAPPEL.
Déjà expérimenté en 2017, le dispositif SLIME de l’Ardèche est déployé à nouveau pour l’année 2021.Le SLIME est un dispositif de visites énergie à domicile pour les ménages en précarité énergétique. L’objectif de ce programme est d’intervenir auprès des ménages en difficulté dans leur gestion de l’énergie et de l’eau, en vue de réduire leurs consommations et améliorer leur confort au quotidien.
Ce dispositif propose :
une visite à domicile par un technicien de l’Agence locale de l’énergie et du climat (ALEC07)
des conseils personnalisés pour mieux comprendre les factures et les usages de l’énergie
des préconisations d’écogestes pour améliorer le confort et réduire les consommations
la remise de matériel à économie d’eau et d’énergie (réducteurs de débit, ampoules basse consommation…)
des ré-orientations vers les services spécifiques selon les besoins
la remise d’un compte-rendu de visite (envoyé également au travailleur social qui accompagne le ménage le cas échéant)
Tout habitant d’Ardèche sous les revenus modestes (voir ici les plafonds), qu’il soit propriétaire ou locataire, peut bénéficier gratuitement de cette visite. Des formulaires de demande de visite pour les particuliers et pour les professionnels ont été mis en place à cet effet.
Téléchargez la synthèse de présentation du SLIME de l’Ardèche
Une étude de l’ANIL expose les principaux éléments d’analyse des aides à la rénovation énergétique mises en place au niveau local, dont la lisibilité est rendue possible grâce à l’outil développé par l’ANIL. Le périmètre de l’étude porte sur les aides locales apportées en 2020 par les collectivités suivantes : Régions, Départements, Métropoles, Territoires, Communautés Urbaines et Communautés d’Agglomération. Le recensement des aides sur ce périmètre est exhaustif, que le département soit couvert ou non par une ADIL.
L’étude rappelle également le rôle et l’implication des ADIL en matière d’information sur la rénovation énergétique.
Consulter l’étude :
Rénover énergétiquement son logement : Les aides des collectivités locales en 2020, ANIL
Mesurer et Accompagner pour Garantir les Economies
Engagé en 2017 et porté par SoliNergy en partenariat avec EcoCO2, le programme MAGE avait pour objectif d’accompagner collectivement et individuellement des foyers en précarité énergétique du parc privé et social, sur une durée suffisamment longue (entre 12 et 24 mois) pour les aider à comprendre, puis à maîtriser leurs consommations d’énergie et d’eau, tout particulièrement, au moment d’un changement de contexte (déménagement, rénovation, entrée dans un nouveau logement, installation de nouveaux équipements, etc.).
Le programme comprend des
ateliers collectifs de sensibilisation et un accompagnement individuel sur un
an nécessaire à l’obtention de résultats pérennes et réalisé par des acteurs de
terrain partenaires. Les ménages volontaires et accompagnés individuellement bénéficient
de 3 visites à domicile pour leur permettre d’adopter les écogestes (sur
la base d’un plan d’actions) et de lire et comprendre leurs consommations d’énergie
en temps réel afin de les réduire. Ils reçoivent un
kit de sensibilisation initial comprenant des équipements classiques (systèmes
hydro-économes et débitmètre, livret d’écogestes) ainsi qu’une tablette
permettant l’affichage des données de consommation énergétique et de confort
(température et hygrométrie).
Les principaux résultats
Ce 1er Livre blanc porte sur 184 ménages suivis individuellement pendant 1 an sur les 1000 ménages sensibilisés. Ils sont issus de 5 opérations localisées dans plusieurs régions (Ile-de-France, Occitanie, Hauts-de-France) avec des contextes, statuts des ménages et types de logements diversifiés (maisons individuelles, appartements, résidence sociale, pensions de familles).
Chiffres clés
Un plan d’actions ayant globalement aidé les ménages accompagnés (82 %) à s’approprier leurs consommations énergétiques. 38 % ont déclaré avoir changé leurs habitudes de consommation.
Une majorité des ménages (74 %) utilisent la tablette restituant les consommations d’énergie et de confort. Celle-ci les a aidés à mieux comprendre et suivre leurs consommations d’électricité et le confort atteint dans le logement. Parmi eux, 68 % consultent régulièrement le tableau de bord (qui présente la puissance en temps réel, les températures et hygrométries intérieures et extérieures). A l’inverse, 26 % disent ne pas avoir utilisé la tablette pour diverses raisons : mauvaise maîtrise des NTIC[1], préoccupations autres qu’énergétiques…
90 % déclarent être satisfaits ou très satisfaits du fonctionnement du matériel, près de 77 % sont satisfaits ou très satisfaits du programme et 22 % ont souhaité poursuivre le suivi de manière autonome.
Uneréduction de la consommation électrique de 12,6 % en moyenne entre l’année de référence et l’année d’accompagnement. Avec une consommation annuelle moyenne de 7 174 kWh, les ménages chauffés à l’électricité sont ceux qui réalisent le maximum d’économies (baisse moyenne de 17,5 % de la consommation contre 9,1 % pour les ménages n’utilisant pas de système de chauffage électrique).
Facteurs de réussite
Les difficultés rencontrées lors du déploiement du programme MAGE ont permis d’identifier les facteurs favorisant l’accompagnement des ménages et la réduction de leurs consommations d’énergie :
Le « recrutement » des ménages: globalement difficile, il a cependant été facilité lorsqu’une relation de confiance existait déjà entre les ménages et l’association et/ou le bailleur. La procédure d’inscription et les critères d’éligibilité représentent un véritable frein et doivent être simples (questionnaire court, accès aux informations fiscales/factures limitées). Le suivi est plus facilement accepté et compris quand il est intégré dans un programme de travaux ou qu’il s’inscrit dans un changement de contexte important.
Le partenariat : afin d’assurer la bonne mise en œuvre du programme, une communication efficace est nécessaire entre les différents partenaires. Des contacts réguliers avec les associations par l’intermédiaire des chargés de visite ont permis de comprendre et d’identifier plus rapidement les éventuels dysfonctionnements lié à ‘instrumentation du logement et de les corriger. Il est également important d’obtenir des retours d’expérience « terrain » afin d’adapter les outils et documents à destination des ménages.
Les associations : Les suivis réalisés chez des ménages en habitat diffus entraînent des contraintes importantes pour les chargés de visite. Les déplacements nécessaires sont plus nombreux, sans possibilité de regroupement, réduisant la réactivité des chargés de visite pour intervenir en cas de dysfonctionnement ou pour respecter le délai des visites. Des disparités sont observées entre les associations, avec des compétences plus poussées en accompagnement social pour certaines et en suivi énergétique pour d’autres. La polyvalence du chargé de visites sur ces deux aspects est un élément clé pour assurer un suivi de qualité.
Les outils : d’ une manière générale, les outils et fonctionnalités proposés doivent rester simples, accessibles et synthétiques. La mise à disposition d’un outil permettant de suivre en temps réel l’évolution de la consommation électrique et du confort dans le logement offre de nets avantages par rapport à une solution basée uniquement sur des relevés d’index. Il permet :
Une réaction rapide en cas de détection de dysfonctionnement d’équipements (chauffe-eau…) ;
Une optimisation précise des contrats de fourniture d’énergie (puissance souscrite, option tarifaire) ;
Une objectivation du confort réellement atteint dans le logement en été comme en hiver à partir des mesures de températures et d’humidité.
Le matériel : un matériel robuste est nécessaire pour bien fonctionner dans la durée et limiter les interventions techniques par le ménage ou le chargé de visites. La portée du capteur de consommation électrique doit être suffisamment puissante pour s’adapter à la localisation des compteurs (extérieur et intérieur des logements). La mise en place d’un équipement de mesure sur le compteur est également sensible aux interventions extérieures (changement de compteur, passage d’un releveur, conflit de voisinage dans des cas spécifiques). Privilégier un dispositif ne nécessitant pas d’être branché en permanence serait optimal pour limiter les absences de remontées de données provoquées par l’action de l’utilisateur.
Consulter l’ensemble des résultats ainsi que les fiches « retours d’expériences » des 5 premières opérations MAGE :
Programme MAGE– 1er Livre blanc
[1] Nouvelles
Technologie d’Information et de Communication
Depuis 1979, les Compagnons Bâtisseurs Provence[1] accompagnent les habitants dans le cadre de chantiers d’auto-réhabilitation accompagnée. Sandrine Rodot, spécialisée sur la précarité énergétique et les impacts du mal-logement sur la santé des occupants, contribue à la lutte contre l’habitat indigne au sein de l’association…
> Quel est votre
parcours et qu’est-ce qui vous a conduit à intervenir sur la précarité
énergétique ?
J’ai une formation
initiale en architecture d’intérieur et j’ai toujours été attirée par les
questions de participation des habitants.
Il y a 18 ans j’ai été embauchée aux Compagnons Bâtisseurs Provence en tant qu’animatrice technique sur des ateliers de quartier. Le principe des ateliers de quartier, basé sur l’entraide entre les habitants, consiste à animer des chantiers d’auto-réhabilitation accompagnée (ARA)[2] chez les ménages à partir de leurs projets. Cette approche favorise le transfert de compétences et de savoir-faire entre l’animateur et les habitants, et permet d’améliorer le bien-être au sens large.
Assez rapidement j’ai commencé à développer les notions de confort
thermique et de qualité de l’éclairage car lorsqu’on anime des chantiers, il y
a toujours un moment où l’habitant nous fait part de ses problèmes de factures
d’énergie. C’est encore plus prégnant aujourd’hui. Même dans le cadre d’ateliers
collectifs, quel que soit le sujet abordé (droits et devoirs, fabrication de
produits ménagers, sensibilisation à la qualité de l’air intérieur, etc.), la
question de la facture d’énergie émerge.
C’est comme cela que j’ai commencé à travailler sur un projet
expérimental dans le Var sur la lutte contre la précarité énergétique. Je me
suis formée au sujet auprès de l’association GEFOSAT avec d’autres collègues
puis avec le GERES et la thématique m’a fortement intéressée. J’ai ensuite
suivie une formation de Conseillère habitat santé : cela me semblait évident,
en travaillant sur la précarité énergétique, de pouvoir aborder avec les
familles leurs problèmes de moisissures, d’inconfort thermique, de pouvoir les
conseiller sur ces questions ; de comprendre les phénomènes, l’impact sur
l’organisme, de construire des argumentaires.
Aujourd’hui, je suis
chargée de mission lutte contre l’habitat indigne, c’est un poste transversal à
la croisée entre précarité énergétique, santé et indécence.
> En quoi consiste votre mission principale au
sein de l’association ?
La moitié de mon travail est consacrée à la commission technique pour le logement décent du Var, un dispositif qui s’inscrit dans le cadre du PDLHI[3]. Il s’agit de mettre en application le décret décence du 30 janvier 2002 sur le logement décent, qui n’est pas toujours facile à faire appliquer auprès des propriétaires. Depuis 2014, avec la loi ALUR, via les pôles de LHI, l’habitant peut signaler son logement au PDLHI (lorsqu’il n’a pas été entendu par son propriétaire). En général les principaux problèmes déclarés sont des problèmes de ventilation, de chauffage insuffisant, de moisissures, d’électricité. Le locataire saisit le PDLHI via une fiche d’auto-diagnostic qui arrive à un guichet unique. Lorsqu’il s’agit d’allocataires, ces fiches sont transmises directement à la CAF qui missionne ses propres opérateurs : c’est donc en tant qu’opérateur que j’interviens dans le Var : je réalise la visite du logement pour dresser un constat de non-décence. On aimerait dresser des constats de décence, aller dans un logement qui soit signalé par erreur et qui soit décent, mais généralement les gens ne se trompent pas trop ! Ce constat permet la conservation des allocations logement pour inciter le propriétaire à faire les travaux. Une fois que le propriétaire a réalisé les travaux, et l’atteste par des factures, on fait une seconde visite qui aboutit à un nouveau constat sur la mise en conformité du logement et les allocations logement sont restituées en intégralité au propriétaire. C’est un dispositif qui fonctionne très bien, il faut en général 6 à 8 mois pour sortir le logement de la non-décence et il y a plus de 80% de sorties positives. On a toujours fait de la médiation avec les bailleurs mais avant ce dispositif, introduit en 2014 par la loi ALUR, on était plutôt sur des temps beaucoup plus longs, de 18 mois, c’était beaucoup plus difficile de convaincre les bailleurs.
Ma seconde mission vise à accompagner les ménages
en précarité énergétique et s’inscrit dans le cadre des missions d’intervention
classiques de l’association.
> Dans ce cadre, comment
intervenez-vous auprès des ménages en précarité énergétique et en quoi consiste
l’accompagnement proposé ?
Les travailleurs sociaux ou les associations nous transmettent une fiche
d’identification, cela nous semble indispensable que le repérage passe par une
tierce personne. En fonction du contenu on se répartit les interventions avec
mes collègues, et s’il s’agit d’une problématique liée à l’énergie, c’est moi
qui vais rencontrer la famille à son domicile.
La première visite a pour objectif de se
présenter à la famille et d’expliquer la démarche et la seconde de réaliser le
diagnostic. Cette première visite se déroule toujours en présence du
professionnel qui a signalé la situation : travailleurs sociaux de la CAF, du
CCAS ou association. Lors de la seconde visite, je commence par faire le tour
du logement, le diagnostic du bâti, de la décence, des équipements, les
habitudes de vie, pour identifier toutes les problématiques du ménage. Un
rapport de visite est ensuite réalisé avec des propositions concrètes. Ce
rapport se rapproche du constat de non-décence, car ce qui fait basculer le
ménage en précarité énergétique c’est souvent l’indécence du logement : la
personne va être repérée car elle a des factures d’énergie importantes, une
sensation de froid, du mal à se chauffer mais de fait tous les critères
d’indécence sont fréquemment réunis : installation électrique défectueuse,
fenêtres qui ne ferment pas, parties communes dégradées… Le rapport est soit
envoyé à la famille, soit présenté oralement si la famille a des difficultés de
compréhension. Ce document constitue une étape importante car les habitants ne
comprennent pas toujours pourquoi ils ont froid dans leur logement, pourquoi
leurs factures sont si élevées. On explique alors sur quoi on peut agir mais
aussi sur quoi on ne peut pas agir. Les photos thermiques appuient souvent
notre argumentaire, car les personnes n’apprécient pas toujours bien nos
conseils ou nos propositions de modifications d’usages, d’aménagement. Il est
donc important d’amener les choses avec délicatesse et avec des arguments
techniques : la caméra thermique permet de montrer que la chaleur se diffuse
mal, par exemple, lorsqu’un chauffage est obstrué. Puis dans la majorité des
cas on mène ensuite des interventions directes qui vont avoir un impact positif
sur le confort thermique (installation avec la famille de rideaux thermiques,
pose de tapis en rez-de-chaussée par exemple). Dans tous les cas s’il y a
d’autres choses à faire dans le logement qui ne concernent pas directement la
précarité énergétique, on le prendra en charge quand même puisque ces
interventions s’inscrivent dans la globalité de notre action. On fait également
de la médiation avec les bailleurs, on les informe sur les aides, on fait le
lien avec les autres opérateurs pour les aider à monter un dossier pour faire
des rénovations globales, voire conventionner le logement. Si on peut
intervenir de manière directe on propose des petits travaux en ARA.
> Votre
intervention est
donc adaptée à chaque situation rencontrée ?
Oui, nous essayons vraiment de réaliser un
accompagnement sur mesure en fonction des situations des familles que nous
rencontrons. J’ai en tête l’exemple d’un ménage qui avait commencé
des travaux mais qui, avec l’arrivée de deux bébés dans la famille, n’avait pas
pu les continuer. On les a donc accompagnés pour finir de poser le carrelage,
installer leur cuisine, et on a également fait une médiation auprès du bailleur
pour qu’il répare la colonne d’évacuation de la ventilation qui était fissurée.
Chaque ménage est dans une
situation particulière et il faut prendre en compte et traiter les problèmes de
manière adaptée : le logement, la santé, etc.
>
En quoi vos compétences habitat santé apportent une plus-value ?
Mon diplôme de conseillère habitat santé me
permet d’avoir un discours adapté. J’arrive à étayer mes explications, je me
sens plus pointue dans mes missions et donc davantage écoutée par les familles.
Par exemple sur les grilles de ventilation lorsqu’elles sont bouchées : j’ai
les moyens d’argumenter sur la qualité de l’air intérieur, la circulation de
l’air dans le logement, undiscours documenté a plus d’efficacité pour
convaincre les habitants et les amener à modifier leurs pratiques.
> Quels retours avez-vous de
la part des ménages accompagnés ?
On a des retours rapides sur le confort mais sur
les économies c’est plus long. Je milite plutôt pour un accompagnement long,
pour moi l’accompagnement idéal serait de 18 mois car les changements d’usages
et leurs impacts sont longs à observer. Les meilleurs résultats sont justement
ceux que l’on considère dans la durée, un an après notre intervention, car cela
prouve que les effets sont durables, installés. Des résultats un mois après,
moi je n’y crois pas !
> Qui
sont vos partenaires et comment travaillez-vous avec eux ?
Nous avons un partenariat depuis très longtemps
avec les travailleurs sociaux, qui nous connaissent bien et nous sollicitent.
Chaque partenariat est organisé au cas par cas en fonction de la situation, on
échange et on traite la solution ensemble. On s’adapte avant tout aux souhaits
des habitants.
De manière plus globale, nos partenaires sont
invités aux comités techniques de suivi que nous mettons en place localement.
Les chefs de projet de l’association vont à la rencontre des communes pour
faire connaître notre travail et qu’elles puissent en bénéficier. Les ateliers
collectifs dans les centres sociaux sont aussi des lieux de rencontres avec les
partenaires.
> Rencontrez-vous des
difficultés particulières ? Des manques ? Des besoins pour réaliser au mieux
votre mission ?
Mon rêve serait que les
convecteurs soient interdits au même titre que les lampes à incandescence, cela
m’aiderait vraiment dans mon travail. C’est difficile d’intervenir dans des
logements où les équipements sont responsables d’une consommation excessive.
D’ailleurs ça interroge les travailleurs sociaux et les habitants qui me
demandent pourquoi on a encore le droit d’installer des équipements inefficaces
qui surconsomment. Et c’est difficile, quand un équipement fonctionne, de
convaincre un bailleur d’en changer. J’essaie de construire un argumentaire, je
mesure le volume des pièces et si le chauffage n’est pas assez puissant je
m’appuie sur le décret décence que le bailleur doit respecter, j’essaie de
l’inciter à profiter de l’occasion pour remplacer les convecteurs par un
système à inertie par exemple. Mais s’il se doit de louer un logement décent,
équipé d’un chauffage suffisant ; en revanche, je ne peux pas lui imposer
un modèle de chauffage.
> En conclusion, que pensez-vous
de la manière dont est traité le phénomène de précarité énergétique sur le
territoire ?
Les locataires sont les
oubliés du système, or c’est notre public principal et on a peu de réponses à
leur apporter. Il y a un décalage énorme entre les dispositifs qui existent et
les besoins des ménages sur le terrain. Le chèque énergie est un coup de pouce
mais ne suffit pas à lever la pression économique qu’il y a sur le ménage et qui
est particulièrement stressante, ça ne ramène pas la sérénité. La précarité
énergétique, le mal-logement ont un impact économique mais aussi psychique. Vivre
dans les moisissures c’est insupportable, il faut tout jeter : la nourriture,
les meubles, parce qu’à un moment ça va trop loin. Après il faut tout racheter
et quand un enfant va à l’école et qu’il sent la moisissure, il est stigmatisé,
la réalité des gens c’est ça ! Et je n’ai malheureusement pas du tout
l’impression que la pression se relâche sur ces ménages.
Entretien réalisé le 24 novembre 2020 pour le RAPPEL.
[1] Membre du réseau national des Compagnons Bâtisseurs (ANCB), l’association des Compagnons Bâtisseurs Provence met principalement en œuvre des chantiers d’Auto Réhabilitation Accompagnée (ARA) à destination de personnes en précarité, accompagne les propriétaires occupants très modestes dans la réalisation de travaux liés à l’enveloppe du bâti, réalise des éco-diagnostics au domicile de personnes en situation de précarité énergétique, etc. Elle intervient sur les départements des Bouches du Rhône (13), du Var (83), du Vaucluse (84) et les Alpes Maritimes (06).
[2] Cette approche, basée sur l’entraide entre les habitants, favorise le transfert de compétences et de savoir-faire entre l’animateur et la famille, et permet d’améliorer le bien-être au sens large.
[3] Pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne
Portrait de membre : Sandrine Rodot, Compagnons Bâtisseurs Provence
L’USH des Pays de la Loire vient de créer un nouvel outil de coopération pour les opérateurs hlm du territoire : l’association « M.A.S.H. » comme « Mutualisation d’Achat au Service de l’Habitat ».
Quatorze bailleurs sociaux, douze organismes des Pays de la Loire et deux de Bretagne, ont constitué cette centrale d’achat afin de lancer une première vague de rénovation, à énergie zéro garantie, de 2 000 logements. Ces réhabilitations s’effectueront dans le cadre de la démarche EnergieSprong (saut énergétique en néerlandais), initiée aux Pays-Bas en 2012.
La centrale d’achat a comme objectifs d’apporter un gain économique, via les économies d’échelle et l’effet volume, et un gain de temps, par la mutualisation des procédures.
Un appel d’offres commun a été lancé le 12 novembre 2020, au cours d’une webconférence, par les bailleurs sociaux et les partenaires. Ce projet de territoire est soutenu par le Conseil Régional des Pays de la Loire, Nantes Métropole, les Départements de la Sarthe, de Loire-Atlantique et de Maine-et-Loire et par la Banque des Territoires. Il réunit également de nombreux acteurs de la construction et de la transition énergétique.
Lendosphere (intermédiaire spécialisé dans le financement participatif des projets d’énergie renouvelables), le groupe VALOREM (développeur du projet éolien) et sa fondation Watt For Change, ont lancé le 20 octobre 2020 une opération de financement participatif proposant aux prêteurs de céder une partie de leurs intérêts au profit d’une association locale qui lutte contre la précarité énergétique : l’APREMIS. Cette opération concerne le parc éolien d’Hombleux, actuellement en construction, dans la Somme.
Le 30 septembre 2020, en présence de la ministre du Logement Emmanuelle Wargon, le collectif Stop Exclusion énergétique a sélectionné six grands lauréats à ses Trophées qui récompensent les initiatives pour lutter contre la précarité énergétique.
Le projet POWERTY, financé dans le cadre du programme Interreg Europe, vise à développer l’usage des énergies renouvelables au sein des populations vulnérables.
Ce projet, qui regroupe 6 partenaires en Espagne, France (Auvergne-Rhône-Alpes Énergie Environnement – AURA-EE), Bulgarie, Pologne, Lituanie et au Royaume-Uni, a été lancé en août 2019 et prendra fin en 2023, avec un budget de 1 227 226 euros.
La première lettre d’information du projet, qui relate son lancement et les premiers échanges organisés, est disponible sur le site d’Aura-EE.
À l’occasion de son assemblée générale annuelle, l’ANIL a organisé le 16 juin 2020, une table-ronde sous forme de webinaire. Plusieurs acteurs du Logement, publics comme privés, ont témoigné de leurs actions, analyses et perspectives sur la question de la mobilisation des propriétaires bailleurs pour l’amélioration du parc privé.
En ouverture de cette table-ronde, Monsieur Julien Denormandie, ministre en charge de la ville et du logement, a rappelé que la rénovation énergétique des bâtiments est un des objectifs prioritaires fixé par le Président de la République, notamment régler le problème des « passoires thermiques », comme inscrit dans la Loi énergie climat et revendiqué par la convention citoyenne. D’où l’importance d’associer propriétaires bailleurs et copropriétés dans cette dynamique. Le ministre a rappelé les différents dispositifs existants pour les bailleurs en matière de rénovation énergétique : dispositif Denormandie, aides Habiter Mieux de l’ANAH, Maprimerénov’ et a souligné le nécessaire accompagnement des ménages dans cette dynamique.
Après cette introduction, un premier temps d’échanges intitulé «L’action publique pour inciter aux travaux» a débuté avec la présentation détaillée des dispositifs existants pour les bailleurs, via les interventions de représentants de la DHUP, de l’Anah et d’Action Logement notamment, suivie de l’intervention du directeur des études de l’ANIL sur les premiers résultats de l’étude du réseau des ANIL/ADIL portant sur les « freins et motivations des propriétaires bailleurs pour les travaux« .
Un second temps d’échange s’est poursuivi intitulé « Les acteurs : informer et accompagner les bailleurs pour déclencher les travaux » avec les interventions de l’UNPI, Soliha, la FNAIM, la FFB et l’ADIL de l’Indre.
L’UNPI a proposé de travailler sur deux principaux axes : une TVA à 5,5% pour tous types de travaux et le partage des bénéfices des travaux réalisés (gains énergétiques) entre le bailleur et le locataire via un contrat de performance énergétique.
SOLIHA a rappelé la publication du rapport sur le parc locatif privé et la rénovation énergétique réalisé dans le cadre des travaux du plan bâtiment durable qui propose dix mesures pour éradiquer les logements énergivores. L’idée phare est notamment de proposer à la fois des mesures coercitives plus fortes, tout en renforçant les mesures incitatives (aides à la pierre et aides fiscales), selon le profil du bailleur. « Ainsi les propriétaires bailleurs les plus aisés (9e et 10e déciles) qui possèdent 60% du parc seront plus sensibles aux mesures fiscales tandis que les propriétaires bailleurs aux revenus intermédiaires (5e au 8e décile) qui possèdent 30% du parc pourront bénéficier d’un mixte d’aides à la pierre et de politiques fiscales ».
Cette nouvelle formule des Cahiers de l’Anah dédie 44 pages à la rénovation énergétique avec comme fil rouge la lutte contre la précarité énergétique.
Le sujet de la rénovation énergétique y est abordé à travers plusieurs approches : Comment créer les conditions de la confiance chez les ménages qui ont besoin de travaux ? Pourquoi la rénovation énergétique est-elle d’abord un enjeu de lutte contre les inégalités sociales ? Quelles sont les solutions les plus efficaces pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments, des quartiers et des villes ? Comment les acteurs locaux se mobilisent et innovent pour apporter une réponse efficace et adaptée aux enjeux de leur territoire ?
On y lira notamment :
une synthèse et un calendrier des mesures inscrites dans la Loi énergie et climat pour lutter contre les passoires thermiques ;
un dossier spécial sur la lutte contre la précarité énergétique rappelant l’engagement de la Fondation Abbé Pierre sur ces questions aux côtés d’autres association pour un meilleur accompagnement des propriétaires et locataires, l’interview de Yann Thompson qui a réalisé l’enquête sur les « mal chauffés » mise en ligne en février 2020, un focus sur la lutte contre la précarité énergétique en Europe et sur le débat actuel concernant l’intégration de critères chiffrés de performance énergétique pour définir la décence d’un logement.
Interroger et comprendre la rénovation énergétique
Les Organismes de Logements Sociaux (OLS) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, avec un parc social de 560 000 logements, se sont emparés des questions de transition énergétique. Les données saisies par les OLS, dans l’Observatoire de l’amélioration du parc et de la maîtrise des charges[1] de l’AURA-HLM (association des organismes HLM Auvergne-Rhône-Alpes), permettent aujourd’hui d’établir le bilan suivant : ce sont 66 000 logements qui ont été réhabilités depuis 2014, dont 24 000 logements atteignant le niveau BBC. Pour atteindre l’objectif BBC fixé pour 2050 (la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte), 490 000 logements restent à rénover sur les trente prochaines années. Construite en deux parties, cette édition de “Ils l’ont fait” a pour vocation d’être un outil de benchmark, un recueil de témoignages destinés à la fois aux décideurs, acteurs du logement social, aux techniciens opérationnels, à toutes les parties prenantes du territoire qui partagent les mêmes objectifs : la lutte contre la précarité énergétique et le réchauffement climatique.
A travers cette publication, l’AURA-HLM et l’ADEME ont donc l’ambition, dans un premier temps, d’apporter une vision globale sur les enjeux et les orientations stratégiques liés à la réhabilitation énergétique du parc social. Quel est l’impact du secteur résidentiel sur le réchauffement climatique ? Où en est-on dans la mise en œuvre de la transition bas-carbone dans le secteur des bâtiments ? Pourquoi se mobiliser pour éradiquer la précarité énergétique ? Quels sont les acteurs engagés dans cette lutte ?
La deuxième partie de cette édition, pilotée par le réseau de professionnels Ville & Aménagement Durable, et réalisée en collaboration avec l’AGEDEN (Association de Gestion et de Développement des Energies Renouvelables), l’ASDER (Association Savoyarde de Développement des Energies Renouvelables), les ALEC (Agences Locales de l’Energie et du Climat) de l’Ain, de la Métropole de Grenoble, de la Loire et de la Métropole de Lyon, et les bailleurs participant à la démarche, décline une vingtaine de retours d’expérience : présentation d’opérations de rénovation, de nouveaux métiers et de nouvelles compétences, ainsi que des démarches innovantes.
La réhabilitation énergétique du parc social en Auvergne-Rhône-Alpes
ADEME, Mai 2020
[1] Observatoire
créé en 2011 en partenariat avec l’ADEME.
Quelles actions pour accompagner au mieux les ménages en période de confinement et en sortie de confinement ?
En cette période de crise sanitaire, plusieurs membres du RAPPEL ont souhaité envisager des actions communes à mener pour accompagner au mieux les ménages durant le confinement mais également envisager sa sortie, avec une inquiétude partagée concernant la situation des ménages tant en termes de baisse de revenus que d’une augmentation des consommations d’énergie du fait de la présence quotidienne dans le logement.
Un nouveau groupe de travail RAPPEL a ainsi vu le jour, avec pour objectifs de :
Recenser
les retours terrain sur la situation actuelle des ménages, les difficultés
qu’ils rencontrent ;
Recenser
les outils, méthodes mises en place par les structures pour continuer à
accompagner les ménages à distance ;
Réfléchir
à des mesures spécifiques qui pourraient être proposées au gouvernement
concernant les factures d’énergie des ménages.
La méthode de travail est la suivante :
1/ Un fichier partagésoumis aux membres pour recenser leurs retours terrain, leurs outils/méthodes d’accompagnement, leurs idées de mesures à proposer.
2/ Une réunion du groupe de travail pour partager les éléments saisis dans le tableau et construire ensemble des réponses à apporter (voir le compte-rendu de la réunion ci-dessous).
3/ Le recueil de documents produits par les membres concernant l’accompagnement des ménages à distance (documents envoyés par mail aux familles, grille de questions de pré-visite par téléphone, documents détaillant la méthodologie d’accompagnement, etc.). Voir les outils des membres ci-dessous (mise à jour régulière).
4/ La capitalisation de tous les éléments cités plus haut en vue de la production d’un document commun et partagé d’accompagnement à distance des ménages (en cours).
Compte-rendu Réunion du groupe de travail RAPPEL – Crise sanitaire et précarité énergétique
23 avril 2020
Mémo « Garder les familles en dynamique projet »
(Compagnons Bâtisseurs Provence)
Note « Risques domestiques et confinement »
(Compagnons Bâtisseurs Provence)
Questionnaire de visiteMorbihan Solidarité Énergie
(ALOEN / CD Morbihan)
Questionnaire de pré-visite
(ALECOB)
Questionnaire pour préparer la visite après le confinement
Réseau Éco Habitat agit pour l’amélioration thermique de l’habitat, en accompagnant les familles dans toutes les étapes de leur projet de travaux : diagnostic, identification de solutions, recherche de financements, coordination des intervenants…
Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a conduit à intervenir sur
la précarité énergétique ?
J’ai un BTS en électrotechnique, mais
je n’ai jamais travaillé dans le bâtiment puisque je suis devenu assez
rapidement objecteur de conscience au sein de la jeunesse ouvrière chrétienne,
donc plutôt engagé sur des questions d’animation et de jeunesse en milieu
populaire.
Puis je suis entré au Secours Catholique,
et j’y suis resté 15 ans. A 40 ans, en 2013, j’ai eu envie de faire autre chose,
de quitter le secteur caritatif (pas forcément associatif), et d’entreprendre.
En parallèle, avec mon épouse, nous
avions envie de faire construire une maison dite écologique. Suite à une
rencontre décisive avec un architecte spécialisé dans la construction écologique
et l’ossature bois, j’ai découvert et je me suis passionné pour la construction
en éco-matériaux, la question technique et le fait qu’on puisse construire une
maison à très faibles charges de fonctionnement et d’énergie.
En 2014 j’ai pris des contacts et j’ai
rencontré un fournisseur de matériaux biosourcés. Alors que je postulais à une
offre d’emploi chez lui, il m’a déconseillé de le faire en m’expliquant que ma
plus-value n’était peut-être pas de travailler chez lui, justement, mais plutôt
de travailler à élaborer un marché local des matériaux biosourcés, et par
ailleurs de mettre à profit mon expérience passée au Secours Catholique.
J’en suis arrivé à la conclusion
qu’il était tout à fait possible de proposer des matériaux biosourcés, pas forcément
aux gens qui ont de l’argent, mais tout autant à des ménages aux ressources
très modestes.
C’était un peu utopiste comme
approche, car développer un marché de matériaux en théorie plus chers pour des
gens qui n’ont pas d’argent est plutôt contre-intuitif ! Mais d’un autre
côté, il y a, hélas, beaucoup de situations de pauvreté, et cela pouvait donc
constituer un marché complémentaire pour les entreprises du bâtiment (dont un
certain nombre en 2014 mettait la clé sous la porte), puisqu’il y avait des aides
financières pour ces gens aux ressources modestes qui rénovaient leur logement.
Bref, je me suis dit que tout
existait, y compris des réseaux de bénévoles au contact de ces publics pauvres.À
ces bénévoles, on pouvait suggérer, plutôt que de donner 300 euros pour payer
les factures, de permettre aux familles rencontrées d’accéder aux dispositifs
de droit commun tout en leur mettant à disposition le meilleur : installer
chez eux des matériaux biosourcés.
Cette utopie a été le début de l’histoire du réseau éco-habitat (REH) :
chercher à apporter des réponses efficaces et saines pour des gens qui n’ont
pas de moyens.
Au démarrage, je me voyais bien sur
un chariot élévateur, et d’ailleurs j’ai cherché des locaux pour faire du
stockage de matériaux. L’idée c’était de faire venir les artisans dans notre entrepôt
en leur disant : « on vous apporte des clients, en contrepartie de quoi
vous installez chez eux nos matériaux ». Mais ça ne s’est pas du tout passé
comme ça.
D’abord, si ça paraissait simple sur
le papier de dire aux ménages pauvres de déposer un dossier pour obtenir une
aide financière et réaliser des travaux dans un délai raisonnable, on s’est
vite aperçu que c’était en fait très compliqué.
J’ai aussi découvert cette
réalité : les collectivités locales se méfient beaucoup des bénéficiaires
des aides, qui peuvent quelquefois être considérés comme de potentiels
profiteurs du système (même si je caricature un peu). Chacun des financeurs prend
beaucoup de précautions et attend que d’autres apportent des preuves de
confiance.
Quand on a commencé à démarcher des
artisans en leur disant qu’on avait un client chez qui on aimerait bien qu’ils
installent des matériaux biosourcés, ils commençaient à pâlir. Puis, quand on leur
annonçait que ce client n’obtiendrait peut-être pas ses financements tout de
suite, qu’on ne savait pas bien quand les travaux allaient pouvoir démarrer,
qu’ils allaient devoir attendre pour être payé, et qu’en plus ils allaient
peut-être devoir faire quatre ou cinq devis intermédiaires pour adapter le
bouquet de travaux aux financements qu’on allait être en capacité d’aller
chercher, et bien là on a commencé à déchanter. Sur une équation a priori simple
où tout existe pour que ça fonctionne, il y avait une complexité extrême et des
langages, des peurs, des défiances les uns vis-à-vis des autres qui bloquaient
à peu près tout. L’enjeu, c’était donc de créer du lien entre les parties
prenantes (les collectivités et institutions, les bénévoles, les entreprises du
bâtiment et les ménages) pour restaurer la confiance.
En quoi consiste votre mission, et de quoi avez-vous eu besoin pour la
mener à bien ?
Notre métier à REH est de réussir à accompagner
les familles en même temps sur deux champs profondément complémentaires :
d’une part, l’accompagnement social et financier (préconisation de travaux en
fonction de la situation sociale et financière des personnes) ; et d’autre
part, l’accompagnement technique (diagnostic, prescription et suivi des
travaux, avec des matériaux biosourcés et un gain de performance énergétique
qui doit être au minimum de 40%). Notre fonctionnement est entièrement fondé
sur une logique associative et coopérative pour créer des ponts et des liens
d’entraide entre les différentes parties prenantes, indispensables pour mener à
bien un projet de rénovation dans le logement de propriétaires occupants aux
ressources très modestes.
Notre mission ne consiste pas à
faire rentrer des gens dans les cases des dispositifs, mais à prendre en compte
la situation globale d’une famille en difficulté dans plusieurs aspects de sa
vie quotidienne pour lui apporter une solution centrée sur l’habitat. On travaille
donc évidemment les questions de thermique du bâtiment, mais aussi celles de
santé, d’adaptation, d’accès au droit, de lutte contre l’isolement, etc., pour
restaurer la dignité des personnes.
La première chose dont on a eu
besoin, c’est d’inventer un vocable et une méthode pour partager nos
convictions auprès des divers acteurs impliqués :
Embarquer
les bénévoles qui nous prenaient pour des fous quand on leur disait qu’on
allait faire 20 000€ de travaux (et d’ailleurs aujourd’hui plutôt 35 000€ en
moyenne) chez des personnes qui n’avaient pas un sou,
Expliquer
aux entreprises du bâtiment que les ménages pauvres pouvaient être solvables
grâce aux subventions qu’on allait solliciter et obtenir,
Convaincre
les collectivités qui nous disaient qu’elles avaient déjà organisé les choses
avec des opérateurs, des appels d’offre et des opérations programmées,
Tranquilliser
aussi notre banquier, qui avait du mal à comprendre (comme nous d’ailleurs, au
démarrage) qui était le client dans notre histoire…
De fait, on ne fait rien d’autre
qu’assembler les pièces d’un puzzle, pour pouvoir accompagner les familles dans
toutes les étapes de leur projet d’amélioration de leur habitat. C’est
d’ailleurs cette image que j’ai beaucoup utilisé au démarrage, quand on me
disait « voilà encore un nouveau truc » je répondais « non, rien
de nouveau, on ne fait que mobiliser les acteurs et les relier les uns aux
autres pour apporter la bonne réponse aux personnes qui ont, justement, besoin
des uns et des autres ».
Comment les choses ont-elles décollé ?
Au départ j’étais tout seul comme
salarié, mais avec un Conseil d’administration constitué de personnes aux
compétences très variées qui devaient m’accompagner dans l’entreprenariat
autour des matériaux biosourcés. La somme de ces compétences et personnalités
permettait de construire un discours pertinent, avec un vocable adapté à chaque
interlocuteur.
L’ADEME et la Région nous ont soutenus
dès le départ au niveau régional.
Au bout de 6 mois, ma collègue
Marie-Claire Corniquet est arrivée dans l’équipe. On a répondu à des appels à
projets dont on a été lauréats : celui d’Ashoka avec la Fondation
Schneider Electric, puis « La France s’engage ». Cela nous a un peu
ouvert les portes de l’Anah et apporté un peu de reconnaissance, d’écoute, une
attention particulière.
C’est assez paradoxal parce qu’on
était, et on reste, extrêmement petits en termes de chantiers, mais en même
temps on est aujourd’hui entourés et portés par des gens très importants, et
grands. On a eu la confiance d’acteurs nationaux assez rapidement après le
démarrage de notre projet (d’ailleurs presque plus au niveau national que
local) : le Secours Catholique national, la Fondation Abbé Pierre, des
entreprises comme Schneider Electric ou Leroy Merlin, AG2R La Mondiale. Cela nous
a vraiment portés, et me fait penser que notre discours est vrai : il y a
de l’empathie pour les histoires qu’on met en avant, et ces personnes-là ont
aussi envie qu’on réussisse, sans forcément avoir de grandes attentes en termes
quantitatifs. On nous a rapidement reconnu un côté assez malin de savoir adapter
notre discours en fonction de notre interlocuteur.
On a eu dès le départ l’intuition
qu’il fallait démarrer sur un territoire assez vaste pour ne pas être taxés de
particularité locale ou départementale, et qu’il nous fallait des territoires
d’intervention différents. Donc on est partis tout de suite à l’échelle
régionale, la Picardie, en ciblant des propriétaires occupants car c’était là
que les dispositifs financiers existaient, que ce serait plus facile pour
engager les travaux de rénovation énergétique de leur logement et qu’on était,
au démarrage, sur une logique de marché pour les éco-matériaux. Les premières
situations étaient plutôt en milieu rural, et cela s’est confirmé par la suite,
sans que ce soit une volonté spécifique. Simplement, les bénévoles du Secours
Catholique allaient plus souvent au domicile des gens en milieu rural qu’en
zone urbaine.
Quelle est la clé du succès de votre action ?
Entre chaque bénévole du Secours
Catholique et les familles, il y a une histoire affective qui se crée. Notre
action s’appuie en premier lieu sur cette relation.
L’accompagnement va beaucoup plus
loin que le logement. L’expression « tiers de confiance » n’est pas
venue dès le début, mais cette relation de confiance est vraiment au cœur de
l’action. On est partis de l’infiniment petit en montrant la puissance de
l’engagement très local, quelque chose de l’ordre du mouvement des
colibris : si chaque équipe locale du Secours Catholique accompagne une
famille, ce qui reste un objectif très modeste, si chacun apporte sa pierre,
alors au final cela peut représenter 4 500 chantiers.
Une des clés du succès, c’est cet enthousiasme.
Le fait de ne pas se morfondre, de mettre de l’espoir, de la confiance, du rêve
dans la démarche malgré les difficultés très fortes des familles qu’on
rencontre. On a parfois été taxés de personnes un peu naïves, mais ceux qui se
disaient « pourquoi pas ? » venaient avec cet enthousiasme. Cet
ingrédient est indispensable. D’autant qu’on n’a pas envie de décevoir les
familles.
Dès le début, on a commencé à
raconter les histoires des personnes qui avaient été repérées par des
bénévoles, et de leurs conditions de logement : je me souviens de Lucienne, de
Ginette, de Maria, etc.
Le fait d’avoir toujours parlé du
réel, des gens et de leurs situations concrètes, avec des noms, des visages,
des photos, des montants de travaux, a été une bonne approche. Pour les
bénévoles, c’était très concret, donc abordable, et pour les collectivités
locales ou les entreprises ça n’était pas attaquable : ces personnes
existent et leurs difficultés sont réelles, elles n’inventent rien, n’essayent
pas de profiter du système.
Il y a quelque chose de très simple
et pragmatique dans notre approche, et finalement il n’y a rien d’innovant, si
ce n’est une certaine recherche de la simplicité et du bon sens. Le côté
culotté de l’affaire a été de croire qu’on pouvait faire cohabiter des
structures et des gens qui ne vivent pas du tout dans les mêmes
paradigmes : l’administration, les entreprises du bâtiment, les
associations militantes, en leur expliquant que chacun peut avoir un intérêt,
voire du plaisir, à voir les situations qu’on leur présente s’améliorer. Pour
l’administration, c’est la satisfaction de voir que son argent est bien investi
et bien utilisé ; pour l’entreprise, de voir des gens heureux à l’issue de
leur intervention sur un chantier. On peut travailler en se faisant plaisir.
Quelles sont les compétences nécessaires pour mener à bien votre
mission, votre projet ?
Ce qu’on me reconnaît comme
compétence au départ, c’est d’avoir un langage assez diplomate et de savoir
m’adapter à mon interlocuteur. Savoir coordonner, aussi, donner aux uns et aux
autres l’envie de faire.
En dehors de ça, je me définis comme
quelqu’un qui n’est pas un spécialiste mais qui aime repérer et mobiliser chez
les uns et les autres des morceaux de compétences pour construire une solution
globale.
Au fur et à mesure que l’équipe
s’est étoffée, on a beaucoup regardé la question des valeurs : elles
devaient être centrées sur l’attention et le respect des personnes, et pas
seulement sur une réponse technique. Je parle du respect des destinataires
finaux de notre action, mais aussi des différents intervenants, à chaque étape
du parcours (les fonctionnaires de l’Anah, les artisans, etc.), quel que soit
l’écosystème dans lequel ils évoluent.
Avoir le souci de proposer le
meilleur à ceux qui en ont le plus besoin aussi, mettre l’accent sur la qualité
et faire chez les gens comme si c’était pour un membre de notre famille :
niveau d’exigence et de performance des travaux, qualité des matériaux.
On a surtout embauché des gens avec
qui on avait très envie de travailler, on a été les chercher. L’équipe de Réseau
Eco-Habitat (REH), c’est une histoire de rencontres avec des gens qui partagent
les mêmes valeurs humaines et environnementales.
Une autre qualité, plus qu’une
compétence, qui est fondamentale pour travailler avec nous, c’est encore cette
capacité à y croire, à s’engager dans l’enthousiasme.
Aujourd’hui on est 5 (4,8 ETP), et
on aura 3 ou 4 embauches en 2020. On va monter une antenne dans le Nord-Pas de
Calais. On va surtout lancer un programme d’essaimage pour accompagner le
déploiement de porteurs de projets dans plusieurs régions de France, qui
voudraient emprunter la méthode REH : c’est-à-dire un réseau tripartite
entre bénévoles, entreprises, collectivités. AG2R nous accompagne au niveau
national et régional.
Qui sont vos partenaires ?
Il y a plusieurs catégories de
partenaires :
ceux
qui financent les chantiers, évidemment. Par exemple les collectivités qui
portent des OPAH, ou des fondations type Secours Catholique, Fondation Abbé Pierre
ou de nouveaux acteurs comme Bouée d’Espoir ;
ceux
qui gravitent autour de REH et qui soutiennent plutôt le modèle opérationnel en
termes de positionnement, d’essaimage, et qui financent le fonctionnement de
l’association ou le changement d’échelle. Par exemple Schneider Electric, Leroy
Merlin, AG2R LA MONDIALE, Rexel, Malakoff Médéric, Pro BTP, etc ;
les
partenaires centrés sur les travaux, les opérations : les artisans locaux
notamment ;
les
« tiers de confiance », partenariats associatifs très opérationnels
dans l’accompagnement et les financements, qui se réduisent au Secours
Catholique et à la Fondation Abbé Pierre ;
des
partenaires importants pour comprendre les enjeux, faire évoluer les pratiques,
chercher des solutions aux questions qu’on se pose (le financement du
reste-à-charge notamment) : le réseau RAPPEL, l’association Julienne
Javel, la FAPIL, le CLER, des sociologues tels que Gaëtan Brisepierre. Il y a
quelque chose dans ce qu’on porte qui est de l’ordre de l’intérêt général, et
qu’on ne peut pas porter seuls. Les histoires qu’on crée et les solutions qu’on
porte localement doivent pouvoir venir alimenter une réflexion nationale. Je
pense que c’est un devoir que l’on a.
Quels sont les impacts de votre intervention, à votre avis ?
Je dis souvent qu’un ménage sur deux
qui est en âge d’avoir une activité professionnelle et accompagné par REH
retrouve du travail à l’issue des travaux. Je n’ai pas vérifié ce chiffre récemment,
mais je sais qu’il est sans doute à peu près vrai.
Sans savoir exactement comment le
mesurer, je sens par ailleurs qu’on recrée de la confiance entre les
entreprises et les dispositifs publics, entre les différents acteurs.
Une anecdote. J’avais pressenti,
après avoir démarré l’accompagnement de personnes qui avaient des affiches
d’opinion extrême chez eux, que ces gens ne remettraient pas forcément ces affiches
à l’issue des travaux. C’est en effet ce qui s’est passé : quelque chose
sur leur relation avec la puissance publique a bougé, il y a un peu plus de
confiance maintenant. Il y a beaucoup d’éléments de ce type à mettre en avant.
Quelles sont les perspectives, aujourd’hui ?
Jusqu’ici on n’avait pas de modèle
économique, donc il nous a fallu se poser la question : Qui est notre
client ? Qui a le plus intérêt à ce que les pauvres soient moins
pauvres ? La réponse, c’est la puissance publique : l’Anah et les
collectivités territoriales. C’est à eux de financer nos coûts de
fonctionnement et de salariés.
Pendant 4 ans on a dû s’accrocher à
notre bonne idée, se dire qu’on allait finir par réussir, et dépendre d’appels
à projets et de financeurs privés.
Nos efforts ont fini par payer puisque nous avons récemment signé un contrat à impact social (CIS) avec le Secours Catholique et l’Anah. Le principe général du CIS est le suivant : un investisseur privé (en général une banque, mais ici le Secours Catholique) finance un projet social, porté par une structure de l’économie sociale et solidaire, et en assume le risque financier, évitant ainsi la mobilisation de fonds publics. A l’issue du projet, un dispositif d’évaluation indépendant doit permettre d’établir de façon objective et opposable l’atteinte des objectifs du programme et engage, selon la réussite du projet et l’impact social constaté, le remboursement, avec intérêts, de l’investissement par la puissance publique. En cas de non atteinte des objectifs fixés à l’élaboration du contrat à impact social, l’investisseur n’obtient pas de remboursement de la part de l’autorité publique. Dans notre cas, les objectifs sont en lien avec le type de public, le type de travaux, la capacité à essaimer sur les deux autres départements du Nord et du Pas de Calais. C’est le cabinet Deloitte qui est en charge de l’évaluation de l’atteinte des objectifs, selon une série d’indicateurs quantitatifs (qui seront les indicateurs de résultats « liés directement au financement » ( ?) , car plus objectivables, et qualitatifs (tels que le gain de confort, de vie sociale, le retour à l’emploi ou vers une formation qualifiante, etc.). Nous nous engageons en effet à poursuivre l’accompagnement des familles pendant 18 mois après la fin de la réalisation des travaux, et aurons donc beaucoup de matière disponible pour qui voudra s’en saisir (pourquoi pas l’ONPE [1] ?) et analyser les impacts de la sortie de la précarité énergétique sur un temps plus long. En revanche, nous ne réaliserons pas nous-même ce type d’étude d’impact faute de disposer des ressources humaines et méthodologiques nécessaire pour réaliser ce genre de travail.
Le CIS que nous avons signé, c’est
200 chantiers à réaliser sur 5 ans (2019-2023), avec des matériaux biosourcés
et un gain de performance énergétique qui doit être au minimum de 40%.Cela implique de multiplier par 4 le
nombre de chantiers de rénovation engagés par rapport au rythme actuel. Le coût
de l’accompagnement social et technique de REH est forfaitisé. Un des objectifs
du CIS est aussi de démontrer que le coût de notre accompagnement est
compressible en fonction du volume de situations accompagnées. Si on réduit les
délais, il est évident que le coût sera moindre.
Si ce CIS est un succès, cela signifiera très concrètement que l’Anah reconnaît la spécificité de notre public (un tiers en-dessous des plafonds de ressources des « très modestes » de l’Anah, soit le seuil PLAI [2]), l’apport de notre modèle à ce public, le rôle de « tiers de confiance » que le bénévole peut apporter. Cela signifiera aussi que l’Anah accepte l’idée qu’on puisse prescrire aux familles à la fois des travaux et des entreprises – contrairement à un opérateur classique. Dans ce cas, l’Anah remboursera REH sur la base du forfait défini pour chaque accompagnement et REH remboursera le Secours catholique.
Par ailleurs, si la réponse au
besoin exprimé est efficace, alors l’Anah ouvrira ce qu’elle a mis en place
avec REH à d’autres. Nous avons donc aussi un rôle de
« démonstrateur ».
La question du reste à charge pour
les travaux des ménages est prégnante, et c’est pourquoi nous allons mettre en
place une caisse d’avance qui sera financée à part, hors CIS, par des acteurs
privés (Schneider Electric, Phitrust, Lita, etc.). Cette caisse d’avance nous
permettra de payer en direct les entreprises. Nous pourrons donc, avec l’accord
des propriétaires, choisir le bouquet de travaux et les entreprises qui
interviendront chez elles.
Quels sont les manques, les difficultés, les besoins que vous identifiez
au niveau local pour optimiser votre action ?
On voit bien le potentiel de notre
action : le Secours Catholique rencontre chaque année 100 000 ménages
propriétaires occupants. Une infime partie pourra réaliser des travaux avant la
fin de l’année. On est passé de 13 chantiers réalisés en 2018 à 23 chantiers en
2019. On peut se dire qu’on a pratiquement doublé le nombre de ménages
accompagnés, mais la réalité c’est que ce chiffre est ridicule si on le compare
au nombre de situations de pauvreté rencontrées ne serait-ce que par le Secours
Catholique. On pourrait se dire qu’on va sensibiliser des bénévoles des Restos
du cœur, du Secours Populaire, d’ATD Quart Monde, etc. Le potentiel est énorme
mais la frustration aussi, car dans les faits tout est terriblement long, tout
prend un temps fou.
Dès le départ j’ai eu l’intuition
qu’il ne fallait pas qu’il se passe plus de 9 mois entre le repérage d’une
famille et le début de la réalisation des travaux. Au-delà, on perd les
ménages, mais on perd aussi les bénévoles et les entreprises. Aujourd’hui on en
est encore à 18 ou 24 mois, c’est beaucoup trop long !
Et au niveau national, pour lutter plus efficacement contre la PE, que
souhaitez-vous faire remonter ?
Tout existe, toutes les solutions
sont là pour éradiquer les 7 millions de passoires énergétiques. Mais trop de
dispositifs et de personnes fonctionnent en silo, chacun est spécialisé dans sa
réponse et il y a peu de transversalité entre les acteurs.
On n’a pas suffisamment compris que
dans les faits, la précarité énergétique est un sujet à la fois social et
technique. Les intervenants et les dispositifs sont rarement dans ces deux approches
en même temps. Or il me semble que c’est là un enjeu majeur.
Aujourd’hui les réponses proposées
massivement ne sont pas globales, les rénovations ne sont pas globales, donc
pas suffisamment efficaces. De l’argent il y en a, mais il est très saupoudré
et finalement on gaspille l’argent public. Ma conviction c’est que si on
apporte une solution d’envergure aux plus pauvres des plus pauvres, on aura
forcément un retentissement pour les catégories sociales juste au-dessus. La
tendance aujourd’hui est inverse : on a plutôt tendance à dire qu’il faut
saupoudrer, faire un peu, un peu partout, et que c’est efficace. Je ne le crois
pas, car saupoudrer ne conduit qu’à des résultats très partiels qui
décrédibilisent l’action publique et le portage politique qu’il pourrait y
avoir sur le sujet. Il y a une déperdition d’énergie et de confiance folle.
On n’a pas besoin d’offres à 1€,
mais de financement à 90% sur des programmes de travaux très ambitieux, avec un
vrai accompagnement social et technique des personnes, de bout en bout. Il nous
faudrait idéalement un complément de financement mobilisable sur les travaux,
activable par des accompagnateurs locaux sur la base d’un contrat de confiance
entre la puissance locale et ces opérateurs d’accompagnement (des acteurs
associatifs garants de l’intérêt général), et qui pourrait être alimenté par
une nouvelle catégorie de CEE (certificats d’économie d’énergie) dédié aux ménages
extrêmement modestes. Cela pourrait rééquilibrer des situations où il y a des
inégalités hallucinantes de financements disponibles en fonction du territoire,
de la caisse de retraite, etc…
Par ailleurs, l’accompagnement doit
aller jusqu’au bout, et ne pas se limiter au conseil. On confond aujourd’hui
beaucoup conseil et accompagnement. Accompagner c’est être aux côtés de la
personne, jusqu’au bout. La confiance, étymologiquement, c’est avoir la foi
ensemble.
Comment vous imaginez-vous dans 10 ans ?
Je me pose souvent cette question et
je vois plusieurs options.
REH pourrait devenir une sorte
d’organisation parapublique qui ferait de la formation ou de la sensibilisation
d’acteurs très divers, publics ou privés, professionnels ou bénévoles, pour
créer des coalitions locales et créer de la confiance entre les acteurs.
On pourrait aussi rester un
opérateur de terrain centré sur les ménages hors radars, non visibles, qui
s’imaginent que réaliser des travaux chez eux n’est pas possible.
On pourrait, enfin, se spécialiser
sur la transmission d’éléments de méthode. On est déjà en réflexion avec le
Secours Catholique en PACA, en Bourgogne, dans le Maine-et-Loire, autour des
manières de travailler localement avec d’autres partenaires et comment
organiser des coalitions d’acteurs pour apporter des solutions à nos publics.
Nos histoires sont des histoires de
solidarité, de vivre-ensemble. L’exact contraire du chacun pour soi. Si on aide
les gens, et notamment les bénévoles, à regarder les choses de manière très
positive, alors cet enthousiasme devient contagieux.
C’est ma bonne recette à partager !
Interview réalisée le 16/12/2019 pour le RAPPEL.
[1]
Observatoire National de la Précarité Energétique
[2] Prêt
Locatif Aidé d’Intégration : catégorie de logements sociaux réservés aux
personnes en situation de grande précarité.
Le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) de Nouvelle Aquitaine a pour ambition de réhabiliter l’ensemble du parc de logements (3,4 millions dont près de 300 000 logements sociaux) à l’horizon 2050 en donnant la priorité aux « passoires thermiques ». L’objectif en matière de rénovation énergétiques des logements est de 120 000 logements par an entre 2019 et 2025 puis 100 000 par an entre 2025 et 2050.
Combien de logements rénovés ?
21 200 logements rénovés avec au moins deux actions de travaux différentes (et ayant bénéficié d’au moins une aide financière) qui ont généré 706 millions d’euros de travaux d’amélioration énergétique et représentants 5 300 équivalents temps plein pour les entreprises.
Quel accompagnement pour les ménages ?
Plusieurs réseaux d’acteurs sont présents
au niveau régional et accompagnent les ménages dans leur projet (PRIS EIE et ANAH,
PTRE, CAUE, Agence Régionale pour les Travaux d’économie d’énergie (ARTÉÉ),
etc.
Plus de 20
500 contacts enregistrés auprès des Espaces Info-Énergie en 2018, soit une
progression de 8% par rapport à 2017.
Près de 10 000
contacts recensés au sein des PRIS ANAH en 2017
13 800
contacts par an enregistrés pour les PTRE
Qui réalise les travaux ?
La majorité des travaux (64%) est
réalisée par des professionnels du bâtiment disposant de la mention « Reconnu
Garant de l’Environnement » (RGE). Sur le marché de la rénovation, l’étude
relève notamment :
Un repli
du nombre d’entreprises RGE entre 2018 et 2019 (-11,7%),
du fait l’abandon volontaire de cette mention provoqué notamment par la modification
de l’éligibilité de certains travaux au CITE le non-renouvellement du label
après audit de conformité)
Que la mobilisation des professionnels se poursuit
à travers des dispositifs de formation
existants et des actions de structuration de l’offre locale menées par de
nombreux acteurs (organisations professionnelles, Région, PTRE, etc.) et le
déploiement du programme national Facilaréno.
Quel type de travaux réalisés ?
Le coût
moyen des projets de rénovation pour gagner au moins deux classes énergétiques est
de plus de 30 000 € en Nouvelle-Aquitaine. En outre, peu de ménages engagent
des bouquets de travaux en une seule fois alors que les rénovations
performantes nécessitent une approche globale.
Les trois
premiers postes de travaux de rénovation réalisés par les ménages en
auto-rénovation ou bien par un professionnel concernent les ouvertures, les
toitures / combles et le chauffage.
Une
performance énergétique des travauxsouvent
insuffisante : seuls 5% des logements rénovés sautent de deux classes
énergétiques, 21% sautent d’une classe et 74 restent inchangés.
Quel recours aux aides financières ?
Le nombre
de bénéficiaires des principaux dispositifs d’aides financières s’accroît
chaque année depuis trois ans. Le couplage « massification » ET « performance
énergétique » reste toutefois difficile à atteindre malgré l’ensemble des dispositifs
existants.
140 000
ménages ont obtenu un CITE en 2018, soit une hausse de 11% par rapport à
2017
2 015
ménages ont souscrit un Eco-prêt à taux zéro, soit une baisse de 28%.
Plus de 6
000 logements privés ont bénéficié du programme Habiter Mieux de l’ANAH en 2018, soit
une hausse de près de 20% par rapport à 2017. L’offre HM Agilité représente 1 228
logements et 6 856€ de travaux en moyenne et l’offre Sérénité (en recul)
représente 4 791 logements 22 509 €.
1 200
ménages ont bénéficié de l’aide à l’audit énergétique mis en place par le
Conseil régional depuis 2016 (440 € pour l’audit et 270 € pour la phase «
analyse et assistance »).
666
ménages accompagnés en 2018 par l’Agence régionale pour les travaux d’économies
d’énergie (ARTÉÉ), qui propose un accompagnement technique,
administratif et financier à l’ensemble des ménages et vise au moins 40%
d’économies d’énergie. L’Agence propose
également une offre de tiers financement
qui a débouché sur 15 offres de prêt dont 40% pour des ménages modestes ou très
modestes, avec un montant moyen des travaux de 24 000 € et un tiers de
financement moyen de 19 500€.
631 avances
sur trésorerie du dispositif CARTTE (Caisse d’avance pour la rénovation
thermique et la transition énergétique, portée par le réseau PROCIVIS régional)
ont été réalisées depuis sa création en 2016. Avec des demandes en hausse
depuis sa création, la CARTTE propose une avance gratuite des subventions
publiques de l’Anah et des collectivités et cible principalement les
propriétaires les plus modestes. Elle permet de résoudre les difficultés de
trésorerie en versant les aides directement aux artisans ou aux opérateurs des
programmes animés.
Quel rythme de rénovation des logements sociaux ?
Plus de 5 500 logements sociaux ont bénéficié d’une réhabilitation entre 2016 et 2019 dans le cadre d’un éco-prêt logement social (financement d’opérations de réhabilitation des logements sociaux de classes énergétiques E à G voire D sous conditions).
Consulter le tableau de bord du CERC :
La rénovation énergétique des logements, CERC Nouvelle-Aquitaine 2019
Depuis 2002, un Fonds d’Aide aux Travaux de Maîtrise de l’Eau et de l’Energie (FATMEE)[1] est animé sur le département de l’Hérault par l’association GEFOSAT[2]. Caroline Ginestet et Sabine Spinosa-Charbit interviennent sur ce dispositif partenarial.
Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a conduit à intervenir sur la précarité énergétique ?
Quand le département de l’Hérault a embauché des CESF il y a 30 ans,
elles ont été missionnées plus particulièrement sur le logement suite à la loi
Besson (alors que les assistantes sociales sont plus polyvalentes sur les
secteurs, car plus généralistes). Petit à petit, les CESF sont devenues des
personnes ressources pour les équipes intervenant sur des situations
problématiques en matière de logement, que ce soit dans le cadre de la
recherche ou le maintien dans le logement. Et pour ce dernier volet (permettre
à des gens de rester là où ils sont quand ils y sont bien), lorsque le FATMEE a
été proposé sur notre secteur, on s’en est saisi tout de suite ! Dans la mesure
où l’on nous oriente systématiquement des personnes aux factures importantes et
se plaignant du niveau de confort dans leur logement, une grande part du
travail de CESF était déjà constituée de visites à domicile, donc nous sommes
naturellement allées vers ce dispositif.
En ce qui concerne les
assistantes sociales, elles sont de plus en plus confrontées à des ménages aux
factures énormes (avec par exemple une aide du FSL perçue il y a moins d’un an
et une régularisation de facture qui dépasse les montants de l’année
précédente) et de moins en moins d’outils financiers pour aider les gens. C’est
parce qu’elles sont face à ces problématiques et l’impossibilité de soutenir
les personnes qu’elles se saisissent du FATMEE.
Aujourd’hui, en quoi consiste votre mission dans le domaine de la précarité énergétique et dans le cadre du FATMEE ?
La lutte contre la
précarité énergétique est l’une de nos missions auprès du public accueilli et
accompagné, elle s’est précisée avec l’action du FATMEE.
Classiquement, sur les
services sociaux de secteur, nous sommes surtout interpellées pour soutenir les
personnes dans le financement de factures d’énergie ou encore éviter des
coupures…mais soulager l’aspect financier a toujours des limites. Nous sommes également
amenées, notamment pour la CESF sur la mission logement, à visiter des
logements pour évaluer leur état et s’ils relèveraient ou non d’une démarche du
type non-décence, insalubrité ou tout simplement « précarité
énergétique ». Et pour répondre à ce dernier cas, une action a été mise en
place par le GEFOSAT depuis plus de 15 ans avec le département de
l’Hérault : le FATMEE.
Dans un premier temps le
FATMEE avait été développé sur une partie du territoire de l’Hérault et le
département l’a ensuite proposé à plusieurs autres territoires : on en
bénéficie donc depuis un peu plus de 8 ans. Nous intervenons sur un territoire
d’une quarantaine de communes qui englobe du péri-urbain et du rural. Notre
équipe est amenée à intervenir de manière générale sur tous les publics quels
qu’ils soient : nous sommes un service social général (Maison Départementale
des Solidarités). Nous pouvons être amenées à visiter des logements :
comme nos collègues de la Protection Maternelle et Infantile qui rencontrent
des mères avec leur bébé, des sages-femmes auprès de femmes enceintes ou encore
des éducateurs du service. Quand ils sont face à des situations de logements
dégradés ou de problèmes d’inconfort, ils peuvent nous les relayer.
Lorsque l’assistante
sociale se rend à domicile, elle peut repérer les logements humides ou
difficiles à chauffer par les occupants qui souffrent du froid. Lors de
permanences d’accueil elle peut aussi repérer des factures d’énergie
importantes (mensualisations ou relevés de consommation importants pour des
petits logements) ou des personnes qui diront « je chauffe mais j’ai
froid ».
Nous avons donc deux
portes d’entrée pour repérer les logements : soit les visites à domicile
réalisées par les collègues dans le cadre de leurs missions, soit via les
permanences où l’on peut avoir une visibilité sur les factures et les dettes
des familles.
Une fois ces logements repérés, que se passe-t-il ?
Nous réalisons une visite
ensemble pour repérer concrètement dans le logement si il y a une consommation
importante, si le logement est froid, s’il y a de l’humidité voire des
champignons, si les enfants ont des problèmes de santé (comme de l’asthme par
exemple), etc. On va aussi étudier le contexte locatif, les rapports avec le
bailleur et essayer à minima de repérer les problèmes liés au logement.
Parfois, des personnes peuvent exprimer des choses très difficiles mais nous
sommes rassurées lorsque l’on voit le logement, et inversement certaines
personnes expriment le fait d’avoir des factures importantes et en voyant le
logement on peut leur dire que ce n’est pas normal de louer des logements dans
cet état là !
Le contexte du rapport
avec le bailleur est très important. On vérifie toujours depuis quand le bail a
été signé car notre crainte, et celle des familles, c’est que si des démarches
sont menées pour aller solliciter des travaux auprès du bailleur (car cela fini
souvent comme cela), on veut éviter une rupture de la location. Ce qui arrive
malheureusement assez fréquemment quand on a des rapports compliqués avec le
bailleur : il suffit que le locataire essaie de faire valoir certains
droits pour qu’il se retrouve avec une fin de bail pour vente ou pour reprise.
Alors que notre intervention se fait dans un cadre amiable, ça n’est pas
toujours perçu comme cela. De plus, le Département est une institution, donc
les bailleurs peuvent avoir tendance à croire qu’on veut les contrôler, ce qui
n’est pas le cas. Et puis c’est aussi le public qui va nous dire si il est, oui
ou non, partant pour cette action.
C’est donc à ce moment que la famille peut « entrer » dans le dispositif ?
Un des intérêts du FATMEE c’est qu’il y a des comités techniques où l’on va pouvoir exposer les situations et l’évaluation que l’on en fait. Il est composé de membres du GEFOSAT, de travailleurs sociaux qui interviennent auprès des familles, de juristes d’associations de défense des locataires ou d’associations avec des missions sur le logement (par exemple la CLCV[3]) . Si le comité technique pense que le contexte permet une procédure amiable, l’accompagnement avec le GEFOSAT va débuter dans le cadre du FATMEE. L’idée est de faire appel aux compétences techniques du GEFOSAT, qui va venir en complément de notre évaluation sociale.
L’entrée dans le FATMEE est-elle systématique à ce stade ou arrive-t-il que les familles soient orientées vers un autre dispositif ?
Il arrive que le comité oriente les familles vers d’autres démarches. Si l’on voit qu’un travail avec le bailleur n’est pas possible dès le début et qu’on est face à un logement trop dégradé, on partira sur d’autres mesures de type non-décence. Dans ce cas-là, pour les familles qui bénéficient d’une allocation logement et vivent un début de conflit avec leur bailleur (ils lui ont par exemple déjà fait remonter des difficultés liées à leur facture d’énergie ou des problèmes de chauffage ou d’humidité qui sont restées sans réponse), on leur explique qu’elles peuvent faire une demande de visite « décence » auprès de la CAF. Soit cette information leur suffit et elles peuvent entamer la démarche, soit, pour les publics un peu plus en difficulté, on va les aider à passer le relais à la CAF.
Une fois que le comité technique valide l’entrée de la famille dans le FATMEE, quel est votre rôle ?
Après la commission, une visite en binôme est
réalisée systématiquement auprès de la famille avec la technicienne du GEFOSAT
et une travailleuse sociale de notre service. C’est toujours intéressant pour
nous car cela nous sort du contexte classique de la relation d’accompagnement
social avec le public. Même si cet aspect est toujours présent, cela créé un
rapport de travail concret avec les familles qui est vraiment intéressant.
Pendant cette visite, la technicienne du GEFOSAT va poser des questions à
la famille sur son logement et ses habitudes de consommations, regarder les
factures, le type d’abonnement, l’importance de l’énergie dans le budget,
prendre les mesure du logement, vérifier la température de l’eau chaude, si le
cumulus est bien relié aux heures creuses, etc.
En général la plupart des situations dans le
cadre du FATMEE relèvent de problèmes relatifs au bâti. L’aspect habitudes de
consommations est toujours abordé mais la majeure partie des gisements
d’économies d’énergie est liée à des travaux d’isolation.
Et c’est là où la réalisation des travaux est fortement conditionnée au bon vouloir du propriétaire et à la relation bailleur-locataire…
Les locataires représentent les situations les
plus compliquées car quand on s’adresse à eux, on ne sait jamais ce sur quoi on
va pouvoir travailler ensuite et quels vont être les relations avec le
bailleur. Quand on commence à leur parler du dispositif lors des permanences,
ils ont parfois un peu peur « d’embêter » leur propriétaire, et une
fois qu’on effectue la visite et qu’on explique le dispositif, ils réalisent
qu’il n’y a rien d’imposé. Il y a quelques situations où les locataires
comprennent rapidement l’action et ont fait en sorte que le bailleur soit
présent pendant la visite technique. Mais la plupart du temps, on a affaire au locataire
seulement. Quand celui-ci dispose du rapport technique, il va le remettre au
bailleur et on attend que ce dernier nous interpelle. On lui laisse un petit
délai puis on le relance pour savoir s’il a bien reçu le rapport et s’il
compte ou non faire des travaux. On a alors des réponses plus ou moins
favorables. Entre aussi en jeu un travail de médiation, car on peut être face à
des locataires qui ont un ou deux mois de loyer en retard et un bailleur qui
dira alors que le locataire ne respecte pas ses devoirs… Il y a donc tout ce
travail de fond qui est fait après la visite pour essayer
d’avancer.
Quand ça se passe bien avec le propriétaire,
celui-ci va être sensible au fait que le locataire ait fait appel au FATMEE et
que si des petits travaux peuvent être faits, c’est aussi pour améliorer son
logement. Après ils ne sont pas tous compréhensifs… Et quand les dossiers
durent trop longtemps et que l’on n’aboutit à rien, on propose souvent au
locataire d’engager une procédure de non-décence (quand cela est pertinent),
dans laquelle il pourra par ailleurs justifier d’une tentative de règlement à
l’amiable déjà poussée grâce au FATMEE.
Vous travaillez essentiellement avec des locataires ou aussi avec des propriétaires occupants ?
On a souvent une part plus importante de locataires que de propriétaires occupants, mais le FATMEE s’adresse aussi à ces derniers. Dans ce cas c’est plus facile car on a affaire directement à la personne qui peut nous dire si oui ou non elle peut mettre en place des améliorations dans le logement. Le GEFOSAT propose un plan de financement en devisant approximativement les travaux et en indiquant le pourcentage de reste à charge une fois établies toutes les demandes d’aides, car le plan n’intègre pas uniquement la subvention du FATMEE mais aussi d’autres dispositifs financiers (programme Habiter Mieux, Eco chèque de la Région, etc.).
Et quel est le montant de cette subvention du FATMEE ?
Au travers du FSL[4], le Département finance l’intervention du GEFOSAT et une petite subvention de travaux pour inciter à la rénovation : 1 500 € pour les propriétaires bailleurs et 2 600 € pour les propriétaires occupants. Dans le cas des propriétaires bailleurs, on aborde cette subvention mais il n’y a pas de plan de financement établi car il est difficile de mobiliser d’autres aides par ailleurs.
Qui sont vos partenaires et comment travaillez-vous avec eux ?
Il y a ceux du comité technique (évoqués plus haut). La CAF faisait partie du comité au début mais ils n’ont pas pu maintenir leur présence. Pourtant c’était intéressant car nos collègues travailleurs sociaux de la CAF étant présents, ils pouvaient orienter des situations et relayer des cas de non-décence et ainsi aller un peu plus vite dans les démarches. Depuis deux ans nous faisons un comité technique en commun avec deux autres territoires du département où chacun présente ses situations. C’est toujours riche car cela nous permet de voir ce qui se fait ailleurs, comment les situations sont travaillées… Il y a aussi des zones où il y a des OPAH[5] ou des PIG[6] , nous sommes donc amenées à orienter vers un opérateur habitat, comme Urbanis par exemple.
Au départ le FATMEE est une intervention individuelle auprès des familles, mais pour nous le comité technique constitue un véritable lieu-ressource sur la précarité énergétique dans le logement. Car même pour des situations que l’on n’ira pas explorer, nous disposons de retours et de conseils. Bien qu’étant missionné sur le logement, on s’y perd un peu dans ce qui pourrait être important comme informations pour les personnes, donc réunir plusieurs partenaires dans ce comité « pluridisciplinaire » est très précieux.
Dans quelles mesures la situation de votre public s’améliore grâce au FATMEE ?
L’idéal, c’est d’avoir réussi à réduire les
consommations d’énergie ou amélioré le confort thermique, car il y a des
situations où les consommations ne sont pas si énormes mais pour lesquelles on
a des logements très froids avec des personnes qui vivent à 14 ou 15 degrés,
voire moins ! On a par exemple un propriétaire occupant chez qui a été installé
un poêle à granulés et qui a gagné 5 degrés dans sa maison tout en sachant
qu’il y vit continuellement car il a un handicap et ne travaille pas. Nous
sommes souvent face à des personnes qui occupent beaucoup leur logement,
contrairement à des actifs, et vivent donc encore plus difficilement ces
situations-là. C’est la double peine pour eux.
De manière générale, si on réussit à faire faire
quelques petits travaux chez les locataires (souvent pas autant qu’on aurait
voulu), on aura permis d’améliorer un peu la situation. Ces travaux peuvent
porter sur l’isolation de la toiture (de faible surface), le changement de
quelques menuiseries, la mise en place d’une ventilation mécanique contrôlée,
l’installation d’un contacteur sur le cumulus pour qu’il se déclenche aux
heures creuses, etc. Pour les propriétaires occupants, ce sera des travaux plus
importants : changement d’une chaudière, installation d’un poêle à granulés,
isolation de la toiture…
Cette action est aussi très valorisante pour les
personnes car c’est concret. Les personnes se saisissent vraiment de la
présence d’une professionnelle du logement : ils bénéficient de premiers conseils
autour des habitudes consommations. On peut se retrouver sur des situations où
il y a quelques petits soucis liés au logement mais aussi des cas de
températures de chauffe trop importantes par exemple. Avec cette intervention
et le rapport de visite très clair qui explique qu’à 2 degrés près on peut
limiter ses factures d’au moins 150 ou 200€ sur l’année, ça parle, c’est
quelque chose de très précis. Il n’y a pas juste un petit conseil, c’est très
concret et ça créé un autre rapport aux familles sur la thématique du
budget : ils sont acteurs dans cette situation. Lors de la deuxième visite
à domicile est remis à l’occupant le rapport de visite et un petit paquet avec
des ampoules basses consommation, des multiprises, etc. Et c’est impressionnant
comment les gens réagissent juste à ce petit paquet ! Ça n’est pas tant ce
qu’il y a dedans (même si évidemment c’est très utile !) que ce que cela
implique : « je peux faire quelque chose, on m’apporte du
concret ». Cela redonne du pouvoir d’agir aux personnes et sur une
échéance plutôt courte. Avec la bonne technicité du GEFOSAT, on en apprend
beaucoup et les bénéficiaires aussi, il y a un réel échange et ils le
perçoivent comme une vraie aide.
Il y a un bénéfice social également : se
sentir mieux dans son logement c’est déjà se sentir mieux
« soi-même ». Et souvent se pose la question de l’intérêt du maintien
de la personne dans son logement : quand notre public nous sollicite pour des
logements plus adaptés en termes de loyer ou de taille, on les accompagne dans
leurs démarches. Si leur logement est adapté mais que le problème porte
vraiment sur l’énergie ou l’état du bâti, on essaie d’être dans une logique de
maintien. La plupart du temps les personnes nous demandent de rester là où ils
habitent, pas forcément dans le logement, mais dans le secteur. Travailler sur
la précarité énergétique nous permet de ne pas avoir à aller chercher un autre
logement et tenter de maintenir quelqu’un dans un logement qui peut être adapté
et qui ne le coupe pas des relations sociales qu’il a déjà développées.
Quelles sont les compétences et qualités nécessaires pour réaliser votre mission ?
Vis-à-vis des publics concernés, locataires
comme propriétaires occupants, il y aura toujours une partie d’écoute, de
travail social inhérent à notre métier.
Là où c’est nouveau, ou en tout cas ce qui s’est
amplifié, c’est l’aspect médiation avec le propriétaire bailleur : on
avait moins l’habitude d’intervenir sur ce volet, on orientait plutôt vers des
juristes d’associations. Aujourd’hui on est autour de la table avec les deux
parties et on aborde les problèmes, les histoires de confiance des uns vers les
autres, la mauvaise foi aussi (ça arrive !). Cette partie médiation a beaucoup
été développée dans le cadre de notre mission.
Rencontrez-vous des difficultés particulières ? Des manques ? Des besoins pour réaliser au mieux votre mission ?
Avoir une subvention plus importante pour
inciter aux travaux serait bien sûr un plus, après, ça n’est pas uniquement ça
qui fait enclencher les travaux par les bailleurs…même si ça a le mérite
d’exister !
Une des limites, et c’est le propre d’une
procédure amiable, c’est que lorsqu’une des parties (le propriétaire) ne veut
vraiment rien faire, on s’arrête là. Mais ce sera toujours positif car il y aura
quand même une considération de bonne foi pour le locataire qui aura tenté
quelque chose de très concret. Et, s’il le souhaite, on pourra aller au-delà
(démarche de non-décence, d’insalubrité voire juridique) mais cela arrive
rarement et on s’oriente le plus souvent vers un relogement. Il y a peut-être
un travail de fond à faire pour que les locataires soient plus en confiance sur
ces procédures, ce qui demande un accompagnement important alors que nous
avons, et je pense que c’est propre à tous les travailleurs sociaux, toujours
un manque de temps à accorder.
Mais dans sa logique le dispositif est plutôt
complet, c’est vraiment un outil formidable !
Interview réalisé le 18/01/2019 pour le RAPPEL.
[1] Un Fonds (social) d’aide aux travaux est un dispositif local porté par des associations ou des collectivités volontaires et destiné à accompagner les ménages en situation de précarité énergétique. Il se concentre sur la réalisation de diagnostics sociotechniques au domicile, la recherche de solutions adaptées à l’occupant et la participation au financement de travaux. En savoir plus : https://www.precarite-energie.org/IMG/pdf/fiche9-Les_FSATMEV3.pdf
[2] Le GEFOSAT est une association spécialisée sur la maîtrise de l’énergie : www.gefosat.org
[3] Consommation Logement Cadre de vie
[4] Fonds Solidarité Logement : aide financière qui vise à aider les personnes rencontrant des difficultés à accéder au logement ou à s’y maintenir. Le FSL permet par exemple de prendre en charge le dépôt de garantie lors de l’arrivée dans un logement ou le paiement de factures (électricité, gaz, eau, …).
[5] Opération programmée d’amélioration de l’habitat
[6] Programme d’intérêt général
Portrait de membre Caroline Ginestet & Sabine Spinosa-Charbit Assistante sociale et Conseillère en économie sociale et familiale (CESF) au Conseil Départemental de l’Hérault 18/01/2019
Grâce au programme SOS
Taudis, la Fondation Abbé Pierre permet la rénovation de logements indignes,
mais il arrive que les travaux de
finition (enduits, peinture, etc.) ne puissent pas être pris en charge par les habitants.
La Fondation a donc décidé d’organiser des
chantiers solidaires en Bretagne pour effectuer ces travaux.
Découvrez le
témoignage de Sylvie, 55 ans, installée depuis 1985 dans la maison qui l’a vue naître et
dont elle a hérité. Insalubre pendant plusieurs années, son logement a été
réhabilité en 2017 et une dizaine de bénévoles l’ont récemment aidé à finaliser
le chantier. Parmi eux, un compagnon d’Emmaüs, un sans domicile fixe, des jeunes en insertion, des bénévoles de la Fondation….
« C’est
magnifique ! Je me sens enfin bien et je vais pouvoir recevoir du monde…
Les personnes qui sont venues chez moi ont travaillé simplement pour m’aider,
pour rien d’autre et ça, c’est vraiment extraordinaire ! »
La France compte environ 600 000 taudis dans lesquels 900 000 à 1
300 000 personnes vivent dans des conditions très difficiles ou dégradées,
menaçant leur santé et leur sécurité.
Depuis 2007, le programme SOS Taudis porté par la Fondation Abbé propose
l’accompagnement indispensable pour sortir les personnes de l’habitat indigne. Cet
accompagnement, à la fois global et durable (social, technique, juridique et
financier), s’appuie sur deux grands axes :
Soutenir la réalisation de travaux auprès des propriétaires occupants les plus en difficulté dans leur logement, via une subvention complémentaire aux aides financières publiques et des éventuels prêts travaux existants (subventions de l’ANAH, des collectivités locales, des caisses de retraite, etc.). Depuis 2012, SOS Taudis a soutenu la réalisation de travaux au profit de près de 2000 ménages dans 85 départements.
Financer l’accompagnement social et juridique des personnes en s’appuyant sur une cinquantaine d’associations et opérateurs partenaires présents partout sur le territoire : accompagnement de locataires victimes de bailleurs indélicats, personnes en grande précarité sociale… Depuis 2012, ce sont 1700 ménages qui ont été accompagnés.
Quels sont les leviers, dans les territoires, pour créer des cercles vertueux où les questions de solidarité et d’accès à l’énergie des ménages les plus fragiles se lient directement à des projets d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables ? De quelle manière est-il possible de faire interagir, très concrètement, les aspects économiques et sociaux de la transition énergétique ? Les 9èmes rencontres nationales « Énergie et territoires ruraux, vers des territoires à énergie positive » qui se sont tenues en septembre 2019 ont été l’occasion pour le réseau RAPPEL d’organiser un atelier dédié à ces questionnements, et de faire présenter des retours d’expérience qui lient déjà les enjeux de transition énergétique et de justice sociale :
Photovoltaïque et autoconsommation collective : via le fonds de dotation Énergie Solidaire, les surplus injectés gratuitement dans le réseau financent une association locale de solidarité – Christian LONQUEU, Maire de la commune d’Itzac (81)
Compte-rendu complet de l’atelier « Transition énergétique et solidaire » qui s’est déroulé le jeudi 26 septembre 2019 à Clamecy, dans le cadre des 9e rencontres nationales « énergie et territoires ruraux, vers des territoires à énergie positive ».
Que voit-on sur sa facture ? Qu’est-ce qu’un Kilowatt Heure ?Quelles sont les taxes que l’on paye sur l’électricité et le gaz ? A quoi servent-elles ? Un opérateur peut-il changer ses tarifs en cours d’année ? Quel comparateur d’offres utiliser ? Les fournisseurs historiques proposent-ils également des offres de marché ?
Réponses à toutes ces questions et bien d’autres dans la dernière émission des Clés de la Rénovation du CLER-Réseau pour la Transition énergétique. Avec Charli Keriel conseiller Info énergie dans un espace info énergie FAIRE Terres et Val de Lorraine et Caroline Keller du Médiateur de l’énergie.
Le séminaire du programme SLIME s’est tenu les 10 et 11 octobre 2019 à Saint-Mandé, en région parisienne. Organisé par le CLER –Réseau pour la transition énergétique, il réunit chaque année les structures porteuses de SLIME et les opérateurs autour d’ateliers et de conférences.
Cette année, plus de quarante personnes ont participé à ces deux jours, représentant une vingtaine de territoires. Le programme SLIME ayant été reconduit par le Ministère de la transition écologique et solidaire sur la période 2019-2020, le séminaire 2019 était l’occasion de mettre en lumière les nouveautés du programme et de permettre aux acteurs impliqués de partager des retours d’expérience pour lutter contre la précarité énergétique.
L’association SOLIHA Jura accompagne les particuliers et collectivités locales jurassiennes dans leur projet habitat et cadre de vie. Loïc Debray intervient auprès des ménages souhaitant réaliser des travaux dans leur logement.
Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a conduit à intervenir sur la précarité énergétique ?
J’ai une formation initiale en thermique du
bâtiment et me suis tout de suite orienté vers les thématiques de maîtrise de
l’énergie et des énergies renouvelables, j’ai découvert la précarité
énergétique lors de mes stages d’études. D’abord lors d’un premier stage en
2002 au sein de l’ALME (Agence locale de l’énergie de l’agglomération
Mulhousienne) qui réalisait des visites conseils énergie, c’est là que j’ai
découvert que l’on pouvait accompagner les gens de manière individualisée, et
pas par des solutions toutes faites, sur des approches énergétiques et liées au
renouvelable. J’ai ensuite continué dans cette lignée-là dans le cadre de la
licence professionnelle STER à Tarbes sur les énergies renouvelables. Je ne
voulais pas vendre des chaudières ou vendre du nucléaire, ou travailler dans de
grosses boites de vente de matériaux…J’ai fait mon second stage dans le
chauffage au bois à l’ITEBE (Institut technique du bois énergie) à Lons le
Saunier dans le Jura. A l’issue de ces formations, j’ai commencé à travailler
dans plusieurs structures du réseau Soliha et à toucher du doigt la précarité
énergétique.
Tout d’abord à Soliha 02 en Picardie, en tant
que Conseiller Info Energie (CIE) j’assistais aux réunions du FSL (Fonds
solidarité logement) aux côtés des correspondants solidarité d’EDF et GDF. A
cette occasion j’ai découvert ce que c’était qu’être en impayé, en incapacité
d’honorer ses factures, je n’imaginais pas qu’il y avait autant de gens en
précarité énergétique. A cette époque, nous avions mis en place un petit
programme qui avait du sens : il s’agissait d’aller visiter les gens pour
lesquelles les factures posaient vraiment question, les Conseillers info
énergie étaient mandatés par le département pour faire des visites chez ces
ménages. J’ai donc eu l’opportunité dès le départ de m’intéresser à ces
questions, à l’époque certains ménages se chauffaient encore juste avec un poêle
à charbon.
A Soliha Pays Basque, où j’ai travaillé par la
suite, les échanges avec les acteurs sociaux étaient moins prégnants mais, en
parallèle de mon travail de CIE, j’accompagnais mes collègues dans le cadre
d’opérations de réhabilitation du patrimoine locatif social de Soliha, où l’on
retrouvait les mêmes problématiques de
précarité.
C’est vraiment lorsque j’ai été embauché à Soliha Jura en 2009 que j’ai touché du doigt le sujet de la précarité énergétique. J’ai été chargé de poursuivre un programme intitulé ARPEJ « Actions de réduction de la précarité énergétique dans le Jura »en partenariat avec l’association AJENA et financé dans le cadre du PREBAT[1]. Cette recherche-action avait un double objectif : caractériser la précarité énergétique dans le Jura, département rural avec un fort taux de ménages modestes ayant recours au bois ; et proposer des pistes d’actions. Nous nous sommes intéressés aux leviers de la rénovation performante dans le locatif, quels seraient les éléments déclencheurs pour que les propriétaires bailleurs visent des programmes de rénovation plus complets ? Le postulat de départ était le suivant : à cette époque les opérations aidées par l’Anah pour les bailleurs l’étaient en contrepartie d’un conventionnement dit social qui permettait de maîtriser le montant du loyer, mais pas forcément les charges. L’idée était donc d’optimiser les subventions apportées aux bailleurs pour favoriser les rénovations BBC (Bâtiment Basse Consommation[2]), tout en les articulant à un prix de loyer majoré qui assurait un retour sur investissement intéressant pour le bailleur ; une autre piste avait été travaillée sur le montant de la taxe foncière. Si ces propositions n’ont pas été suivies d’effets au niveau national à l’issue de cette étude, au niveau local les délégataires des aides à la pierre (département, communautés d’agglomération) ont proposé d’utiliser les résultats de notre recherche-action pour proposer un prix du loyer au m² qui soit majoré en fonction de la performance énergétique après travaux dans la limite des règles de conventionnement avec l’Anah, Les résultats sont très positifs.
Aujourd’hui, en quoi consiste votre mission dans le domaine de la précarité énergétique ?
Depuis 2009 parallèlement à cette étude, je suis en
charge de la réalisation des audits énergétiques et de l’accompagnement des
propriétaires dans le suivi de leurs travaux de rénovation BBC dans le cadre du
programme régional Effilogis, financé par la Région Bourgogne-Franche-Comté et
l’Ademe. Ces audits apportent une réelle plus-value au travail des opérateurs
puisqu’ils permettent de flécher les recommandations de travaux pour atteindre
le niveau BBC. Le prescripteur de l’audit est le Point rénovation info
service : lorsque les Conseillers info énergie sentent que le projet de
rénovation de la personne est complet et nécessite une étude plus poussée, ils
l’orientent vers un bureau d’étude agréé pour une étude thermique, financée via
un chèque audit. Pour les ménages éligibles aux aides de l’Anah, l’Espace info
énergie propose de choisir Soliha comme interlocuteur unique : je réalise
l’audit, je fais les préconisations de travaux et j’argumente pour convaincre
les gens d’aller vers un niveau de performance énergétique BBC, puis je les
accompagne pour le montage du dossier de demande de subvention et le suivi du
chantier. L’avantage c’est que nous maîtrisons toute la chaîne, ce qui est un
gain en lisibilité considérable pour les ménages accompagnés.
J’ai une autre casquette
en tant qu’opérateur décence pour la CAF. Concrètement j’assiste à la
commission décence coordonnée par l’ADIL avec les autres partenaires que sont
l’Etat, la CAF, la MSA, l’ARS, etc., pour apprécier des situations de
locataires évoquant un mal être dans le logement, de l’humidité et qui
renvoient une grille d’auto-évaluation de la décence à la commission. Sur la
base de cet auto-diagnostic et d’une fiche technique réalisée à partir des
échanges qu’a eu le secrétariat de la commission avec les différentes parties
prenantes (les services sociaux, le locataire, le propriétaire, etc.), la
commission statue et peut proposer une visite-diagnostic sur place réalisée par
Soliha. Le diagnostic est présenté en commission le mois d’après. Les critères
de décence sont ensuite retenus ou classés en inconfort. Il est ensuite
entériné un rapport de décence provisoire puis une médiation est engagée avec
le bailleur avec pour objectif de l’amener à réaliser des travaux. La
possibilité de consigner les allocations logement, dans le cadre de la loi
ALUR, est un nouveau levier très intéressant.
On sait bien que pour les ménages modestes, il y a des difficultés à imaginer que des travaux soient possibles chez eux. Comment vous y prenez-vous pour les rassurer, les convaincre, les aider à passer à l’acte ?
C’est une question de dialogue, il y a des échanges
multiples avec le ménage, c’est la raison pour laquelle j’aime bien maîtriser
toute la chaîne et faire l’audit. J’y vais par étapes successives : lors de
l’audit j’ai déjà un futur montage de dossier en tête, la réunion sur place
permet de lever un certain nombre de doutes en matière de travaux et de
rassurer sur l’intervention sur le bâti, cela permet de débloquer des
éventuelles peurs. Les publics les plus sociaux sont aussi ceux qui sont les moins
enclins à accepter une intervention chez eux : imaginer des artisans qui
s’agitent dans leur maison, qui vont détruire des murs, salir… créé déjà du
stress. Je me déplace plus de fois qu’on me le demande, à travers le dialogue
avec la famille j’essaie de lever les inquiétudes : je n’hésite pas à
engager un dialogue, souvent le blocage vient de la peur vis-à-vis des
artisans, peur de se faire avoir, de se faire juger sur l’incompétence ou l’incapacité
à comprendre les aspects techniques. C’est la raison pour laquelle dès les
premiers entretiens, j’essaie de transmettre une culture de l’énergie aux
familles que j’accompagne afin qu’ils aient un minimum de connaissance en
matière de thermique du bâtiment et qu’ils puissent comprendre leur chantier. Pour
les ménages qui ne connaissent pas d’artisans, je les oriente vers des artisans
de confiance dont je suis certain qu’ils feront preuve de bienveillance vis à
vis des publics sociaux. J’essaie de suivre au maximum le chantier, je rappelle
régulièrement les personnes pour me tenir au courant, sans ça, il arrive
souvent que la personne se ferme, ne réponde plus aux sollicitations des
artisans qui, in fine, ne pourront pas terminer le chantier.
Vous travaillez essentiellement avec des propriétaires occupants ou aussi avec des locataires ou des propriétaires bailleurs ?
J’accompagne essentiellement les locataires
lorsque je prends mon autre casquette de contrôle de la décence pour la CAF.
Le chargé d’opération de Soliha s’adresse à
l’ensemble des propriétaires, que ce soit des propriétaires occupants comme des
propriétaires bailleurs. J’ai logiquement exporté ma connaissance et mon
expertise en matière de BBC pour pousser à l’atteinte de cette performance dans
la rénovation locative, et développer un argumentaire en direction des
bailleurs qui viennent me voir pour monter un dossier.
Aujourd’hui la moitié des logements locatifs qui
sont bénéficiaires d’aides à la rénovation dans le Jura sont BBC. Cela
correspond bien à notre logique de maîtriser les charges en même temps que le
loyer.
Au niveau financier comment cela se passe-t-il pour boucler le plan de financement ? Travaillez-vous avec d’autres partenaires sur ces aspects d’ingénierie financière ?
Oui, avec les publics modestes on est obligés de trouver des solutions pour financer le programme. Pour ces publics on essaie de basculer sur une mécanique de préfinancement pour payer les artisans à la place du ménage, on se charge de payer les artisans pour lui, on lui fait valider le plan de financement sur la base des demandes de subventions déposées et s’il y a un reste à charge, soit il est finançable car il reste faible et la personne peut l’amener en fonds propre, soit la personne est en incapacité d’assumer ce reste à charge. Dans ce cas on l’accompagne dans ses relations avec sa banque, ou on monte un dossier avec nos collègues de Sacicap-Procivis[3] avec qui on travaille étroitement. Depuis 4 ans, Soliha gère aussi un prêt départemental dédié au financement d’opérations de réhabilitation, de la même manière qu’un organisme bancaire classique, mais avec un taux minimaliste. Enfin, nous nous appuyons régulièrement sur le programme SOS TAUDIS de la fondation Abbé Pierre qui est un réel plus puisqu’il permet de financer le reste à charge sans limite par ménage.
Concernant les banques, on se positionne comme
facilitateurs dans la relation entre le banquier et la famille : on
élabore le plan de financement, et on répond aux questions du banquier s’il a
besoin d’éléments pour finaliser son dossier ou qu’il a du mal à extraire tel
ou tel coût de travaux éligible à un éco-prêt ou autre. Porter à connaissance
de la banque que le projet est suivi par Soliha donne tout de suite de la
caution et favorise l’obtention du prêt. Il est indispensable de convaincre que
le projet est mûri, accompagné, et que ce n’est pas juste l’idée farfelue d’une
famille qui demande un prêt parce qu’elle a vu que tout le monde changeait sa
chaudière et qu’il fallait faire de même !
Qui sont vos partenaires et comment travaillez-vous avec eux ?
Associer les travailleurs sociaux dans notre
travail devrait être systématique. Quand la personne est déjà suivie, on
informe le travailleur social de l’accompagnement que l’on réalise mais dans le
cas contraire on ne renvoie pas naturellement vers un suivi social, ce qui peut
poser problème car c’est alors nous
qui réalisons l’analyse du budget, or nous avons
peu de temps pour faire cela.
On se rend également compte que l’on est
finalement peu nombreux sur le sujet de la précarité énergétique : ce sont
toujours les mêmes travailleurs sociaux qui nous signalent des situations.
Et avec les artisans ?
Nous réfléchissons à la structuration d’un
groupement d’artisans à qui nous pourrions faire appel dans le cadre de
programmes de rénovations globales, ce qui permettrait de maîtriser la qualité
des travaux mais aussi le coût. En effet, le programme Effilogis de la Région
Bourgogne Franche-Comté ne nous impose pas de faire une consultation ouverte
des artisans, comme c’est le cas pour les programmes de l’Anah. Je peux donc
conseiller les ménages sur les artisans à mobiliser pour chaque typologie de
travaux. Cela nécessiterait une coordination de ce groupement d’artisans et
aussi d’évaluer la capacité de l’artisan à absorber les chantiers qui lui sont
proposés.
Si nous ne coordonnons pas des chantiers
d’auto-réhabilitation accompagnée à proprement parlé, nous sommes engagés dans
des AMO dans lesquelles une partie des travaux, les moins techniques, peuvent
être réalisés par les familles (isolation des combles, doublage de murs), et
c’est nous qui devons valider les travaux auto-réalisés par le ménage.
Vous travaillez aussi en amont avec les collectivités dans la définition des programmes…
Oui, aujourd’hui on travaille avec des
collectivités délégataires qui ont en général un programme d’actions calé sur
le cadre national mais aussi sur le Plan départemental de l’habitat, validé en
matière de développement du logement, d’accompagnement des ménages et autre,
avec une vision très sociale et très urbanistique. Lors de la mise en place de
ces règles, les collectivités ne savent pas toujours jusqu’où elles peuvent
aller : les plus frileuses vont juste s’en tenir à la réglementation
nationale, mais les plus ambitieuses vont jouer sur les lignes pour développer
des programmes plus intéressants, en restant en cohérence avec les règles
nationales de l’Anah. Elles peuvent par exemple déplafonner certains travaux
éligibles à 25 000 € (au lieu de 20 000 €) ou faire varier les taux de
subventions : le taux de 50% pour les ménages très modestes et 35% pour les ménages
modestes est un taux fixé à titre indicatif, rien n’empêche la collectivité de
faire varier ce taux. C’est ce qui a été décidé dans le Jura où l’aide apportée
est plafonnée à 60% de 25 000 € dans le cadre de rénovations BBC, ce qui
représente une aide complémentaire de 5 000 € pour les ménages. On vérifie
juste que cela passe au niveau de l’enveloppe budgétaire globale et des
objectifs annuels à atteindre. Cela donne de la plus-value à notre métier
d’aller vers de la qualité au niveau des performances énergétiques et d’amener
les collectivités à s’engager dans des décisions qui sont dans l’ère du temps.
Rencontrez-vous des difficultés particulières ? Des manques ? Des besoins pour réaliser au mieux votre mission ?
Notre mission est ambitieuse, il y a donc forcément des
difficultés !
La première concerne les différences de réglementations entre
délégataires d’un même territoire : à l’échelle d’un département, il peut
y avoir plusieurs délégataires des aides à la pierre qui appliquent la
réglementation de manière différente : certains vont être convaincus que
l’atteinte d’un niveau BBC permet une sortie durable de la précarité
énergétique quand d’autres vont s’en tenir à l’atteinte d’objectifs chiffrés de
dossiers réalisés définis au niveau national…
La seconde difficulté est celle du travail avec les artisans qui
remettent en cause nos prescriptions de travaux auprès des ménages, décrédibilisant
l’approche sociale du projet. La proposition d’un groupement d’artisans
pourrait résoudre ce problème.
Enfin, le modèle économique des structures du réseau Soliha est très
fragile depuis quelques années, surtout pour les structures associatives, du
fait de la concurrence avec les bureaux d’études privés. Avant nos financements
reposaient sur les marchés d’OPAH dont les conventions s’étalaient sur 3 ans mais
ces opérations tendent à se raréfier. L’évolution future des réglementations
renforce cette fragilité économique : aujourd’hui, un ménage peut monter
tout seul un dossier Habiter Mieux Agilité, l’an prochain il va surtout le
monter tout seul…sans être accompagné par un opérateur, cela représente une
perte énorme pour les structures.
Je forme mes collègues des autres départements (58, 71, 89, 70) de
Bourgogne Franche-Comté pour qu’ils puissent utiliser leurs compétences au
maximum. Je suis convaincu que l’avenir de Soliha est là : quand tout sera
dématérialisé nous n’aurons peut-être plus de dossiers à traiter, les seuls
dossiers où on aura encore besoin de nous seront les dossiers complexes à
vocation énergétique et sociale.
Il y a donc nécessité de renouveler le modèle économique, ne plus penser
en nombre de dossiers mais en qualité des dossiers. Cela rapportera davantage
de rémunération par dossiers, génèrera moins de masse à traiter et correspondra
également aux compétences des salariés qui sont embauchés aujourd’hui :
dans les années 80 vous deveniez chargé d’opération avec le Bac en se formant
au fil de l’eau, aujourd’hui il faut un DUT génie civile, génie thermique à
minima.
Ma présidente d’association est la présidente de la Fédération Soliha
France, Hélène Pélissard, qui vient d’être nommée. Je vais continuer à exporter
grâce à cette place les valeurs actuelles de Soliha Jura, de diffuser nos
bonnes pratiques et nos valeurs : accompagner sur des projets BBC les bailleurs
et les propriétaires occupants aux revenus modestes et lutter contre la précarité
énergétique.
Plus globalement, que pensez-vous de la manière dont est traité le phénomène de précarité énergétique sur votre territoire ?
Aujourd’hui dans le Jura,
la politique d’aide à la pierre, qui est géré majoritairement par le CD du
Jura, fonctionne très bien puisqu’elle permet de financer massivement des
projets de rénovation BBC et de traiter la précarité énergétique. Elle est en
lien avec les politiques sociales également ce qui accentue la corrélation avec
nos services, et ceux qu’attendent les habitants de notre département.
Pour aller plus loin, il
faudrait trouver des leviers pour imposer des obligations de rénovations à des
bailleurs farouchement
opposés au BBC, qui ne vont pas demander de subventions à l’Anah et qui peuvent
encore à loisir louer des passoires thermiques à des locataires pauvres, pas
très virulents, peu enclins à entrer dans des procédures administratives comme
le dispositif décence.
Pour aller plus loin, notre
travail de terrain permet d’accompagner des ménages dans la concrétisation de
projets ce que ne permettent pas des dispositifs de type SLIME.
C’est souvent ce qui se
passe avec nos collègues de l’AJENA qui sont opérateurs pour l’ASME (ex SLIME) : ils identifient des situations
de précarité énergétique mais n’ont aucun pouvoir pour améliorer ces
situations. Les rapports établis ne sont jamais suivis d’effets par les
propriétaires, même quand ils identifient des points de non-décence. Nous
devons souvent doubler les interventions pour qu’elles aient un sens juridique
et permettent de caractériser au sens de la loi les problèmes.
[1] Programme national de recherche et d’expérimentation sur l’énergie dans les bâtiments [2] Le Bâtiment Basse Consommation énergétique (ou BBC) est un label attribué aux bâtiments qui ont une basse consommation d’énergie pour le chauffage, la climatisation, l’éclairage, l’eau chaude sanitaire (ECS) et la ventilation. [3] Les Sociétés Anonymes Coopératives d’Intérêt Collectif pour l’Accession à la Propriété (SACICAP) ont pour mission d’aider les accédants à la propriété et les propriétaires occupants modestes.
Les dernières années n’ont pas été faciles pour Mme T. et ses deux
enfants, âgés de 7 et 10 ans. Aujourd’hui, installée à Grivillers, dans
la Somme, elle commence à voir le bout du tunnel et les travaux de
rénovation de sa maison seront bientôt achevés, après un mois plein de
chantier.
« Toute l’isolation est à refaire, dont une partie
pour la toiture ; l’électricité n’est pas aux normes, une grande partie
du plancher de l’étage est vermoulu… Nous nous étions installés en 2011
avec mon mari en sachant bien qu’il y aurait des travaux à faire, mais
on ne pensait pas que c’était à ce point. Nous étions dans un cercle
vicieux, on n’arrêtait pas de chauffer pour rien et on dépensait
toujours plus. La seule chose qu’on avait pu prendre en charge
rapidement, c’est le changement des fenêtres et le poêle à granulés,
mais ce n’était pas suffisant. »
Des hivers très froids dans une maison glacée ; des moisissures sur les
murs de la salle de bains ; une seule petite chambre non isolée… Les
travaux vont permettre un gain énergétique de 51 % pour cette famille
monoparentale dont les seuls revenus sont les minima sociaux.
Aujourd’hui séparée de son mari, Mme T. a pu être conseillée et
accompagnée par le réseau Eco Habitat qui a monté le dossier de
financement et contacté tous les artisans avec la propriétaire. « Je
suis en pleine confiance avec eux, ce sont des professionnels et je
sais qu’ils savent comment faire. En plus, ils vont suivre le chantier
et ils seront en capacité d’intervenir si besoin, moi, je n’oserais pas…
Vraiment, je me sens soulagée après des années de galère ! J’avais eu
près de 20 devis avant et il n’y avait aucune cohérence entre eux…
j’étais perdue et je voyais que ça n’avançait pas. C’est l’opératrice de
l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat qui m’a mise en
contact avec l’association. »`
Les travaux d’urgence ont tous été planifiés et chaque membre de la
famille disposera début juin d’une chambre. « Il était temps. Les
enfants ont grandi et ont besoin d’intimité. Nous avons passé toutes ces
années à dormir dans la même pièce pour ne pas avoir froid. Nous allons
passer l’été à embellir l’espace de chacun. J’ai vu leur sourire sur
leur visage quand ils ont su que les travaux allaient commencer en mai…
c’est formidable. Aujourd’hui, je veux témoigner, car c’est important de
montrer que des solutions existent. »
En grande partie financé par les subventions publiques (anah, conseil
régional, département…), cette rénovation bénéficie également du
soutien de la Fondation, dans le cadre de son programme « SOS Taudis »,
qui a financé le reste-à-charge des travaux que la propriétaire ne
pouvait assumer.
En grande partie financé par les subventions publiques (anah, conseil régional, département…), cette rénovation bénéficie également du soutien de la Fondation, dans le cadre de son programme « SOS Taudis », qui a financé le reste-à-charge des travaux que la propriétaire ne pouvait assumer.
Cet article est la retranscription intégrale d’un témoignage recueilli par la Fondation Abbé Pierre et publié sur sont site Internet
Watt for Change, le fonds de dotation du groupe VALOREM, a lancé un appel à des associations et autres acteurs du monde social pour soutenir des actions de lutte contre la précarité énergétique en France.
Via cet appel à projets, le fonds de dotation de VALOREM entend jouer un rôle de levier en complément d’autres aides ou dispositifs existants, dans l’espoir de permettre aux associations, ONG et autres coopératives indépendantes de tester de nouvelles solutions puis de les massifier.
Le fonds de dotation a choisi de soutenir 10 projets portés par 10 associations différentes, réparties dans plusieurs régions françaises. Généralement membres du réseau RAPPEL, elles ont en commun cette double compétence sociale et écologique nécessaire pour aider efficacement les ménages en précarité énergétique.
Entreprise d’insertion implantée à Pantin (93) depuis janvier 2016, LogisCité accompagne les ménages franciliens en précarité énergétique en leur apportant des solutions concrètes, permettant de réaliser des économies d’énergie et d’eau. Ces solutions sont apportées par des médiateurs et médiatrices en économies d’énergies, formé.es, encadré.es et accompagné.es par LogisCité dans le cadre de leur contrat d’insertion professionnelle garantissant une intervention de qualité auprès des ménages, et favorisant leur intégration sur le marché du travail.
Dans son rapport d’activité 2018, l’entreprise dresse un bilan positif de son action : 225 ménages visités dans le cadre de six projets (CCAS de Bagneux, Paris Habitat, SLIME à Montfermeil, Eco’RCE à Pantin, Paris 9 et Est-Ensemble Alec-MVE), et une moyenne de 125 €/an d’économies réalisées par ménage suite aux visites. Des actions de sensibilisation individuelle à l’usage de l’eau ont elles permis de sensibiliser 399 personnes sur huit communes. L’entreprise propose également des formations en direction des « donneurs d’alerte » et des chargés de visite, avec 45 stagiaires formés depuis 2015.
Consulter le Rapport d’activité 2018 de Croix-Rouge insertion – LogisCité :
Le Conseil municipal de Grande-Synthe (Nord) a alloué le 27 mars 2019 à l’unanimité 1,2 million d’euros à la mise en place d’un « minimum social garanti » financé par les économies d’énergie. Maire depuis 2001, Damien Carême resitue cette décision dans l’histoire d’une ville en transition.
Comment est né ce minimum social garanti ? Quel est votre objectif ?
« Cette aide locale existait déjà dans ma commune avant l’instauration du Revenu minimum d’insertion (RMI) en 1992. Mon père, alors maire de la commune, l’avait créé en 1981 comme d’autres villes de France. Besançon, par exemple. Déjà confronté à une grande pauvreté, il avait décidé de verser cette allocation afin de remplacer un système de « bons d’achat » jaunes qui posaient un problème de dignité de la personne humaine, car les bénéficiaires devaient les présenter lorsqu’ils faisaient leurs courses. Aujourd’hui encore, à Grande-Synthe, sur un territoire hyper industrialisé et en déclin, 33 % des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté et 28 % sont au chômage. C’est devenu insupportable pour moi d’être le témoin quotidien de ce phénomène… Nous avons donc décidé de remettre en place le dispositif existant avant 1992. C’est le Centre communal d’action sociale qui versera l’aide aux foyers bénéficiaires à partir du mois de mai 2019, et en fonction de leurs revenus – en tout 3700 personnes sont concernées – afin de leur permettre d’atteindre le seuil de pauvreté, c’est à dire 1026 euros par mois. Grande-Synthe s’engage dans cette perspective pour donner à chaque habitant de la ville, qui en aurait besoin, ponctuellement ou plus durablement, les moyens de s’émanciper et ne plus subir la fatalité et la pauvreté. »
Cette aide est financée par les économies d’énergie en 2019. Quelles actions ont permis de constituer un tel budget ?
« Nous sommes passés de 7000 à 4200 points lumineux dans la ville. Les ampoules LED ont été installées, et sont programmées pour diminuer d’intensité au cours de la nuit. Le coût du contrat de maintenance a également diminué. En tout, ces efforts ont permis de réaliser 600 000 euros d’économies d’énergie que nous affectons au minimum social garanti en 2019. L’année prochaine en 2020, nous allons réaliser à nouveau des économies d’énergie, à hauteur de 476 000 euros, grâce au raccordement de nos équipements au réseau de chaleur urbain qui récupérera l’énergie fatale des hauts-fourneaux d’ArcelorMittal. Chaque année, nous chercherons les moyens de poursuivre notre action et d’assumer ce choix politique, comme nous le faisons depuis longtemps. La transition énergétique est une source d’économies depuis longtemps déjà ! Au cours de mes mandats, nous avons rénové ou reconstruit de nombreux bâtiments, les uns après les autres. Nous avons remplacé les vieux pré-fabriqués par des constructions efficaces, voir à énergie positive. La piscine a été réaménagée et 50 % d’économies d’énergie ont alors été réalisées, notamment grâce à la rénovation de son système de chauffage. Des panneaux photovoltaïques ont été installés sur le toit du stade, et le remplacement de son éclairage par des LED nous fait économiser 15 000 euros par an ! On voit bien que les économies sont possibles partout. »
Selon vous, concilier la transition écologique avec la justice sociale est donc possible
« C’est la seule voie possible ! La question sociale est irrémédiablement liée à la question écologique. Nous menons de nombreuses actions pour concilier le social et l’écologie, et viser une répartition équilibrée des richesses. Les enfants mangent de la nourriture bio dans les cantines, et les tarifs des repas sont calculés en fonction des revenus des familles. Nous menons des ateliers pour apprendre à produire chez soi des produits ménagers sains, afin de lutter contre les perturbateurs endocriniens mais aussi de préserver le pouvoir d’achat des ménages. Nous avons mis en place des jardins partagés sans produit toxique, où l’occasion est belle d’apprendre ou de réapprendre à faire la cuisine à l’aide de légumes de saison.
« Nous voulons donner à chaque habitant de la ville, qui en aurait besoin, ponctuellement ou plus durablement, les moyens de s’émanciper et ne plus subir la fatalité et la pauvreté. »
La mobilité est également un excellent exemple : grâce à une prime
vélo qui bénéficie à 1000 foyers, nous proposons aux habitants de
laisser leur voiture au garage. Les enfants retournent à l’école à vélo
(hausse de 30 %), et aujourd’hui les transports publics de
l’agglomération sont gratuits. 67 000 voyageurs utilisent les bus par
jour, et cela continue d’augmenter… Si les gens prennent le bus, ou leur
vélo, ils peuvent éviter l’achat d’une deuxième voiture, et réduire
leur budget consacré aux déplacements de façon conséquente.
Je me sers de l’écologie pour aider les gens : si l’on agit sur la mobilité active, ils sont moins malades. On rend de la santé aux habitants, mais aussi du pouvoir de vivre, du pouvoir d’achat. J’ai la chance de pouvoir mettre en oeuvre ces solutions, que d’autres portent aussi ailleurs. La cohérence globale de notre action qui est systémique, est comprise par les habitants, cela fonctionne. Ils sont 800 foyers à participer aux ateliers pour apprendre à faire soi-même des produits d’entretien. Quand ils échangent des outils dans notre « outilthèque », ils posent les bases d’une société portée sur la coopération, et ils deviennent acteurs du changement. »
Vos initiatives sont-elles reproductibles dans d’autres communes, sur d’autres territoires ?
« Il faut un peu d’ingénierie mais si la commune n’en dispose pas localement, on peut aussi mutualiser ces connaissances au sein d’une communauté de communes (CC). Par exemple, notre CC est entrain de créer une société (SCIC) pour rassembler tous les acteurs du territoire autour de la production d’énergie renouvelable, à l’aide d’un cadastre solaire pour l’agglomération, et dans le cadre du plan Climat-air-énergie. Cela peut paraître monstrueux d’entreprendre ces démarches pour une personne seule, mais à plusieurs, les solutions existent. »
Docteure en sociologie, Elvire Bornand travaille depuis de nombreuses années sur le sujet du passage à l’action des ménages en précarité énergétique.
Dans quel contexte s’inscrivent vos travaux sur
le passage à l’action des ménages vulnérables ? Qu’est-ce qui vous a amenée à
appréhender ces questions ?
Dès ma thèse de
sociologie sur la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, je me suis
intéressée aux questions de non-recours. Au regard de l’intensité sociale des
sujets sur lesquels je travaille, l’enjeu pour moi a toujours été de travailler
au plus près du terrain et de m’inscrire dans des projets de recherche-action
plutôt que sur de la recherche fondamentale, afin que mes travaux soient
appropriés par les acteurs publics et puissent se traduire en actions
concrètes.
En 2012, j’ai réalisé une étude avec les villes de
Nantes et d’Angers sur le non-recours aux droits sociaux. Il s’agissait de
questionner les offres publiques existantes pour les plus fragiles, et les
raisons pour lesquelles ces offres sont peu sollicitées par les bénéficiaires
potentiels. Je me suis particulièrement intéressée au décalage qu’il peut y
avoir entre la représentation des acteurs publics des besoins des personnes
vulnérables (et les réponses à apporter) et les besoins réels exprimés par ces
personnes.
Un des exemples les
plus connus sur la question est celui de l’emploi : on a longtemps pensé
que le besoin prioritaire à satisfaire pour un chômeur était de retrouver du
travail, et qu’il suffisait donc de faire correspondre offre et demande, alors
qu’en creusant la question, on s’est aperçu qu’il importait en amont de régler
toute une série de problèmes « annexes » permettant à la personne
d’être vraiment disposée à s’engager sur le marché du travail : des
questions de mobilité, de garde d’enfants, de confiance en soi, de stabilité
dans le parcours de vie, parfois même des questions de santé.
En reprenant cette
approche, je me suis aperçue que sur Nantes où l’offre de services publics est
importante, la question des factures d’énergie n’était pas du tout traitée à
l’époque. Si la politique publique, pour définir l’accès à un droit,
appréhendait les ménages en fonction de leurs ressources, elle ne tenait pas du
tout compte des dépenses, du reste à vivre ; et donc des personnes
pouvaient être considérées avec des ressources suffisantes alors que vivant
dans un logement énergivore, leurs factures d’énergie importantes les faisaient
basculer dans une spirale de la fragilité,
un incident de paiement de facture d’énergie entrainant par la suite des
impayés de loyer. J’ai voulu m’intéresser à ces problèmes d’impayés et j’ai
découvert qu’il y avait comme un trésor caché qui dormait dans les boîtes mails
des communes : les fichiers de signalement d’impayés d’énergie transmis
par les fournisseurs aux CCAS et qui n’étaient pas du tout traités !
Avec la ville de
Nantes, nous avons donc commencé à traiter ces fichiers pour prendre la mesure
du phénomène, analyser le montant et la récurrence des dettes, nous avons réuni
des partenaires de terrain, réalisé des entretiens avec les personnes
concernées, et cela a permis de montrer qu’il ne s’agissait pas d’une nouvelle
précarité économique, que les ménages avaient des profils très variés et que
certains d’entre eux étaient parfaitement inconnus des CCAS. Sur le papier, il
s’agissait de personnes qui gagnaient leur vie mais parce qu’ils vivaient dans
un logement mal isolé, avec un chauffage vieillissant ou parce que s’y
ajoutaient des frais de voiture, ils se retrouvaient appauvris par leurs
dépenses en énergie.
Concrètement, nous
en avons conclu qu’il s’agissait d’un problème qu’il fallait traiter de manière
transversale, en créant une synergie entre des compétences sociales et des
compétences liées à l’environnement et au logement, des acteurs n’ayant pas le
même langage. L’enjeu était de développer à la fois des actions de long terme
sur la rénovation de l’habitat et des actions de court terme visant à sortir
les personnes de leur situation d’impayés et d’appauvrissement.
En 2016-2017, j’ai eu la chance d’animer un groupe
de citoyens dans le cadre du débat sur la transition énergétique de la
métropole nantaise. Il s’agissait de personnes en précarité énergétique avec
lesquelles nous avons échangé sur la manière dont les différents acteurs
s’adressent aux ménages et les actions les plus pertinentes à mettre en place.
Que vous ont appris ces ménages ?
Tout d’abord
ils ne voulaient pas de ce mot « précarité énergétique » !
Ensuite, ce qui est apparue de manière très forte c’est le fait qu’ils ne se
reconnaissaient pas dans la première réponse qui leur été apportée à savoir des
conseils sur les éco-gestes. Cela passe très mal auprès des personnes avec
lesquelles j’ai été en contact qui me disaient: « ça
je le fais déjà, ça fait pas diminuer ma facture de chauffage et c’est pas moi
qui vais refaire l’isolation de mon immeuble. » Le sentiment
d’injustice ressentie est très fort, c’est comme si l’on faisait de ces
questions de précarité énergétique un problème individuel, ce qui génère une
défiance de la part des ménages dès le départ. Leur souhait est d’être entendu,
compris dans leurs besoins et leurs difficultés. Ils ont le sentiment que le
bailleur lui est écouté lorsqu’il dit qu’il ne peut pas rénover son parc d’un
seul coup, que cela a un coût économique important, idem pour le fournisseur
lorsqu’il met en avant qu’il n’est pas un service social mais un service
marchand et qu’il faut payer le service consommé mais qui entend les ménages,
leurs contraintes à eux ? C’est sur ce point que nous avons travaillé avec
le groupe que j’ai accompagné et qui a souligné le fait que les parcours
résidentiels ne sont pas libres. Et cela a été une première demande de
formation : apprendre à reconnaître un logement énergivore pour savoir
dans quoi on s’engage lorsqu’on choisit un logement parce qu’une fois installé
même si les factures sont trop importantes on aura du mal à en partir, la
seconde demande c’était de comprendre les offres des différents fournisseurs,
comment bien choisir, comment lire un contrat, négocier un tarif et si des
difficultés de paiement se présentent qui contacter, comment demander un
étalement, négocier une régularisation…en fait les personnes demandaient à être
outillés sur leur capacité à agir.
Dès lors, comment repenser les dispositifs pour assurer leur bonne
réception par le public ?
La
question de la temporalité de la solution apportée
me semble centrale, ainsi que les moyens qu’on se donne pour mailler le
parcours d’accompagnement d’avancées positives.
A la ville de Nantes, nous avons mené une
expérimentation en partenariat avec les fournisseurs, basée sur le principe
d’encourager dans la durée les personnes à poursuivre leur effort de règlement
des factures. Concrètement, la collectivité payait une partie de la facture,
rendant le paiement plus soutenable pour le ménage, et si celui-ci continuait à
fournir un effort de régularisation de sa dette tous les mois, la collectivité
continuait à l’encourager en reprenant à sa charge une partie de la facture.
Cette démarche ne repose pas sur la culpabilité individuelle mais bien sur une
compréhension de la situation de la personne : « on vous accompagne, on est conscient que cela vous demande des efforts
et des sacrifices. » Ces notions d’accompagnement et de mise en
lisibilité de l’effort demandé au ménage me semblent fondamentales pour
permettre aux personnes de s’accrocher.
Un
autre élément concerne la communication en toute transparence de la part des
professionnels sur la manière dont ils prennent en charge le
« dossier » de la personne à chaque étape, y compris si cela avance
difficilement. Ainsi, des personnes en attente de solutions à leurs problèmes
me disaient « on est au courant de
rien, ce qui nous aiderait à tenir c’est qu’on sache de façon plus transparente
ce qui se passe. »
Les questions sur la communication et
comment rendre l’information accessible et compréhensible par tous sont
également cruciales. L’énergie est très difficile à matérialiser car elle ne se
voit pas et il y a un écart très important entre l’acte de consommer et le
moment où l’on reçoit la facture. C’est la raison pour laquelle la
mensualisation, qui est souvent proposée par les fournisseurs, met de
nombreuses personnes en difficulté au moment de la régularisation qui
intervient des mois après, et particulièrement la première année qui suit
l’installation dans un nouveau logement.
Pourtant les gens ont des questions très simples : est-ce que je
surconsomme et comment être alerté si tel est le cas ? Il faudrait penser
à des dispositifs d’alerte intelligents en cas de surconsommation. On peut
d’ores et déjà déclencher ou arrêter à distance son chauffage. Les compteurs
Linky pourraient être pensés comme ça mais à condition que le système soit
ergonomique.
Enfin, de nombreuses recherches montrent
que les personnes qui n’ont pas une habitude des services sociaux ne viennent
que dans l’urgence, lorsqu’ils reçoivent l’avis de coupure. Il importe donc de
pouvoir informer les gens le plus en amont possible : exploiter les
fichiers de signalement des impayés pour que le CCAS fasse parvenir un courrier
personnalisé au ménage présentant les dispositifs existants, que la personne
puisse se dire « je ne suis
peut-être pas un cas isolé, vu qu’ils ont même un dispositif pour
ça ! » D’autant, qu’en bout de chaîne on recueille aussi des
témoignages d’agents d’ERDF qui souffrent d’avoir à couper l’électricité chez
les gens.
Vous l’avez dit, on se trouve également face à
une certaine défiance des ménages vis-à-vis des institutions, des difficultés à
mobiliser les publics, comment passer de la défiance à la confiance ?
Il faut démarrer de manière modeste, si les
personnes ne sont pas convaincues, il faut aller les chercher là où elles sont
c’est-à-dire chez elle. S’appuyer sur l’expertise d’usage, laisser les usagers
eux-mêmes partager leurs expériences, car les personnes convaincues sont
convaincantes ! J’ai en souvenir une citoyenne que j’avais rencontré dans
la rue et qui nous avait dit : « Moi
je viendrais pas à votre machin mais vous pouvez venir boire un coup chez moi »
et c’est ce qu’on a fait en demandant à la personne d’en parler à ses voisins.
La médiatrice énergie a fait l’analyse de l’appartement dans un vrai
appartement.
Je travaille en ce moment sur les questions de
santé et on a vu en santé combien les patients avaient un rôle à jouer pour
convaincre d’autres patients, car eux-mêmes ont vécu des choses et savent l’expliquer
dans un vocabulaire avec des exemples que n’auront jamais les médecins et
infirmiers. C’est la même chose sur l’énergie, on a besoin de pairs qui
puissent monter en compétences et qui deviennent de vrais collaborateurs dans
les dispositifs par la mise en confiance des personnes en précarité énergétique
qui seraient plus éloignés, plus en défiance.
Pensez-vous que certains
dispositifs peuvent être stigmatisants pour les personnes ? Freiner le recours
?
Je pense que pour certaines oui, vraiment pas pour toutes…moi
quelqu’un arriverais chez moi pour faire le tour de tout ce que j’ai dans mon
appartement puis me demanderais de lui présenter mes différentes factures et
l’état de mes comptes bancaires, j’aurais un peu l’impression qu’il m’a demandé
de me déshabiller ! Il me semble que l’on devrait commencer par montrer à la
personne que l’on va prendre en compte son problème, lui expliquer les
différentes étapes, faire un état des lieux plus progressif…
L’entrée par l’argent et la manière dont on le dépense produit également
énormément de jugement et de crispation, cela peut être très violent pour la
personne. Bien que les questions budgétaires soient nécessaires à aborder, ce
n’est surtout pas ce qu’il faut traiter en premier si l’on veut favoriser l’adhésion
à un dispositif. Dans ce cadre, il y aurait aussi tout un travail à faire sur
la manière dont sont attribués les aides, les critères d’éligibilité :
comment et qui peut juger que la personne gère bien son budget, a des usages
adaptés, les arbitrages à faire quand on a un reste à vivre limité ?
Pour finir, quels conseils donneriez-vous à ceux
qui construisent les dispositifs ?
Ne pas faire les choses dans son coin et tenir compte de
l’existant ! Il y a tellement d’offres et chacun imagine un dispositif qui s’additionne aux autres, c’est pour cela
que les idées de guichet unique peinent à fonctionner, face à ce mille-feuille
il est trop difficile d’avoir l’information en un seul endroit. Il faudrait
commencer par bâtir une analyse du besoin qui identifie ce qui n’est pas offert
sur le territoire, et ne pas faire sans les acteurs concernés qui sont autant
les acteurs publics et privés que les usagers eux-mêmes, construire un service
qui repose sur une réelle prise en compte de la multiplicité des points de vue
des utilisateurs. D’autant que l’on garde beaucoup plus présent à l’esprit
l’échec que le bon point, une offre trop approximative qui déçoit les personnes
a un effet déceptif en cascade : les gens n’y reviendront pas une seconde
fois. Il y a tellement de personnes qui ont encore leur boîte d’ampoule quelque
part en haut d’un placard mais qui ne les ont jamais installées car ils
n’avaient pas les bonnes douilles ou je ne sais quoi, ça paraît être une bonne
idée, ça fait plaisir d’avoir des ampoules gratuites mais si elles ne sont pas
installées…
J’adorerais me poser quelque part dans un territoire et pouvoir tout
faire de manière ascendante : faire un état de l’offre existante, voir
comment faire adhérer à cette offre et si on s’aperçoit qu’il y a des trous,
expérimenter des choses nouvelles et mettre en capacité les acteurs.
« La transition énergétique ne porte pas de costume ni de cravate et ne se décide pas uniquement en haut des tours de la Défense. Elle n’a pas de couleur, pas de sexe, pas d’âge ! »
Cette publication du CLER – Réseau pour la transition énergétique* présente différents témoignages et retours d’expériences qui démontrent que « la transition énergétique, quand elle est menée ici et ensemble, permet aux habitant.e.s et en particulier aux plus vulnérables, d’améliorer leur quotidien. »
On y lira notamment l’entretien réalisé avec Damien Carême, maire de Grande-Synthe (et récemment élu euro-député) qui revient sur la mise en œuvre du revenu minimum social garanti sur sa commune financé grâce aux économies d’énergie ; le retour d’expérience de l’association Enerterre dans la Manche qui mène des chantiers participatifs pour lutter contre la précarité énergétique et la mise en place d’un fonds citoyen pour la réalisation de travaux énergétiques animé par le CEDER dans la Drôme.
Lire gratuitement sur le site du CLER les articles consacrés à :
*En 1995, le réseau CLER publiait le premier numéro de sa revue CLER Infos. En 2019, cette publication change de nom et de format : Notre énergie fait le récit d’une transition énergétique territoriale et donne la parole aux adhérents du CLER et plus largement aux acteurs de la transition énergétique territoriale, tout en les outillant.
Née aux Pays-Bas en 2012, EnergieSprong est une stratégie d’industrialisation et de massification de la rénovation énergétique sans néanmoins l’uniformiser.
Le principe est d’identifier des logements présentant les mêmes caractéristiques, puis de faire produire en grandes quantités tous les matériaux nécessaires à cette rénovation (façades isolantes, fenêtres, chaudières…). 4000 logements ont déja été rénovés aux Pays-Bas grâce à cette méthode et l’ambition est un développement dans d’autres pays européens (Royaume-Uni, Allemagne et France).
En France, la société d’accompagnement en transition énergétique Greenflex a été mandatée pour décliner EnergieSprong au sein de l’Hexagone : trois projets sont sortis de terre à côté de Lille, d’Amiens et de Rennes.
Dans un article du Monde Cities, Sébastien Delpont revient sur cette démarche d’industrialisation de la lutte contre les passoires énergétiques dont l’enjeu est double : lutter contre la précarité énergétique des ménages les plus modestes tout en essayant d’atteindre l’objectif de neutralité climatique souhaité par la Commission Européenne.
Engagés pour devenir un territoire à énergie positive en 2050 avec le soutien de l’ADEME et de la Région, le Grand Besançon et la Communauté de Communes Doubs Baumois se sont rapprochés de l’équipe de designers Détéa pour répondre au volet social de la transition énergétique.
Associant des acteurs locaux de l’énergie, du social, de la santé ainsi que des collectivités et des usagers, cette démarche inédite visait à construire et à tester des solutions de repérage des ménages en précarité énergétique en milieu rural.
Les designers ont exploré la problématique et conçu de manière participative des supports d’information : vidéos, affiches, émissions de radio… Les messages adaptés et non stigmatisants ont été diffusés au plus près de la cible dans des lieux tels que les magasins de bricolage, les salles d’attente des cabinets médicaux, le collège, etc…
Ce test a notamment conduit à la rencontre de deux réseaux et à leur première mobilisation : l’un de professionnels de l’énergie et du social (au sens large), l’autre de donneurs d’alerte. Il a par ailleurs mis en lumière l’intérêt d’une communication à la fois institutionnelle, mais également de proximité et « sortant de l’ordinaire ».
L’expérimentation s’étant révélée concluante et les professionnels ayant trouvé de l’intérêt à la coopération, elle pourrait se poursuivre dans le cadre du projet de SLIME (Service Local d’Intervention pour la Maîtrise de l’Energie) porté par la ville de Besançon avec une extension au-delà du périmètre urbain.
Retrouvez le détail des enseignements de cette expérience dans le rapport :
Bien chez vous – Quelle stratégie partagée pour le repérage des personnes en situation de précarité énergétique ?
Le dispositif Pass’Réno Habitat 93 a été créé en 2015 par l’ALEC-MVE (93) et expérimenté pendant 3 ans sur le département de la Seine-Saint-Denis, en collaboration avec l’ALEC-Plaine Commune et l’ALEPTE et avec le soutien de l’ADEME Île-de-France, la Région Île-de-France, le Département de la Seine-Saint-Denis, Est Ensemble, Plaine Commune et Paris-Terres d’Envol.
Ce dispositif, lauréat d’un appel à manifestation d’intérêt pour l’expérimentation des plateformes locales de la rénovation énergétique, se déploie aujourd’hui à l’échelle métropolitaine dans le cadre du Plan climat air énergie de la Métropole du Grand Paris.
Pass’Réno Habitat 93 agit en miroir sur deux cibles : accompagner les particuliers dans leur projet de rénovation énergétique tout en mobilisant les professionnels locaux du bâtiment pour favoriser la construction d’une offre de marché.
Les particuliers sont accompagnés via un « parcours simplifié » (réalisation d’un bilan énergétique simplifié, aide à l’élaboration d’un plan de financement, mise en relation avec des professionnels RGE via un outil web dédié, aide à la compréhension de devis, outillage pour le suivi des travaux) ou un « parcours complet » (réalisation d’un diagnostic préalable de rénovation énergétique effectué par un prestataire extérieur, en plus des prestations du parcours simplifié).
Impliquant 81 particuliers et 52 entreprises, l’expérimentation menée pendant 3 ans a apporté plusieurs enseignements :
Sur l’accompagnent des particuliers
Le projet d’un particulier est d’autant plus ambitieux lorsqu’on lui propose des outils d’aide à la décision et qu’on l’accompagne tout au long de son projet.
La réalisation d’un diagnostic préalable de rénovation énergétique à domicile est un élément décisif pour atteindre l’objectif d’une rénovation globale.
Pass’Réno Habitat 93 joue un rôle de catalyseur, la massification ne peut être possible que par l’amplification du soutien financier : tiers financement, prêt à taux réduit, aides aux travaux.
Aucun particulier n’a autofinancé le diagnostic préalable de rénovation énergétique à domicile. Ce qui confirme que sans un financement complémentaire, les propriétaires n’ont pas d’appétence à payer cette prestation.
Les conseillers Pass’Réno Habitat qui assistent au diagnostic préalable de rénovation énergétique à domicile bénéficient d’une meilleure compréhension du bâtiment et montent ainsi en compétence.
Lorsque la chaîne des acteurs est trop lente, le projet du particulier s’essouffle et risque d’être abandonné, cela est d’autant plus vrai en parcours simplifié.
Sur la mobilisation des professionnels du bâtiment
Un particulier accompagné par Pass’Réno Habitat 93, c’est un particulier motivé et prêt à faire des travaux.
Pass’Réno Habitat 93, c’est un gage de qualité et de sérieux pour les particuliers qui profite aux entreprises affiliées.
Pass’Réno Habitat 93 respecte l’indépendance commerciale des professionnels du bâtiment vis à vis de leurs clients.
Partenariat gagnant-gagnant : Pass’Réno Habitat 93 propose des opportunités de chantiers aux professionnels et les professionnels orientent leurs clients vers l’accompagnement de Pass’Réno Habitat 93
La majorité des professionnels du bâtiment ont une méconnaissance du rôle des Points Rénovation Info-Service et des structures telles que les ALEC ou même de l’Agence Nationale de l’Amélioration de l’Habitat (ANAH).
Les questions relatives à la précarité énergétique se posent de manière forte pour le Département du Val-de-Marne depuis plusieurs années. C’est pourquoi il a décidé d’agir pour enrayer ce phénomène et proposer des solutions nouvelles aux ménages qui en sont victimes.
Par un vote unanime du 16 mars 2009, l’Assemblée départementale a validé le principe de mise en œuvre de son Plan Climat Énergie Territorial du Val-de-Marne (PCET) comportant cinq enjeux et qui implique des actions fortes pour notre avenir, à savoir :
Réduire les émissions de gaz à effet de serre ;
Encourager la sobriété énergétique ;
Développer les énergies renouvelables accessibles à tous ;
Adapter le territoire et notre économie au dérèglement climatique ;
Lutter contre la précarité énergétique.
Par ailleurs, l’année 2013 a vu la réalisation d’une importante étude permettant de repérer les territoires départementaux les plus exposés à la précarité énergétique. Un plan de lutte contre la précarité énergétique a été élaboré pour intensifier les actions déjà en cours et en développer de nouvelles pour :
Mieux articuler et coordonner les dispositifs mis en place en Val-de-Marne, par le Département, l’État, la Région, les villes et les autres partenaires,
Expérimenter sur des périmètres ciblés des actions partenariales innovantes et adaptées.
Sur la base de cette meilleure connaissance, une première phase du plan départemental de lutte contre la précarité énergétique a été mise en action entre 2014 et 2018. À partir de son évaluation, une série de préconisations a été émise. Ces préconisations sont également mises en avant dans la conception du nouveau plan départemental de lutte contre la précarité énergétique pour la période 2019-2022, qui s’organise autour de 4 grands objectifs détaillés dans 13 fiches actions :
Pérenniser un accompagnement des ménages en situation de précarité énergétique, en particulier à domicile
Apporter aux Val-de-Marnais une première réponse aux besoins de financement de la lutte contre la précarité énergétique
Harmoniser la formation et l’outillage des professionnels pour allier culture commune et meilleur service à apporter aux Val-de-Marnais
Fédérer le réseau des partenaires sur le territoire départemental pour optimiser une action publique concertée, cohérente et efficace
Ce nouveau plan vise à traduire en actions concrètes, la volonté du Département à lutter contre la précarité énergétique en Val-de-Marne.
Consulter le plan départemental de lutte contre la précarité énergétique du Val-de-Marne 2019-2022 :
Plan départemental de lutte contre la précarité énergétique 2019-2022
L’association de promotion des réseaux de chaleur Via Sèva publie un guide sur les moyens d’action pouvant être mis en place par ces réseaux pour lutter contre la précarité énergétique.
Un réseau de chaleur est un système de chauffage central à l’échelle d’un quartier ou d’une ville comprenant une ou plusieurs centrales d’énergie produisant de la chaleur sous forme d’eau chaude ou de vapeur, distribuée au logements par des canalisations souterraines.
Réalisé avec le soutien financier de l’ADEME et en partenariat avec AMORCE, le guide présente 7 expériences de collectivités et opérateurs (Arcueil et Gentilly, Arras, Evry, Grigny et Viry-Châtillon, Nantes, Nogent-sur-Oise et Vitry-sur-Seine) ayant mis en place des actions à destination des usagers en situation de précarité énergétique (fonds de solidarité pour le paiement des factures énergétiques ou des « petits travaux », coaching énergétique à domicile des ménages, maîtrise du coût de fourniture de la chaleur, création de Point Information Médiation Multi Services – PIMMS, etc.).
Consulter le guide :
Guide “Comment agissent les réseaux de chaleur pour lutter contre la précarité énergétique ?”
En venant à la rencontre des personnes en situation de précarité énergétique, l’association picarde réseau Eco Habitat accompagne des propriétaires occupants aux revenus modestes dans la rénovation énergétique de leur logement.
La spécificité du réseau éco-habitat est de s’appuyer sur un réseau de bénévoles (du Secours Catholique) pour accompagner les ménages pendant toute la durée du montage des dossiers de demande d’aide aux travaux et jusqu’à la fin du chantier : un bénévole apporte une forme de confiance, et vient en soutien de l’intervention des professionnels, et également en suivi post-travaux. Les professionnels, quant à eux, s’attèlent aux missions « classiques » d’un opérateur : détermination des travaux et des priorités, devis des entreprises, plan de financement, dépôt du dossier et accord ANAH, commande des travaux. Le réseau éco-habitat se veut comme un « ensemblier » qui permet à divers interlocuteurs parlant des langages sensiblement différents de se comprendre (ménages, artisans, services de l’état instructeurs de aides, opérateurs de l’Anah, etc.)
L’entretien de Franck Billeau, directeur de l’association, réalisé par le CLER – réseau pour la transition énergétique, revient sur cette expérimentation.
Concrètement une visite de « pré-diagnostic » est réalisée avec le bénévole qui représente un tiers de confiance pour le ménage, puis contact est pris avec l’opérateur local d’amélioration de l’habitat agréé par l’Anah. Ensuite, l’association accompagne les familles à trouver les aides financières disponibles en plus (via la CAF, les groupes de protection sociale ou les caisses de retraites, le CCAS, la Communauté de communes, le Département, la Région…). Il est également possible de mobiliser du soutien familial dans la préparation des chantiers, la réalisation des finitions, mais aussi les partenaires bancaires pour trouver un microcrédit ou une assistante sociale afin de rassurer la famille.
L’enjeu de cette expérimentation menée depuis 3 ans en Picardie est d’élargir l’action dans les autres départements des Hauts de France.
Pour augmenter le nombre de chantiers réalisés, trois obstacles principaux doivent être levés :
Tout d’abord, le nombre d’interlocuteurs financiers et d’acteurs à contacter qui induisent des délais très longs pour la réalisation concrètes des chantiers,
Le « reste à charge » encore trop important pour réaliser des travaux énergétiques performants,
Et, la résistance des artisans à qui il est demandé « d’avoir une conscience sociale » au regard de leur besoin d’être rentable économiquement.
Pour Franck Billeau, « il manque clairement une enveloppe financière pour lutter contre la pauvreté réelle que nous rencontrons et ses effets sur le logement (…) il faut investir [davantage de moyens] dans la rénovation des passoires énergétiques. Cela permettra d’éviter par la suite des frais supplémentaires, de santé ou d’assurance chômage. »
Réduire la durée d’instruction des dossiers, standardiser les paquets de travaux, faciliter l’écriture des devis et l’usage systématique des mêmes matériaux biosourcés quand cela est possible et favoriser le dialogue entre les acteurs, sont autant de propositions que porte ce réseau.
En 2009, le Conseil Départemental du Val-de-Marne valide le principe de mise en oeuvre d’un Plan Climat Energie Territorial (PCET) qui comprend des actions destinées à lutter contre la précarité énergétique.
La collectivité réalise par la suite en 2013 une étude pour le repérage de la précarité énergétique sur son territoire (analyse à l’échelle de l’IRIS) visant à la fois à apporter une définition du phénomène adaptée au contexte départemental, à exposer de la manière la plus précise possible la situation du Val-de-Marne sur la base des données disponibles les plus récentes, et à analyser les actions en cours et proposer de nouveaux axes d’interventions pour agir contre la précarité énergétique.
A travers une démarche co-construite et collaborative, l’étude s’attache à déterminer les formes de précarité énergétique présentes dans le Val-de-Marne et à repérer les territoires du département cumulant le plus de facteurs exposant potentiellement les ménages à la précarité énergétique. Le but est aussi de construire une méthode de repérage facilement reproductible à tout échelon et exploitable par l’ensemble des acteurs impliqués dans la démarche départementale.
L’étude quantitative d’analyse de données statistiques a été complétée par une enquête par questionnaire administrée lors d’un entretien à domicile, permettant d’illustrer la complexité du phénomène par des exemples concrets de familles val-de-marnaises.
Les 521 IRIS qui composent le département ont été classés en 5 groupes de population : du groupe de population ayant un risque très élevé d’exposition à la précarité énergétique au groupe ayant un risque très peu élevé d’exposition, et ont permis d’identifier des « poches de précarité énergétique » sur le département.
L’étude conclue sur des propositions de pistes nouvelles pour répondre aux enjeux futurs.
Sur la base de cette étude, une première phase du Plan départemental de lutte contre la précarité énergétique a été mise en action entre 2014 et 2018 autour de deux axes :
L’expérimentation durant trois années effectives de la Plateforme pour la Rénovation Energétique pour Tous (PRET) ;
Le développement d’une culture commune par la sensibilisation/formation des acteurs.
Concrètement la PRET propose plusieurs niveaux d’intervention aux ménages :
un diagnostic sociotechnique à domicile adossé au dispositif du service local d’intervention sur la maîtrise de l’énergie (SLIME) assuré par 12 ambassadeurs de l’énergie,
un Fonds Social d’ Aide aux Travaux pour la Maîtrise de l’Energie (FSATME) de 500 € maximum pour de petits travaux et pose de matériels et équipements plus performants réservé aux propriétaires et locataires du parc privé,
l’orientation vers des dispositifs d’accompagnement aux travaux (Habiter Mieux, SEM Energie Posit’IF).
Après trois années de fonctionnement, un important travail d’évaluation a été mené sur la base des 1263 ménages repérés et des 641 diagnostics à domicile réalisés, dont voici quelques résultats :
le réseau partenarial est indispensable au repérage des ménages (50% de ménages orientés par des partenaires locaux, 25% repérés via une animation locale) ;
41 ménages accompagnés dans le cadre du FSATME (pour un montant total de 15 600 € d’aide générant 30 290 € de travaux réalisés et d’équipements). La mise en place d’un système d’avance sur subvention en 2017 a permis une augmentation notable du nombre de dossiers ;
13 ménages ont bénéficié d’une assistance à maîtrise d’ouvrage avec évaluation énergétique et ont montré l’intérêt d’un accompagnement poussé à domicile pour la mobilisation des ménages dans les dispositifs de travaux ;
250 ménages ont été orientés vers des partenaires dont majoritairement les espaces info —> énergie ;
le « profil-type » d’un ménage accompagné par la PRET est celui d’une famille de trois personnes aux revenus correspondants au premier décile, locataire d’un logement collectif d’environ 60 m², se chauffant de manière individuelle et ayant des difficultés à payer ses factures ;
56% des ménages ayant bénéficié d’une visite ont réalisé des économies d’énergie (baisse moyenne de 25% de leurs consommations d’énergie, entre 50 et 300 €/an d’économies d’eau et d’énergie) ;
la PRET a également joué une mission d’insertion professionnelle pour les 19 jeunes recrutés sur la période, la majorité d’entre eux ayant retrouvé un emploi stable ou une formation y aboutissant à l’issue de leur contrat d’avenir ;
le coût unitaire d’un accompagnement à domicile est en moyenne de 400 € pour le Département, ce coût diminuant une fois les ambassadeurs de l’énergie formés et le partenariat de terrain établi ;
192 actions de sensibilisation/formation ont été réalisées auprès de 5300 Val-de-Marnais et 1250 professionnels.
A partir de ces éléments, une série de préconisations très concrètes à destination des porteurs de projet souhaitant mettre en œuvre des actions du même type a été émise dont voici quelques exemples :
repérer les locataires en s’appuyant sur les services et les données existantes (CCAS, services départementaux, services hygiène et santé) à condition que les professionnels soient bien sensibilisés au dispositif mis en oeuvre ; et pour repérer les propriétaires communiquer via les journaux des collectivités territoriales et lors de manifestations locales ;
un accompagnement individualisé est indispensable et doit comporter un diagnostic à domicile, accompagné par un dispositif de financement de travaux et/ou d’achat d’équipements économes ;
le recours à des contrats d’avenir ou des services civiques non qualifiés complexifie fortement l’accompagnement des ménages ;
l’inscription du dispositif dans un SLIME ou tout programme équivalent permet de faciliter le financement via la récupération de Certificats d’économie d’énergie.
A télécharger :
Étude pour le repérage de la précarité énergétique dans le Val-de-Marne
CD Val-de-Marne, sept. 2013
Synthèse du rapport d’évaluation du CD Val-de-Marne, 2014-2018
Le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) a soutenu, depuis 2016, une expérimentation de la démarche d’auto-réhabilitation accompagnée (ARA) dans 5 sites concernés par le nouveau programme national de renouvellement urbain (Avignon, Bordeaux, Rennes, Roubaix, Sarcelles).
Menée par l’association nationale des Compagnons bâtisseurs (ANCB), cette expérimentation a permis, en deux années, à près de 1 000 habitants de rénover leur logement et de participer à des actions collectives en faveur de l’amélioration de l’habitat.
Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), l’ARA valorise aussi le développement du lien social et l’insertion des habitants
Un véritable système d’entraide à l’échelle de chacun des quartiers s’est mis en place, démontrant toute la plus-value sociale des démarches d’ARA.
Dans sa publication mensuelle, le CGET revient sur cette expérimentation et présente les perspectives d’un déploiement plus large de l’ARA :
Continuer le soutien aux 5 sites de l’expérimentation pour permettre d’impliquer un nombre croissant de locataires et développer des méthodes d’autonomisation des ménages (outillothèque, animations collectives) ;
Faire connaître plus largement les retombées positives de l’ARA, dans l’optique d’un déploiement de ces démarches dans l’ensemble des QPV (le CGET soutient d’ores et déjà le déploiement de l’ARA dans une trentaine de QPV) ;
Renforcer le financement : le CGET fait dorénavant de l’Ara un axe fort du pilier « renouvellement urbain et cadre de vie » des contrats de ville.
Consulter la publication du CGET [En bref #47] :
Visionner les trois vidéos réalisées par l’ANCB et le CGET sur la démarche d’ARA
Ce Working Paper Series [1] de l’Institut d’écologie appliquée de Berlin apporte un éclairage sur la précarité énergétique en Allemagne et analyse les règlementations et mesures pour réduire le phénomène dans d’autres pays européens (France, Royaume-Uni, Danemark, Irlande, Suède) en vue d’identifier les conditions de reproductibilité avec le système allemand.
A travers cette étude, un inventaire des dispositifs et mesures des politiques de réduction de la pauvreté énergétique est réalisé, comprenant l’analyse approfondie pays par pays des actions aux niveaux national et local, ainsi que les politiques gouvernementales et les initiatives privées des ONG, des citoyens et d’autres acteurs.
Cette inventaire étudie les mesures en quatre sous-catégories :
l’aide directe au paiement de l’énergie (par exemple l’aide au fuel au Royaume-Uni et l’allocation sur la facture en Irlande),
le soutien à l’efficacité énergétique (par exemple le programme Habiter Mieux en France ou la réduction des taxes sur les rénovations à haut rendement énergétique au Danemark et en Suède),
les programmes d’information et d’orientation (par exemple le programme SLIME en France et le programme danois BedreBolig),
les dispositions législatives (cadre juridique et institutionnelle).
Un tableau présente les résultats de l’analyse en identifiant pour chaque dispositif étudié les effets positifs, les limites et les conditions de reproductibilité en Allemagne.
L’évaluation révèle six aspects essentiels à respecter pour pouvoir recommander une transférabilité des dispositifs au modèle allemand. Les dispositifs et mesures devraient :
s’inscrire dans la durée et générer des économies d’énergie grâce à l’efficacité énergétique et au changement de comportement,
s’adresser aux ménages ayant de faibles revenus (y compris les employés précaires ne recevant pas d’aides sociales),
inciter à l’investissement dans les travaux dans la mesure du possible,
être mis en œuvre de préférence au niveau local ou régional afin que les spécificités locales puissent être correctement prises en compte,
éviter le dilemne propriétaire/locataire (d’autant que l’Allemagne dispose d’un parc locatif important),
ne pas modifier les politiques sociales mais plutôt s’attacher à définir une politique énergétique et climatique qui soit socialement compatible.
Si tous ces aspects ne peuvent pas toujours être remplis dans un dispositif unique, il est important de définir des priorités et de prendre en compte les coûts générés pour la collectivité. Ainsi une aide directe au paiement de la facture doit permettre d’encourager l’amélioration de l’efficacité énergétique ou le changement de comportement.
Ce rapport montre tout l’intérêt d’étudier les mesures et dispositifs qui fonctionnent dans d’autres pays pour aider à construire une politique de lutte contre la précarité énergétique qui soit pertinente tant du point de vue de la lutte contre le changement climatique que de la lutte contre la pauvreté.
[1] Working Paper Series est une collection d’articles de recherche rédigés dans le cadre des activités de recherche de l’Institut. Les articles présentent et discutent des approches novatrices et des positions de la recherche actuelle sur le développement durable. La série est ouverte au travail de chercheurs d’autres institutions. Les documents de travail sont élaborés selon un processus scientifique scrupuleux sans évaluation par des pairs externes.
Pour la quatrième édition de l’Innovation Day qui s’est tenue le 19 juin 2018 à Roubaix, la Fondation Rexel a rassemblé son écosystème de partenaires et les acteurs engagés autour de la lutte contre la précarité énergétique, afin de réfléchir ensemble au parcours de vie des ménages en précarité énergétique.
Cette journée a aussi été l’occasion d’impliquer de manière active des ménages en situation de précarité énergétique, afin de construire collectivement des solutions innovantes.
Vous trouverez ci-après le document de restitution de la journée en format PDF :
Restitution Innovation Day Roubaix – 19 septembre 2018
Cette journée a été le point de départ d’un travail sur plusieurs années, avec l’objectif de développer un dispositif local conçu collectivement avec les habitants et les acteurs locaux impliqués sur le territoire roubaisien. Vous trouverez ci-après une présentation de la démarche, ainsi que les restitutions des diverses rencontres organisées autour de ce projet :
Présentation de la Fondation REXEL et du lancement du projet mené à Roubaix
Interviews de ménages en situation de précarité énergétique
Restitutions des rencontres organisées à Roubaix, rassemblant des ménages et des acteurs professionnels du territoire
À partir de mars 2018, douze maisons ont fait l’objet d’une rénovation énergétique dans la Somme. Le projet, mené par le bailleur social ICF Nord-Est Habitat, s’inscrit dans la démarche EnergieSprong, dont les exigences sont particulièrement élevées : niveau énergie zéro pour les logements rénovés garanti sur 30 ans, travaux en site occupé en un temps réduit, confort et esthétisme au sein du bâtiment, etc.
La lutte contre la précarité énergétique, et spécialement l’éradication des 1,5 millions de passoires thermiques détenues par les ménages modestes est l’une des priorités du programme gouvernemental de rénovation énergétique des bâtiments.
Dans ce contexte, le Plan Bâtiment Durable a lancé à l’automne 2017 un appel à recensement des initiatives existantes et complémentaires de l’action déjà menée par l’Anah dans le cadre du programme Habiter Mieux.
Une cinquantaine de porteurs de projets ont répondu, certains projets étant spécialement imaginés à l’égard des publics les plus fragiles, d’autres étant plus généralistes mais pouvant concourir à la lutte contre la précarité énergétique.
Loin d’être exhaustif, ce panorama confirme toutefois que l’accompagnement de ces publics fragiles est une véritable spécificité qui suppose d’une part une ingénierie et des outils adaptés mais également un accompagnement des acteurs qui vont, à leur tour, accompagner les ménages fragiles dans la rénovation de leur logement. C’est ainsi que les contributions reçues sont particulièrement portées autour des outils de repérage, de conseil et de formation.
Chaque fiche projet présente une description de l’action / du dispositif, une présentation du « parcours client », des résultats qualitatifs et quantitatifs et des commentaires.
Porté par l’association Les Amis d’Enercoop, le programme Energie Solidaire vise à collecter des dons sous différentes formes (micro-dons sur consommation d’énergie, dons d’énergie et autres) afin de venir en soutien aux associations de lutte contre la précarité énergétique présentes sur le territoire français et nécessitant davantage de ressources pour mener leurs actions à bien.
Dès le 15 mai 2018, Enercoop s’associe à Énergie Solidaire en proposant à ses clients de souscrire au micro-don sur consommation d’énergie au bénéfice de la lutte contre la précarité énergétique sous la forme 1 centime d’€ par kWh consommé (ou encore 0,5 centime, 2 centimes et montant au choix).
Un comité d’engagement a la responsabilité d’orienter l’action du fonds et trois premières structures ont déjà reçu un soutien : Camel (tiers-payant de la la rénovation énergétique), l’association Enerterre (chantiers d’auto-réhabilitation et éco-construction), l’association AAGDA (accompagnement des personnes âgées en situation de précarité énergétique).
Les associations Polénergie (désormais ALEC07) et Association Santé Autonomie ont engagé un projet d’animation sur le territoire ardéchois autour de la mise en lien des thématiques complémentaires de prévention santé et de lutte contre la précarité énergétique.
C’est sur toute l’Ardèche, département où se combinent logements vétustes, population vieillissante et précaire et conditions climatiques rudes en hiver, que ce projet lauréat du Programme Porteurs d’Idées Énergétiques a proposé :
L’organisation « Villages Santé Énergie » en partenariat avec les mairies et les associations locales en lien avec les populations fragiles et vieillissantes. Ces temps ludiques visent à informer et conseiller les participants sur les solutions permettant de réduire leurs consommations, améliorer leur confort tout en évitant une dégradation du logement et de la santé. Les Villages Santé Énergie permettent également d’informer sur les différentes structures et dispositifs d’accompagnement existant sur le territoire (SLIME, maintien à domicile, prévention santé, etc.). Deux « formats » d’animation ont pu être testés :
des stands accueillant les « passants », lors d’un événement grand public
des ateliers de groupe avec uniquement des personnes cibles (âgées de plus de 60 ans) tournant sur les différents stands des partenaires ;
La conception d’outils d’animation et d’information, à destination du public et des professionnels, permettant de rapprocher les deux thématiques de la santé et de l’énergie. Un groupe d’acteurs du territoire (conseillère en environnement intérieur, CCAS, personnes âgées, associations locales, etc.) est associé à cette conception.
La création d’un réseau d’acteurs (élus, collectivités locales et associations) pouvant être concernés par la double thématique : des rencontres partenariales permettent de collaborer sur l’organisation des Villages Santé Énergie, de mieux se connaître et ainsi fluidifier les parcours d’accompagnement des populations sur les deux thématiques.
Dix Villages Santé Énergie ont été organisés de septembre 2017 à avril 2018 et un redéploiement de la démarche a été envisagé par la suite avec les partenaires locaux.
Les dispositifs de lutte contre la précarité énergétique sont insuffisamment actionnés par les ménages et surtout par les personnes vieillissantes. Ce phénomène de non-recours est observé dans les OPAH.
Pour y remédier, une équipe d’habitant.e.s nommée « les Locaux-Moteurs » relaient, accompagnent la diffusion de l’offre d’amélioration thermique des logements auprès de leurs pairs, par une méthode de portage pédagogique à domicile. Cette action est en cours de déploiement sur un territoire rural, dans le Maine-et-Loire.
À Lille (233.897 hab.), 26% des habitants sont en situation de précarité énergétique et parmi eux, 65% sont locataires du parc privé. Beaucoup de logements sont des maisons de ville divisées en 2 ou 3 appartements mal ou non isolés et aux équipements peu performants. La forte augmentation des loyers (+ 70% en 10 ans) fragilise les locataires dont les revenus sont comparables à ceux des bénéficiaires de logements sociaux.
Depuis 2016, la ville de Lille et son CCAS proposent un service de médiation entre des propriétaires du parc privé et leurs locataires en situation de précarité énergétique. Sur 100 médiations réalisées la première année, près de 50 ont donné lieu à des travaux d’amélioration de la performance énergétique du logement.
Des aides financières du département ou de la ville peuvent être proposées au propriétaire. Elles sont basées sur le revenu du locataire et plafonnées à 2 000 €. En 2016, le budget total du programme Slime s’élevait à 146 000 €, dont 80 000 € dédiés à la démarche de médiation, une centaine environ ayant été menées. La Ville de Lille y a contribué à hauteur de 70%, le reste étant financé par le Département et la Fondation Abbé Pierre.
En 2018, la Métropole Européenne de Lille souhaite poursuivre cette action en étendant le dispositif Slime à son territoire dans le cadre de son Programme d’Intérêt Général. L’action de médiation sera poursuivie par le GRAAL et d’autres opérateurs à destination des locataires du parc privé de la métropole.
En 2016, L’association des Compagnons Bâtisseurs lance « Soli’Bât 33 », un projet visant à construire et exploiter une plateforme de récupération et de réemploi de matériaux de chantier et d’équipements destinés à la rénovation de l’habitat en Gironde. Cette plateforme est officiellement inaugurée en janvier 2017 dans la métropole bordelaise, près de la plate-forme de récupération des encombrants R3 (Réseau de Réemploi des deux Rives) déjà existante. Cette proximité apporte une offre nouvelle de service aux professionnels concernés tout en permettant aux deux structures de mutualiser certains de leurs moyens.
L’activité de la plateforme Soli’Bât 33 est organisée autour de trois services principaux :
la collecte des déchets (matériaux et équipements) du BTP : elle s’effectue localement auprès des professionnels du bâtiment et des distributeurs, ou dans le cadre de dons provenant de particuliers, d’associations, ou d’entreprises ;
le tri et le stockage : les produits récupérés sont triés sur place puis stockés par catégories avant d’être redistribués ou revendus à des propriétaires ou des locataires modestes, voire à des collectivités ou des associations disposant de peu de moyens ;
la valorisation : les produits sont valorisés en étant réutilisés dans des chantiers d’insertion et d’auto-réhabilitation de logements qui sont dirigés par les Compagnons Bâtisseurs, au bénéfice de ménages en situation de précarité énergétique. Ils permettent ainsi de réaliser des travaux de rénovation thermique, de sortie d’insalubrité, d’amélioration de l’habitat et du patrimoine local.
Depuis le lancement de la plateforme « Soli’Bat 33 », 20,4 tonnes d’éléments ont été collectés, ce qui représente une valeur de de plus de 60 000 euros, 31 chantiers ont bénéficié de matériaux Soli’Bât et 4 emplois d’insertion ont été créés.
Lundi 6 novembre 2017, la Région Nouvelle-Aquitaine et la Banque Européenne d’Investissement (BEI) signaient un accord de financement à hauteur de 43 millions d’euros, en faveur de la rénovation énergétique et des économies d’énergie. Confiés à l’Agence Régionale pour les Travaux d’Économie d’Énergie (Artéé), ces fonds doivent permettre de financer des travaux de rénovation énergétique dans l’habitat privé et d’expérimenter en région Nouvelle-Aquitaine le tiers financement direct prévu par la loi de transition énergétique.
Grâce à ces fonds supplémentaires, Artéé souhaite accorder des prêts aux propriétaires d’habitations à rénover (durées supérieures à 15 ans par exemple), dans l’objectif de leur permettre de réaliser des travaux plus ambitieux que ceux initialement prévus avec un impact plus fort sur leur facture énergétique.
Fondé sur le principe du tiers financement, ce dispositif de prêts associe un accompagnement technique tout au long du projet à un financement du restant à charge grâce aux économies générées sur la facture (redevance financière d’un montant régulier et étalé dans le temps équivalent aux économies réalisées), et rend logiquement les travaux de rénovation énergétique plus abordables pour de nombreux foyers. Au total, ce sont plus de 2000 habitations qui devraient être rénovées d’ici à 2021 grâce à ce financement innovant.
La Région Nouvelle-Aquitaine est la troisième région en France en capacité d’expérimenter l’activité de tiers financement direct après les Hauts-de-France et l’Ile-de-France.
Lors de la séance plénière des 18-19 décembre 2017, les conseillers régionaux ont voté l’extension et le prolongement du dispositif de la caisse d’avance pour la rénovation thermique et la transition énergétique (CARTTE) à l’ensemble du territoire. Cette mesure qui s’imbrique dans la politique globale de la Région en faveur de la rénovation énergétique facilite la réalisation des travaux de rénovation énergétique pour les particuliers.
Depuis plusieurs années, la Ville de Nogent-sur-Marne s’engage au travers des actions de son Agenda 21 à lutter contre le changement climatique, à faciliter et amplifier les actions de ses habitants qui contribuent à consommer moins, mieux. Dans ce cadre, elle lance l’initiative de relever le défi des Familles à Énergie Positive animé par l’Espace info énergie de la ville en partenariat avec l’Agence Locale de l’Énergie Maîtrisez Votre Énergie (ALEC-MVE).
Un défi ouvert à tous
Depuis 2008, 30 000 familles françaises ont participé au défi et ont réussi à atteindre leur objectif.
Le défi consiste à travers une opération ludique regroupant des familles nogentaises de prouver qu’il est possible de réduire ses consommations sans pénaliser ses conditions de vie et de confort. Cette action contribuera à limiter les consommations énergétiques de notre territoire sans investissement particulier.
Ainsi, en plus des aides financières attribuées aux Nogentais pour les travaux de rénovation thermique ou lors de l’acquisition de vélos électriques, la Ville souhaite organiser, durant l’hiver 2017-2018 un défi Familles à Énergie Positive, permettant aux familles de s’affronter dans la convivialité afin de diminuer, par de simples éco gestes, leurs consommations énergétiques.
Tout le monde peut participer : locataire ou propriétaire, en appartement ou en pavillon, et quelle que soit la taille du foyer. Les foyers inscrits sont ensuite répartis en équipes (groupes d’amis, de voisins…) qui vont s’affronter dans un match symbolique de comparaison de chiffres.
Ce défi peu contraignant et ludique permet d’impliquer toute la famille, de démontrer que tous ensemble il est possible de lutter efficacement contre les émissions de gaz à effet de serre par tout un ensemble de petits actions… et d’en profiter pour réduire ses factures d’énergie. C’est du gagnant/gagnant !
Quel engagement ?
C’est simple, gratuit et non contraignant. Après inscription sur le site de Familles à Énergie Positive, les participants s’engagent à répondre à un quiz d’une dizaine de minutes, qui établira un bilan des éco gestes réalisés et de ceux qu’ils pourront mettre en œuvre pour atteindre l’objectif des 8% d’économies d’eau et d’énergie. Il leur suffira ensuite de rentrer leurs consommations de l’hiver précédent et de faire 2 relevés de leurs consommations au début et à la fin de la période du défi, soit un début décembre 2017 et un fin avril 2018.
Pour les accompagner tout au long de cette démarche, les participants seront conviés à 3 réunions, une le 29 novembre pour le lancement du défi, une à mi-parcours en février et une début juin de clôture qui établira le podium des équipes gagnantes.
Grâce à ce défi, ils pourront constater qu’il est possible de réaliser encore plus d’éco gestes et de s’améliorer (un guide de 100 éco gestes leur sera distribué). De plus, grâce à l’interface du site Famille à Énergie Positive mis à leur disposition, ils pourront mesurer l’impact réel de leurs éco gestes.
Comment participer ?
C’est simple, il suffit de s’inscrire sur nogent-sur-marne.familles-a-energie-positive.fr, de créer votre compte personnel avec votre mot de passe, de répondre au quiz et de participer à la soirée de lancement du mercredi 29 novembre 2017 à 19h30, salle Charles de Gaulle.
Pour en savoir plus
Espace Info Énergie de Nogent-sur-Marne
10, rue de la Gare
94130 Nogent-sur-Marne
Tél. : 01 43 24 63 20
infoenergie@ville-nogent-sur-marne.fr
Horaires d’ouverture : du lundi au vendredi de 8h30 à 16h30
AG2R LA MONDIALE a choisi de mener une politique forte en faveur d’un habitat plus adapté, plus économe et plus sain. Le groupe développe à ce titre de nombreuses actions : aides individuelles aux impayés d’énergie et aux travaux ; soutien de projets permettant de toucher plus largement les publics vulnérables ; déploiement de services pour intervenir auprès de nos clients ; ou encore manifestations à caractère social pour renforcer le repérage et l’apport de solutions.
Membre et soutien du réseau RAPPEL (Réseau des Acteurs de la Pauvreté et de la Précarité Énergétique dans le Logement), AG2R LA MONDIALE souhaite poursuivre et renforcer son action à travers la mise en place du programme “Porteurs d’Idées Energétiques”, afin de renforcer la capacité à innover et à avancer des « Porteurs d’Idées Énergétiques », en lien avec des partenaires impliqués, et ainsi de contribuer à améliorer durablement les conditions de vie dans le logement des personnes en situation de précarité énergétique.
Pour cela, le Programme “Porteurs d’Idées Énergétiques” vise à :
Soutenir des initiatives de terrain qui apportent des réponses pérennes, existantes ou nouvelles, face à la précarité énergétique
Faciliter les coopérations et les synergies d’acteurs sur le terrain
Impliquer les citoyens aux côtés des porteurs de projet sur la question de lutte contre la précarité énergétique
Identifier de nouveaux services et accompagnements pour les bénéficiaires de l’action social du Groupe se trouvant en situation de précarité et/ou en vulnérabilité dans leur logement
21 lauréats sont d’ores et déjà accompagnés. Un espace ressources est désormais à leur disposition. Chacun pourra y retrouver différents compte-rendus et outils, notamment :
RESOLIS a conduit pendant trois ans un programme de lutte contre la précarité énergétique, soutenu par EDF, avec pour objectifs :
La prospection et la capitalisation des savoirs de terrain axés sur la prévention et la sensibilisation à la précarité énergétique,
L’identification de pistes d’actions permettant de connaître et de tester de nouveaux modèles,
L’approfondissement d’initiatives locales dans un objectif de duplication ou de généralisation,
L’apport d’une meilleure visibilité aux dispositifs locaux : repérer les bonnes pratiques de terrain à échelle territoriale très fine.
En collaboration avec des étudiants, RESOLIS a rencontré des acteurs de terrain et récolté auprès d’eux des données sur leurs projets, synthétisées sous forme de fiches mises en ligne dans son observatoire.
80 initiatives de terrain ont ainsi été recensées sur le territoire français, axées sur l’accompagnement, la sensibilisation, la mise en place de réseaux, la rénovation thermique et la recherche.
Les données qualitatives et quantitatives répertoriées par RESOLIS permettent de faire apparaître les grandes tendances, les facteurs clefs de réussite et les pièges à éviter. Elles mettent également en lumière la diversité des dispositifs déployés localement, et l’engagement des femmes et des hommes qui les mènent.
Lire le rapport :
80 initiatives de lutte contre la précarité énergétique
Deux fois par an l’équipe de KIMSO (cabinet de conseil et d’évaluation en impact social) invite les membres de sa communauté à réfléchir à des thématiques liées à l’impact social.
A l’occasion de son troisième Café Impact le 27 avril 2017, quatre acteurs qui interviennent dans le champ de la précarité et qui ont décidé de se lancer dans l’évaluation de leur dispositif ont apporté leurs témoignages : pourquoi et comment ont-ils conduit cette démarche ? Qu’en ont-ils retiré – pour eux mêmes mais aussi de manière plus générale pour les autres acteurs du secteur en vue de mener une action plus éclairée et plus efficace ?
Après un cadrage théorique sur les notions de pauvreté et de précarité, quatre organisations ont partagé leur analyse :
L’Ilot – Christian Vilmer,
La Banque Postale, Laurent Boucherat
La Fondation Schneider Electric, Patricia Benchenna
La MSA – Bruno Lachenaie
Lire la synthèse du Café Impact #3 de KIMSO :
Agir contre la précarité : mesure d’impact
Café Impact #3, KIMSO, avril 2017
Pour éclairer et prolonger les apports de ce Café Impact, KIMSO propose une note portant sur l’évaluation d’actions de lutte contre la précarité qui apporte des pistes de réponses sur la manière de qualifier et de quantifier les effets des actions de lutte contre la pauvreté pour les personnes accompagnées.
Lire la note de KIMSO sur l’évaluation d’actions de lutte contre la précarité :
Note sur l’évaluation d’actions de lutte contre la précarité
Au sein de l’agglomération nazairienne, un service en ligne gratuit permet de soumettre son projet de rénovation énergétique à des professionnels qualifiés. Un dispositif qui complète l’accompagnement Écorénove-CARENE proposé par la communauté d’agglomération.
Comment aider les propriétaires à trouver des entreprises qualifiées pour lancer leurs travaux de rénovation énergétique ? Pour faciliter leurs démarches, la Communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire (CARENE) vient de lancer une nouvelle solution en ligne, accessible sur son site www.ecorenove-carene.fr. En partenariat avec la Fédération française du bâtiment (FFB), la Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et co-financé par la région Pays de la Loire et l’Ademe, ce service gratuit met en relation des particuliers avec des artisans du bâtiment disposant de toutes les qualifications nécessaires pour effectuer des travaux de rénovation énergétique.
Un système avantageux pour tous les acteurs
Le principe est simple. Des propriétaires décrivent en ligne leur projet. Celui-ci est consultable par des professionnels signataires d’une charte. Lorsque l’entreprise est intéressée, le propriétaire reçoit un message et peut convenir d’un rendez-vous avec l’artisan. Seule restriction : « le dispositif concerne uniquement les propriétaires, occupants ou bailleurs, qui se sont adressés à la CARENE pour être accompagnés dans la constitution de leur dossier, et qui sont en phase de réalisation », rappelle Anne Heouairi, responsable du service Amélioration de l’habitat à la CARENE.
Outre cet accompagnement, les particuliers ont désormais la garantie de confier leurs travaux à des artisans certifiés. En contrepartie, ces derniers disposent d’un moyen de promouvoir leur savoir-faire. « Ce système bénéfique pour tous commence à montrer ses effets : les entreprises nous recommandent de plus en plus à leurs clients », souligne Anne Heouairi. Un constat dont se réjouit Michel Barnette, chef du service Bâtiment Logement à la Direction départementale des territoires et de la mer de Loire-Atlantique : « Le dispositif Écorénove renforce le lien avec les entreprises et les artisans, une des priorités de l’Anah ». Source : www.anah.fr
En parallèle, la mise en place d’un réseau local structuré des acteurs intervenants dans le champ de la lutte contre la précarité énergétique
Un autre projet porté par la CARENE vise à consolider et structurer un réseau de lutte contre la précarité énergétique sur le territoire de la CARENE Saint-Nazaire agglomération. Le partenariat existant va être étoffé au service des ménages en précarité énergétique sur la base d’une collaboration entre 2 niveaux de collectivités, pour mutualisation de moyens humains et financiers : l’agglomération en charge de l’aide à la pierre ; la ville et les communes en charge de l’aide à la personne, mobilisant ainsi des métiers différents et complémentaires, qui se rejoignent sur la nécessité d’une action pro-active vers les ménages en situation de précarité énergétique. En savoir plus sur ce projet
Initiée dans le cadre de la consultation de recherche du Prebat/PUCA consacrée à « l’amélioration énergétique du patrimoine rural : quelles parts et perspectives pour l’auto-réhabilitation ? », les chantiers de recherche Leroy Merlin Source* en partenariat avec le laboratoire Crenau, ENSA de Nantes ont réalisé une étude intitulée : l’accompagnement des projets d’auto-réhabilitation par les magasins de bricolage – Etat des lieux et prospective pour l’amélioration énergétique de l’habitat en milieu rural.
Ce travail de recherche a été réalisé en trois phases de mars 2014 à mai 2015 :
1ère phase :L’analyse de 11 trajectoires d’auto-réhabilitation en milieu rural (région nantaise) qui a notamment montré que la performance énergétique n’apparaît pas comme une motivation première des auto-réhabilitateurs , mais plutôt comme une caractéristique minimale à satisfaire dans la construction d’un habitat contemporain, voire comme une obligation économique ou éthique. D’autre part, la validation des sources et donc la fabrique de l’expertise en elle-même se fait au contact de projets réalisés ou bien par le partage d’expérience avec d’autres habitants. De ce fait, intervenir dans la fabrication de l’expertise des auto-réhabilitateurs dès les premières étapes de renseignement semble essentiel afin de pouvoir guider les choix techniques.
La forte implication des habitants dans la construction de leur habitat produit un effet de sous-estimation, dans les récits, des apports des professionnels tout au long du processus (…) A contrario, l’expérience partagée avec d’autres auto-réhabilitateurs (…) engendre une certaine confiance. Les auto-réhabilitateurs ayant fait leurs preuves transmettent ainsi un héritage (…).
2ème phase :L’analyse de situations de conseil énergétique menées au sein de 5 points de vente utilisés par les auto-réhabilitateurs pour leurs travaux montre que les magasins de bricolage n’occupent probablement pas une place centrale dans le processus de construction de l’expertise pour l’auto-réhabilitation, mais qu’ils constituent l’un des lieux où se construit cette expertise (…)[ils ont donc] un potentiel important à déployer pour développer l’efficacité énergétique de l’habitat auto-construit, en facilitant l’accès à l’information technique, en développant une vision transversale de l’habitat, et en offrant un relais aux initiatives publiques.
3ème phase : Enfin, l’étude formule quelques propositions d’outils et pistes de recherche pour l’accompagnement des auto-réhabilitateurs à travers les magasins de bricolage :
Valoriser les bonnes pratiques des magasins de bricolage et renforcer la coordination entre l’ensemble des acteurs du conseil via une structuration en réseau et une mutualisation des moyens de formation.
Repenser l’organisation des magasins pour prendre en compte l’accompagnement des auto-réhabilitateurs, notamment sur la question de l’énergie en renforçant l’expertise technique des conseillers et leur sensibilisation à l’ensemble des enjeux de l’énergie dans l’habitat ; un espace d’information animé en magasin intégrant des expertises extérieures au point de vente ; un label attaché à ce type de magasins pour faciliter la visibilité de cette offre d’accompagnement…
Imaginer un interlocuteur unique capable de dresser un diagnostic global en fonction des questionnements des habitants sur leur logement et de les orienter vers les experts les plus à même de les conseiller. Pour garantir la neutralité de cette expertise, cette figure de conseil serait placée dans un nouveau lieu séparé des magasins de bricolage.
* Leroy Merlin Source réunit des chercheurs, des enseignants et des professionnels qui ont accepté de partager leurs savoirs et leurs connaissances avec les collaborateurs de l’entreprise. Au sein de trois pôles – Habitat et autonomie, Habitat, environnement et santé, Usages et façons d’habiter – ils élaborent des savoirs originaux à partir de leurs pratiques, réflexions et échanges.
La mobilisation des collectivités est primordiale pour accompagner et démultiplier les actions en faveur de la rénovation énergétique.
Pour rendre compte et valoriser ces initiatives territoriales, l’ADEME édite dès 2013 un recueil d’initiatives territoriales d’accompagnement à la rénovation énergétique de l’habitat privé.
Cette nouvelle édition présente 15 initiatives dont une majorité d’entre-elles intègrent les questions de lutte contre la précarité énergétique.
Pour ces 15 projets, un cadre d’analyse commun est proposé :
les parcours d’accompagnement du particulier,
les outils financiers et la mobilisation du secteur bancaire,
la structuration de la filière de professionnels du bâtiment.
Que ce soit à l’échelon des communautés d’agglomération, des pays, des départements ou des régions, ce dossier présente les réussites et les difficultés de ces territoires à stimuler la demande et développer les complémentarités entre acteurs de la rénovation.
Une source d’inspiration pour tous les porteurs de projets !
La mobilisation des collectivités est primordiale pour accompagner et démultiplier les actions en faveur de la rénovation énergétique.
Pour rendre compte et valoriser ces initiatives territoriales, l’ADEME édite dès 2013 un recueil d’initiatives territoriales d’accompagnement à la rénovation énergétique de l’habitat privé.
Cette nouvelle édition présente 15 initiatives dont une majorité d’entre-elles intègrent les questions de lutte contre la précarité énergétique.
Pour ces 15 projets, un cadre d’analyse commun est proposé :
les parcours d’accompagnement du particulier,
les outils financiers et la mobilisation du secteur bancaire,
la structuration de la filière de professionnels du bâtiment.
Que ce soit à l’échelon des communautés d’agglomération, des pays, des départements ou des régions, ce dossier présente les réussites et les difficultés de ces territoires à stimuler la demande et développer les complémentarités entre acteurs de la rénovation.
Une source d’inspiration pour tous les porteurs de projets !
Lire le rapport :
Rénovation énergétique de l’habitat – 15 initiatives de territoires
Engager des travaux est une démarche lourde, complexe, coûteuse, dont les profits ne peuvent s’envisager que sur le long terme. De nombreux freins peuvent décourager les propriétaires de mettre en œuvre une rénovation thermique. Afin de les inciter et de leur faciliter les démarches, des actions innovantes ont vu le jour.
Visites de maisons exemplaires à destination des particuliers
Structure : ALEC Saint-Quentin-en-Yvelines
Résumé : Réaliser des travaux de rénovation énergétique est une démarche complexe et intimidante. L’ALEC de Saint Quentin en Yvelines organise des visites de « maisons exemplaires », en présence des propriétaires, pour montrer aux particuliers intéressés les avantages et les bienfaits d’une rénovation réussie, et les inciter à franchir le pas.
CoachCopro® : une plateforme web pour accompagner les copropriétés dans leur démarche de rénovation énergétique
Structure : Agence Parisienne du Climat (APC)
Résumé : CoachCopro® est une plateforme internet créée à l’initiative de l’Agence Parisienne du Climat (APC) en concertation avec ses partenaires mobilisés sur le terrain de la rénovation énergétique en copropriétés. Celle-ci vise 3 objectifs : démultiplier le nombre de démarches de rénovation énergétique ambitieuses engagées en copropriétés, mobiliser l’ensemble de l’écosystème de la copropriété autour de sa démarche de rénovation, assurer un suivi précis de toutes les démarches engagées et poursuivre le travail de réflexion autour de l’évolution des métiers de l’accompagnement.
Résumé : Le projet ESTHIA, mené en partenariat entre des Agences Locales de l’Energie et la FAPIL de la région Rhône-Alpes, a pour objectif d’inciter les bailleurs privés à réhabiliter leurs logements et à les louer à des tarifs sociaux, en leur offrant des aides financières aux travaux. Il vise aussi à sensibiliser les locataires sur les économies d’énergie lors de leur entrée dans le logement.
Dispositif « MurMur » de Grenoble-Alpes Métropole : favoriser la rénovation thermique des copropriétés
Structure : Grenoble-Alpes Métropole
Résumé : Dans le cadre de son plan Air Climat, la Métropole de Grenoble a lancé, en 2010, un dispositif d’accompagnement et d’aides financières afin d’inciter les logements collectifs et les copropriétés construites entre 1945 et 1975 à engager des travaux de rénovation thermique. Ce programme, porté par une collectivité locale, vise à réduire les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre en priorité sur le secteur de l’habitat.
Il existe un certain nombre d’outils financiers et d’accompagnement des propriétaires bailleurs leur permettant d’engager des travaux de rénovation thermique dans leur logement. Pour autant, ces outils ont des limites et des difficultés ont été́ identifiées par les professionnels de la médiation.
Les situations de précarité énergétique s’expliquent souvent par des relations tendues ou inexistantes entre le locataire modeste d’un logement privé vétuste et son propriétaire bailleur peu enclin à réaliser des travaux (d’isolation, de changement de mode de chauffage, …)
Consciente de cette dimension « humaine » et « sociologique » de la précarité énergétique, l’ALE de l’agglomération lyonnaise associée à la FAPIL Rhône-Alpes et à HESPUL a démarré en 2013 un programme visant à expérimenter des outils de médiation bailleurs privés / locataires.
Ce programme de recherche-action baptisé « Action Médiation Bailleur » (AMB) a été lauréat de l’appel à consultation 2012 du PUCA (Plan Urbanisme Construction et Architecture). Il s’articule selon deux axes de travail :
Le premier axe vise a s’interroger sur les outils de médiation envers les propriétaires bailleurs à travers des visites-diagnostics et des accompagnements de projet.
Le deuxième axe consiste à réaliser un travail d’analyse afin de comprendre la place du réseau de conseils auprès des propriétaires bailleurs (les diagnostiqueurs immobiliers, les syndics, les régies et professionnels du bâtiment, ….) dans la gestion de la dimension énergétique de leur bien. Il vise également à proposer des argumentaires pour inciter ces propriétaires bailleurs a faire des travaux en fonction de leur profils-types.
Sur le terrain, des associations de la FAPIL (Régie Nouvelle-HHI et l’ALPIL) et le PACT du Rhône ont réalisé des visites diagnostics dans 40 logements sur deux ans (2013 et 2014) et mené les médiations afin de faire réaliser des travaux d’amélioration de la qualité thermique des logements. Ces associations étaient encadrées et ont bénéficié du soutien méthodologique des deux Espaces Info Énergie du Rhône : l’ALE du Grand Lyon et HESPUL.
Afin d’alimenter le volet « recherche » du programme, une enquête auprès des professionnels (diagnostiqueurs, régies, fédérations, …) a été menée en parallèle par l’ALE et HESPUL, aidés par des sociologues de l’OSL (Observatoire Social de Lyon). Il s’agissait de déterminer comment le réseau de conseil du propriétaire peut être facilitateur de l’intervention énergétique dans les logements. l’ADIL du Rhône (Agence Départementale d’Information sur le Logement) a également été associée pour son expertise juridique, financière et fiscale.
A l’issue de ce travail sur le terrain, un certain nombre de réflexions sur les points de blocage identifiés à la réalisation de travaux d’économie d’énergie en logements locatifs privés, ainsi que sur les pistes à envisager pour lever ces blocages, ont été formulées. Des outils et argumentaires sont proposés en synthèse à la fin du rapport.
L’Auto-Réhabilitation Accompagnée est une démarche participative dans laquelle l’occupant est impliqué dans la rénovation de son logement. En participant aux travaux, il devient acteur de la rénovation, s’approprie la rénovation et le nouveau logement, et est plus enclin à adopter des gestes économes adaptés par la suite. C’est une démarche qui a également l’intérêt de permettre de réduire à la marge le reste à charge des travaux.
Auto-Réhabilitation Accompagnée : une solidarité à bâtir
Structure : Association Nationale des Compagnons Bâtisseurs
Résumé : L’Auto Réhabilitation accompagnée (ARA) est une démarche destinée à aider des habitants en difficulté dans la résolution de leurs problèmes de logement, qu’ils soient locataires ou propriétaires, en les faisant participer à la réhabilitation de leur logement, accompagné par un professionnel et des volontaires du service civique.
Dispositif expérimental d’auto-réhabilitation accompagnée (ARA) : un outil de prévention de la précarité énergétique
Structure : POLENERGIE
Résumé : Cette expérimentation menée par Polénergie permet à ses bénéficiaires de faire eux-mêmes une partie de leurs travaux d’amélioration énergétique tout en bénéficiant des différentes aides financières disponibles, notamment le programme Habiter Mieux et le crédit d’impôt, normalement réservées aux travaux réalisés entièrement par des professionnels.
PARTAGE : Programme d’Auto-Réhabilitation Thermique Avec Groupe d’Eco-citoyens
Structure : Héliose
Résumé : Le projet PARTAGE (Programme d’Auto-Réhabilitation Thermique avec Groupe d’Eco-citoyens) expérimente dans le département de la Loire l’implication des ménages dans les travaux de leur propre logement, afin d’évaluer si cela peut être un levier positif dans la lutte contre la précarité énergétique.
Mieux comprendre les situations de précarité énergétique pour mieux les traiter
Structure : Compagnons Bâtisseurs Provence
Résumé : Ce projet s’inscrit pleinement dans le cadre du volet « lutte contre la précarité énergétique ». A ce titre, il se caractérise par une volonté partagée de mettre en place une intervention adaptée qui permette le traitement de l’habitat par des actions d’accompagnement des occupants ainsi que des propriétaires par des actions de médiation.
Le microcrédit habitat pour aider des propriétaires pauvres à améliorer leur logement. Présenté par Julia FAURE, responsable de programme à la Fondation Abbé Pierre
Au programme :
Qu’est ce que le microcrédit habitat : définition, finalité, bénéficiaires.
Les partenariats de la FAP avec les Banques sur le microcrédit habitat : pourquoi ces partenariats ? Dans quel contexte opérationnel le microcrédit habitat peut-il être mobilisé ?
Mécanismes du microcrédit habitat : critères d’éligibilité, allocation logement,…
Il existe un certain nombre d’outils financiers et d’accompagnement des propriétaires bailleurs leur permettant d’engager des travaux de rénovation thermique dans leur logement. Pour autant, ces outils ont des limites et des difficultés ont été́ identifiées par les professionnels de la médiation.
Les situations de précarité énergétique s’expliquent souvent par des relations tendues ou inexistantes entre le locataire modeste d’un logement privé vétuste et son propriétaire bailleur peu enclin à réaliser des travaux (d’isolation, de changement de mode de chauffage, …)
Consciente de cette dimension « humaine » et « sociologique » de la précarité énergétique, l’ALE de l’agglomération lyonnaise associée à la FAPIL Rhône-Alpes et à HESPUL a démarré en 2013 un programme visant à expérimenter des outils de médiation bailleurs privés / locataires.
Ce programme de recherche-action baptisé « Action Médiation Bailleur » (AMB) a été lauréat de l’appel à consultation 2012 du PUCA (Plan Urbanisme Construction et Architecture). Il s’articule selon deux axes de travail :
1. Le premier axe vise a s’interroger sur les outils de médiation envers les propriétaires bailleurs à travers des visites-diagnostics et des accompagnements de projets
2. Le deuxième axe consiste à réaliser un travail d’analyse afin de comprendre la place du réseau de conseils auprès des propriétaires bailleurs (les diagnostiqueurs immobiliers, les syndics, les régies et professionnels du bâtiment, ….) dans la gestion de la dimension énergétique de leur bien. Il vise également à proposer des argumentaires pour inciter ces propriétaires bailleurs a faire des travaux en fonction de leur profils-types.
Sur le terrain, des associations de la FAPIL (Régie Nouvelle-HHI et l’ALPIL) et le PACT du Rhône ont réalisé des visites diagnostics dans 40 logements sur deux ans (2013 et 2014) et mené les médiations afin de faire réaliser des travaux d’amélioration de la qualité thermique des logements. Ces associations étaient encadrées et ont bénéficié du soutien méthodologique des deux Espaces Info Énergie du Rhône : l’ALE du Grand Lyon et HESPUL.
Afin d’alimenter le volet « recherche » du programme, une enquête auprès des professionnels (diagnostiqueurs, régies, fédérations, …) a été menée en parallèle par l’ALE et HESPUL, aidés par des sociologues de l’OSL (Observatoire Social de Lyon). Il s’agissait de déterminer comment le réseau de conseil du propriétaire peut être facilitateur de l’intervention énergétique dans les logements. l’ADIL du Rhône (Agence Départementale d’Information sur le Logement) a également été associée pour son expertise juridique, financière et fiscale.
A l’issue de ce travail sur le terrain, un certain nombre de réflexions sur les points de blocage identifiés à la réalisation de travaux d’économie d’énergie en logements locatifs privés, ainsi que sur les pistes à envisager pour lever ces blocages, ont été formulées. Des outils et argumentaires sont proposés en synthèse à la fin du rapport.
Télécharger le rapport final du projet « Action Médiation Bailleur » :
Le sujet est apparu sur la liste de discussion du réseau RAPPEL en 2008. Il revient depuis régulièrement dans les questionnements des membres RAPPEL.
Les questions posées sont de nature très diverses : mode d’organisation des fonds (gouvernance, territoires couverts, gestion globale), publics éligibles, montants alloués, règles de fonctionnement (procédure d’attribution des aides, possibilité de paiement à un tiers), type de travaux financés, etc.
Les réponses apportées dans cette fiche ont été complétées en janvier 2016 par les retours des CD de l’Ariège, du Lot, du Nord et du Val-de-Marne, du CR Rhône-Alpes et des associations GEFOSAT (Hérault), Pôle Énergies 11 (Aude).
Couts appareils et travaux_ALISEE 2016
FSDAME-Règlement
Département du Lot
FSDAME-Modèle de contrat d’intervention
Département du Lot
FATA-Liste travaux éligible
Département de l’Aude
FATA-Engagement bailleur
Département de l’Aude
FATA-Règlement
Département de l’Aude
Fiche de synthèse N°9 : Les Fonds Sociaux d’Aide aux Travaux de Maîtrise de l’Energie
Le Parc naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin couvre 150 communes et compte 75 000 habitants.
Patrimoine emblématique, le nombre de bâtiments en terre est de 10 000 sur le territoire, dont 4 000 maisons. Depuis son origine le Parc travaille sur la revalorisation de ce matériau et de cette filière.
Le Parc mène depuis 2012, dans le cadre de son Plan Climat Énergie Territorial, une expérimentation pour 3 ans, soutenue par la Fondation de France, dont l’objectif est de rénover des maisons en terre en impliquant leurs habitants. Les familles à revenu modeste, ne disposant pas des ressources nécessaires pour financer des travaux d’amélioration thermique, sont ciblées en priorité.
L’objectif est d’inciter les familles à mettre en œuvre ces travaux en diminuant fortement le coût restant à leur charge. Pour chaque famille, un dossier concernant la rénovation thermique globale de l’habitation est instruit avec l’appui d’un opérateur habitat, qui assure l’ingénierie financière du projet.
Une partie des travaux est réalisée par les artisans dans le cadre des aides conventionnelles (Habiter Mieux, MSA, CARSAT,…), que complète le dispositif expérimental « Enerterre ».
Ce dispositif s’articule autour de Chantiers participatifs.
Un formateur professionnel encadre les chantiers, auxquels participent le propriétaire de la maison, d’autres bénéficiaires de l’expérimentation et des bénévoles volontaires.
L’ANAH apporte son soutien à l’opération, à titre exceptionnel, au titre du dispositif « Habiter Mieux » si les travaux respectent la charte de l’auto réhabilitation accompagnée (présence d’un formateur professionnel, assurance décennale des travaux, amélioration d’au moins 25 % des performances thermiques du bâtiment après travaux)
Un Système d’Échange Local (SEL) est adossé à ce dispositif pour équilibrer le temps offert par chaque bénéficiaire et celui dont il bénéficiera sur son propre chantier. Pour les bénéficiaires qui ne seraient pas en capacité de participer physiquement, d’autres apports peuvent être intégrés (transport, prêt de matériel, préparation de repas, …)
La précarité énergétique est un phénomène transversal, qui touche plusieurs domaines et dont les causes peuvent être aussi bien le bâti, le prix de l’énergie, la situation sociale des ménages ou des comportements énergivores. Les professionnels de l’action sociale, de l’environnement, du bâtiment, sont concernés, sans pour autant avoir les compétences pour traiter le problème dans sa globalité. Or, pour mieux appréhender ce phénomène et mieux le traiter, il est indispensable pour tous de collaborer et mutualiser les connaissances.
Un dispositif « Ressources » pour aider les travailleurs sociaux à mieux appréhender la précarité énergétique
Structure : CRESUS Nord-Pas-de-Calais
Résumé : Les travailleurs sociaux sont de plus en plus confrontés aux situations de précarité énergétique, alors qu’ils n’ont aucune formation dans le domaine de l’énergie. CRESUS Nord-Pas-de-Calais, association de lutte contre le surendettement, a créé un dispositif afin de les sensibiliser, les former au pré-diagnostic, à l’orientation et à la prévention des situations de précarité énergétique.
Accompagnement technique des travailleurs sociaux sur le thème de l’énergie et de la précarité énergétique
Structure : CEDER Centre pour l’Environnement et le Développement des Énergies Renouvelables
Résumé : Le CEDER a créé des formations sur les consommations d’énergie, à destination des travailleurs sociaux de plus en plus confrontés à cette thématique. Après une première phase expérimentale, ces formations se sont pérennisées à travers des échanges durables entre le CEDER et les travailleurs sociaux.
Partenariat entre la caisse de retraite AG2R et un PACT pour un meilleur accompagnement préventif des personnes en situation de précarité énergétique
Structure : PACT75-92-95 & PACT77
Résumé : Le projet a pour but d’associer une caisse complémentaire de retraite à la lutte contre la précarité énergétique grâce à la prise en compte des personnes demandant une aide financière pour régler leurs factures énergie. Un programme global (social, financier, technique) permet de faire le point sur leurs besoins d’amélioration en matière d’habitat et d’efficacité énergétique.
La Franche-Comté est la première région française en nombre de projets « bâtiment de basse consommation » (BBC) réalisés (source Ademe).
Elle est engagée depuis près de 10 ans dans le programme régional Effilogis en partenariat avec l’Ademe et le soutien de l’association Ajena.
Ce programme aide les particuliers, les bailleurs sociaux et les collectivités à effectuer des travaux de rénovation énergétiques au niveau BBC.
Les particuliers peuvent ainsi bénéficier d’informations et conseils gratuits, de financements, et d’un accompagnement technique.
Le premier prêt BBC Comtois a ainsi été engagé le 19 mai 2015 par le Crédit agricole Franche-Comté dans le cadre du partenariat avec la région. Ce partenariat permet de rendre ces projets accessibles au plus grand nombre, y compris aux ménages dits « modestes » ou « très modestes » (selon l’Agence nationale de l’Habitat).
Le 9 juin 2015, l’Anah a signé une convention de partenariat avec la région Franche-Comté pour encourager la réhabilitation BBC dans le cadre du programme Habiter Mieux. Par cette convention, l’Anah, la Région et l’État s’accordent sur l’intérêt de déployer l’audit Effilogis dans les dispositifs Anah. Cet audit remplace alors l’évaluation thermique habituelle. L’offre est valable sur la base du volontariat des territoires au sein de leurs programmes Opah et Pig. Un particulier en secteur diffus peut aussi y recourir.
En savoir plus sur le programme Effilogis sur le site : www.effilogis.fr
Longtemps ignoré, le lien entre la précarité énergétique et la santé n’est aujourd’hui plus à prouver. Le froid, les moisissures, l’absence d’aération, l’enfermement, sont autant d’éléments qui ont des répercussions négatives sur la santé. Il s’agit cependant d’un aspect encore peu traité dans la lutte contre la précarité énergétique, car il est difficile de décloisonner les domaines.
Certaines actions innovantes, recensées par Résolis, tentent cependant de s’y atteler.
Résumé : ACSEE est un dispositif d’accompagnement socio-économique et de santé des ménages en situation de précarité énergétique, mené à Saint-Etienne par l’association HELIOSE
Mission Saturnisme de Montreuil : Etudier le lien entre la santé et la précarité énergétique
Structure : Mairie de Montreuil
Résumé : La Mission Saturnisme de Montreuil a été créé pour prévenir les risques sur la santé liés au plomb présent dans certains logements. Depuis quelques années, la dimension de la précarité énergétique et de ses conséquences sur la santé y est également traitée.
Résumé : Prêt de mallettes « Santé dans l’habitat » pour lutter contre les problèmes de santé liés à la précarité énergétique. Constituée de différents outils destinés à mesurer la qualité de l’habitat, ces mallettes sont personnalisables. Leur utilisation s’accompagne de conseils et de l’établissement d’un diagnostic par les consultantes d’Alter Amazones.
Dans le cadre de son plan « Réno’Aqt », la région Aquitaine a mis en place en 2015 une « Caisse d’avance pour la rénovation thermique et la transition énergétique » : la CARTTE. Géré en partenariat avec Procivis, ce dispositif permet aux propriétaires occupants modestes de financer le lancement des travaux en bénéficiant d’une avance avant la perception effective des subventions correspondantes. L’avance peut aller jusqu’ à 30% HT du montant des travaux, plafonnée à 9 000 euros, et est versée directement aux artisans.
Depuis son lancement, la CARTTE a permis de débloquer plus de 300 dossiers. « Sans cette aide, les chantiers étaient bloqués, d’autant plus qu’il s’agit de petites entreprises ne pouvant se permettre de grosses avances de trésorerie pour acheter le matériel », explique Laurence Combalié, chargée de mission à la Maison de l’Habitat et de l’Énergie du SIPHEM.
En parallèle de ce dispositif, la région en a lancé deux autres : un partenariat avec les banques pour l’attribution de prêts « rénovation énergétique » en habitat social et la création d’une équipe d’animation chargée d’aider les mairies rurales à rénover leur parc de logements sociaux.
Pour en savoir plus sur les dispositifs, consulter l’article du site LeMoniteur.
Depuis la reconnaissance de la précarité énergétique comme objet des politiques publiques en 2010, de nombreux territoires et organisations locales ont créé des dispositifs locaux spécifiques, ou intégré la prise en compte du phénomène dans certains programmes d’actions déjà existants.
Au sommaire de ce numéro de Focus :
Vers des plans locaux de lutte contre la précarité énergétique
Retours d’expériences :
Le réseau Préca Énergie 33
Le SLIME Réunion
Picardie Pass Rénovation : un nouveau service pour aider les picards à réduire leur facture d’énergie en réalisant des travaux de rénovation énergétique
Un dispositif opérationnel de lutte contre la précarité énergétique : l’exemple de Brest métropole
Quelle approche européenne de la précarité énergétique ?
Durant des siècles, les populations assuraient elles-mêmes la construction de leur logement. Par la suite, l’augmentation des contraintes physiques, techniques ou matérielles ont amené les habitants à se tourner vers des formes d’entraide. Cette solidarité permettait de faire face à l’ampleur de la tâche de construction ou de rénovation de son espace bâti.
Au sommaire de ce numéro de Focus :
L’auto-réhabilitation accompagnée, un outil pour lutter contre la précarité énergétique ?
La dimension collective et solidaire, partie intégrante de l’Auto-Réhabilitation Accompagnée
L’Auto-Réhabilitation Accompagnée – Déclencheur d’une médiation locataire-bailleur
Un réseau d’artisans pour accompagner des auto-réhabilitations écologiques : expérimentation en Haute-Savoie
Un Fonds Social Départemental pour la fourniture de matériel
«Energy Bill Revolution» : une campagne sans précédent pour lutter contre la précarité énergétique au Royaume-Uni
CONTEXTE Face à l’augmentation constante des prix des énergies, un nombre croissant de ménages, partout en Europe, rencontre des difficultés à maintenir un certain confort dans leur logement, avec parfois de lourdes conséquences (endettement, exclusion, humidité et dégradations du bâti, allergies et pathologies respiratoires, etc).
Cette « précarité énergétique », et les interventions les plus efficaces pour y remédier (isolation des logements), sont souvent complexes, mais des solutions simples existent pour aider les ménages à réaliser un premier pas vers la diminution de leurs consommations d’eau et d’énergie. Ce sont ces solutions pratiques que le projet ACHIEVE vise à développer, afin de réduire la précarité énergétique en Europe.
Le but d’ACHIEVE est d’identifier les ménages les plus vulnérables et de réaliser chez eux un diagnostic sociotechnique lors d’une visite à domicile, afin de travailler avec eux sur la mise en place de mesures appropriées pour réduire leur consommation d’énergie et d’eau et, bien sûr, leurs factures.
OBJECTIFS Les objectifs d’ACHIEVE sont de :
Modifier les usages et favoriser les mesures d’efficacité énergétique au niveau individuel ;
Réduire la consommation globale d’énergie et la précarité énergétique ;
Économiser l’énergie et réduire les émissions de CO2 de chaque ménage ayant bénéficié d’une visite à domicile ;
Développer des compétences, des opportunités professionnelles nouvelles et faciliter l’intégration sur le marché du travail des « conseillers en économies d’énergie » qui réalisent les visites ;
ACHIEVE a également pour but :
D’améliorer la santé et le confort des ménages confrontés à la précarité énergétique ;
De mobiliser, faire travailler de concert et mettre en réseau des acteurs locaux, parfois dispersés, à travers une initiative européenne ambitieuse pour éradiquer la précarité énergétique ;
De réduire l’exclusion sociale et la marginalisation des ménages qui subissent la précarité énergétique ;
De développer un modèle méthodologique et économique pour lutter contre la précarité énergétique en France et en Europe
DESCRIPTION DU TRAVAIL Les premiers partenaires du projet ACHIEVE sont des conseillers en énergie recrutés et formés spécialement pour intervenir auprès des ménages : il s’agit essentiellement de personnes en insertion professionnelle, de volontaires ou encore d’étudiants. Avec l’appui des porteurs du projet, ils mènent une large campagne de visites au domicile des ménages modestes ciblés par le projet, qui manquent souvent d’un accompagnement suffisant.
Ces visites ont vocation à analyser, avec les ménages et au cas par cas, les gestes quotidiens pouvant réduire leur consommation d’énergie. Elles sont aussi l’occasion d’installer chez ces ménages des petits équipements économes en énergie et en eau (ampoules basses consommation, prises à interrupteurs, coupe-veilles, douchettes économes, aérateurs de robinets, joints d’isolation…) et de prodiguer des conseils utiles au regard de leurs habitudes de consommation, Il s’agit pour le ménage d’une première étape vers la réappropriation de ses factures d’énergie, qui devra généralement être complétée par des mesures plus structurelles à l’échelle du logement, en fonction des capacités d’action et de financement de la famille.
Découvrez la vidéo des visites organisées dans le cadre d’ACHIEVE :
Enfin, le projet ACHIEVE encourage la médiation entre locataires et propriétaires bailleurs, afin de les informer, les motiver et les orienter vers les solutions optimales pour traiter sur le long terme les situations de précarité énergétique.Pour être à la hauteur de ses ambitions, ACHIEVE a du mobiliser les locataires, les propriétaires occupants ou bailleurs, les services sociaux, les collectivités locales, les associations de consommateur, et tous les acteurs clé au niveau local ou national, sur les territoires pilotes du projet. Il a également fallu, à travers un large échange d’expériences tant au niveau français qu’européen, développer une méthodologie et proposer un modèle économique réplicables sur tous les territoires désireux de se lancer dans ce genre d’opérations.
RÉSULTATS Sur une durée de trois ans (mai 2011 – Avril 2014), le projet ACHIEVE a permis le développement d’un module de formation sur le conseil énergie à domicile, la formation de plus de 90 conseillers en énergie, la conception des outils pour le déploiement de visites à domiciles et la réalisation de visites énergie auprès de plus de 1900 ménages. Ceux-ci ont été accompagnés dans le cadre du projet ACHIEVE pour la mise en œuvre de mesures appropriées permettant de réduire la consommation d’énergie et, bien sûr, les coûts. En moyenne, ACHIEVE a conduit à une économie annuelle de plus de 140 euros et de près de 300 kg de CO2 par ménage visité
Au-delà des économies d’énergie, le projet ACHIEVE a engendré d’autres impacts difficiles à quantifier mais qui doivent être pris en compte : comme par exemple les bénéfices pour les conseillers (développement de nouvelles compétences, acquisition de connaissances sur l’énergie, amélioration de leur confiance en soi liée à un travail apportant de la satisfaction), les avantages sociaux pour les ménages (capacité à lire et à gérer leurs factures d’énergie et d’eau, amélioration de leur confort, réduction des problèmes de santé, sentiment d’être renforcé et socialement intégré) et les avantages pour les partenaires locaux (les collectivités, les services sociaux ayant un interlocuteur qui peut répondre à des problèmes de factures d’énergie élevées ou à de mauvaises conditions de bâti).
ACHIEVE a démontré que différentes structures peuvent travailler ensemble sur un problème à facettes multiples dans une approche globale qui est en général en dehors de leurs respectives compétences propres. En ce sens, le projet a été un catalyseur pour la coopération dans les domaines sociaux, environnementaux, éducatifs et pratiques. De cette manière le projet ACHIEVE a contribué à des solutions pratiques et structurelles afin de réduire la précarité énergétique des ménages européens.
Consultez ci-après :
Le rapport final du projet :
ACHIEVE : Rapport final (fr)
Le rapport d’évaluation du projet (en anglais) est également disponible :
ACHIEVE : Final evaluation report
Le rapport d’évaluation pour le site de Marseille :
ACHIEVE : Rapport d’évaluation Marseille (fr)
Le rapport d’évaluation pour le site de Francfort (en anglais) :
ACHIEVE : Rapport d’évaluation Francfort (en)
Les 6 newsletters produites tout au long du projet :
ACHIEVE : Newsletters 1-6
PARTENAIRES
France :
CLER – Comité de Liaison Énergies Renouvelables (coordinateur) GERES – Groupe Énergies Renouvelables, Environnement et Solidarités CRI – IDEMU – Croix-Rouge Insertion – Institut de l’Écologie Milieu Urbain
A travers ses actions d’auto-réhabilitation accompagnée en milieu rural et urbain, l’association des Compagnons Bâtisseurs accompagne les habitants à la maîtrise de leur consommation énergétique. Ce travail permet d’agir à la fois sur le confort, le budget, le patrimoine et l’environnement. Dans ce cadre, les pays Loire Nature et Touraine Coté Sud ont établi un accord de partenariat visant à construire ensemble une dynamique habitat/énergie cohérente et pérenne sur leur territoire dans un premier temps et à l’échelle du département par la suite.
Ce projet vise à sensibiliser et informer les acteurs locaux et les habitants des deux territoires à la compréhension et la maitrise de la consommation d’énergie dans l’habitat ; à impulser une dynamique d’entraide et de solidarité entre les habitants et les acteurs locaux des deux territoires ; à favoriser le repérage des situations de mal logement et la mise en lien avec les acteurs du territoire en charge de l’amélioration de l’habitat ; à proposer des solutions d’intervention dans le cadre de l’auto réhabilitation accompagnée et avec l’Agence Locale de l’Energie 37, impulser
une réflexion et rassembler les acteurs locaux sur la mise en place d’une plateforme éco-matériaux à visée départementale.
Cette plateforme aura pour objectif de récupérer des matériaux d’isolations thermiques et des équipements de chauffages, de ventilation, et d’économie d’eau soit hors stocks destinés à la déchetterie, soit sous forme de dons défiscalisables, auprès d’entreprises locales engagées sur ces aspects (et avec l’aide d’associations ou structures militantes), mais également des matériaux autres destinés à la rénovation, afin d’en faire bénéficier, après épuisement de tous systèmes d’aides connus, les personnes ayant de faibles revenus dont l’habitat est insalubre, dégradé, mal isolé, et générant une précarité énergétique. La plateforme matériaux est bien une réponse à des besoins identifiés pour éco réhabiliter des logements .L’idée est donc de faire baisser le coût de la rénovation et ainsi permettre de « boucler » une réhabilitation énergétique mais également de proposer aux personnes, quant elles le souhaitent de bénéficier de matériaux bio-sourcés, respectant les règles du développement durable via des filières courtes. Matériaux qui ne pourraient pas être proposés aux familles, eu égard aux coûts supplémentaires engendrés. Cette plateforme serait donc un outil au service
de la rénovation énergétique et ainsi de l’amélioration de la qualité de vie des habitants prenant aussi en compte les types de matériaux mis en œuvre, les équipements du logement et le mode de vie de la famille.
En Ariège, l’un des plus ancien fonds d’aide aux travaux de France poursuit son chemin…
Cette action consiste à réaliser des visites à domicile, à la demande des travailleurs sociaux ou de la commission des impayés, permettant la réalisation d’un diagnostic
thermique simple et la délivrance de conseils comportementaux ou de travaux d’amélioration. Ces visites et conseils peuvent donner lieu à l’octroi de subventions pour la réalisation de ces travaux.
Aucun critère d’éligibilité n’est requis à priori, sauf celui d’être préconisé par un service social.
Le fonds d’aide devrait se trouver renforcé par la signature du contrat local d’engagement entre le conseil général et l’Anah.
Télécharger la plaquette de présentation du Fonds :
En juillet 2007, le PUCA, l’ANAH et l’ADEME ont lancé, dans le cadre du Programme de Recherche et d’Expérimentation sur l’Energie dans le Bâtiment (PREBAT), un appel de soutien pour des projets innovants permettant de réduire les phénomènes de précarité énergétique dans les logements.
Les associations Jura Habitat et AJENA ont construit ensemble un programme intitulé «Action de Réduction de la Précarité Energétique dans le Jura» (ARPEJ), lauréat de cette consultation. L’objectif était de trouver des dispositifs innovants pour réduire la précarité énergétique des ménages locataires dans le parc privé puis de tester ces dispositifs sur un certain nombre de territoire dans le Jura.
Pour cette recherche-action , les porteurs de projet ont réalisé un certain nombre de livrables :
analyse par croisement de différentes études des partenaires locaux,
production d’un état des lieux des consommations d’énergies et des taux d’efforts énergétiques, (source enquête UDAF /base de données : FSL, commission décence, MOUS départementale…)
La mise au point de différents dispositifs innovants de financement des logements locatifs privés, via la fiscalité et les aides de l’Anah et des collectivités locales, et la réalisation d’un test en phase opérationnelle sur différents logements (3 cas d’étude) permettant de mesurer l’efficacité des dispositifs proposés en faveur d’un coût global loyer +charge maîtrisés.
L’analyse des résultats laissait entrevoir différentes pistes d’actions :
inciter à la performance du bâti par graduation des aides des financeurs ;
graduer vers le bas des loyers conventionnés si la performance est médiocre ;
revoir le barème des aides au logement ;
adapter la fiscalité liée à la taxe foncière ;
adapter le taux d’abattement du dispositif Borloo ;
modifier les critères d’attribution du crédit d’impôt ou de l’éco PTZ pour les propriétaires bailleurs.
Le Plan Urbanisme, Construction, Architecture (PUCA), l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) et l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) ont lancé en Juillet 2007 un appel à propositions sur la précarité énergétique dans le cadre du PREBAT et de son Comité bâtiments existants.
L’objet de cette consultation était de sélectionner et de soutenir des projets innovants permettant de réduire les phénomènes de précarité énergétique dans les logements.
Voici différents rapports de projets soutenus :
Rapport final de l’étude « Identification des processus de précarisation énergétique des ménages et analyse des modes d’intervention – Enquêtes en Indre et Loire et dans le Pas de Calais », remis en Mai 2010 par Isolde Devalière, Sociologue au CSTB. Lire l’étude
Rapport final de l’étude « Analyse des représentations liées à la dépense énergétique », remis en décembre 2010 par l’Observatoire Social du Logement de Lyon et l’association Hespul Lire l’étude
Rapport final de l’étude « Analyse sociotechnique comparée des dispositifs de réduction des situations de précarité énergétique et construction de stratégies d’intervention ciblées », remis en mars 2010 par le CUFR Champollion – Université du Nord-Est Midi-Pyrénées Lire la synthèse de l’étude
Rapport final de l’étude « Connaître, multiplier et mettre en réseau des actions de lutte contre la précarité énergétique en région Languedoc-Roussillon », remis en décembre 2010 par la FNH&D Lire l’étude
Rapport final de l’étude « Sensibilisation des acteurs institutionnels à une approche élargie de la précarité énergétique », remis en juillet 2010 par PratiCité Lire l’article du PUCA
En complément de ces études, un colloque organisé dans le cadre des « Rencontres du Prébat » s’est tenu le 23 mai 2013 intitulé « Réduire la précarité énergétique »
Pour trouver d'autres types de ressources, rendez-vous sur le site RAPPEL, réseau des acteurs contre la pauvreté et la précarité énergétique dans le logement.