La Loi climat et résilience en cause ?
Une analyse de l’état du marché des passoires énergétiques par SeLoger souligne la forte augmentation ces derniers mois des mises en vente des logements étiquetés E, F et G, et alerte sur le risque de créer de fortes tensions sur le marché locatif.
Le site met en cause l’adoption de la récente Loi climat et résilience qui vise à interdire la location des passoires énergétiques de manière échelonnée entre 2025 et 2034, et serait donc responsable de ces ventes massives.
On peut cependant douter que les propriétaires bailleurs soient si bien informés sur la mise en œuvre de cette loi et ses conséquences.
C’est d’ailleurs ce que révèle dans un communiqué de presse du 25 novembre le site PAP (de particulier à particulier) présentant les résultats d’une enquête nationale auprès de 6 177 propriétaires bailleurs : près d’un propriétaire sur trois ne connaît pas la Loi climat et ses dispositions, ils sont même 40% à ignorer que les logements classés E seront concernés à partir du 1er janvier 2034. A la question, êtes-vous propriétaire d’un logement classé F ou G, 31,1% des personnes interrogées répondent n’en avoir aucune idée. Si 31,8% des propriétaires interrogés envisagent de se retirer progressivement de l’investissement locatif, ils sont malgré tout conscients de la nécessité d’éradiquer les passoires thermiques. Lorsqu’on les interroge sur les contraintes qui leur paraissent indispensables du point de vue de l’intérêt général , ils citent prioritairement l’interdiction progressive de louer des passoires thermiques avec un taux de citation de 51,3 %, loin devant l’encadrement des loyers dans certaines agglomérations. Les impératifs climatiques sont donc mieux compris et acceptés qu’on pourrait le penser.
Comment dès lors expliquer les résultats de l’analyse de l’état du marché des passoires thermiques réalisée par Se Loger ? On peut se demander si la réforme du DPE rendant ceux-ci plus fiables ne viendrait pas plutôt révéler que l’état du parc des logements en France serait de bien moins bonne qualité que ce que le laissait penser l’ancien DPE ? La question mérite d’être approfondie par des analyses comparatives plus poussées…
Le DPE est devenu un outil clé de la politique énergétique puisqu’il permet de mesurer l’état du parc d’un point de vue énergétique, son évolution et donc d’évaluer l’atteinte des objectifs de rénovation définis dans le secteur du bâtiment.
Deux estimations de la performance du parc français dans son ensemble ont été publiées par les services statistiques du CGDD à partir d’un ensemble de DPE. La première [SDES2012] a été réalisée en 2013 sur le parc de 2012 à partir de 2400 DPE réalisés par Bureau Veritas dans le cadre de l’enquête Phébus [Phebus]. La seconde a été réalisée en 2020 [SDES-Sept2020] à partir d’un échantillon des DPE réalisés dans le cadre de l’obligation légale pour les logements construits après 1948 [baseDPE2021] et sur le modèle Enerter de Energie Demain pour les autres bâtiments plus anciens.
Ces deux méthodologies ont abouti à des écarts significatifs dans l’estimation du nombre de passoires énergétiques : 8.8 millions et 4.9 millions respectivement. Ces différences peuvent avoir plusieurs origines : la dynamique du parc (rénovation/destruction) entre les deux périodes analysées, la différence entre les méthodes de recensement utilisées et l’utilisation de deux campagnes de DPE faite dans des conditions et avec des objectifs différents.
Robin Girard, enseignant chercheur à Mines ParisTech, propose de manière détaillée et argumentée une analyse de ces différences et une méthode de correction de la base DPE 2021 qui amène à comptabiliser 7 millions de passoires énergétiques.
Selon lui : la nouvelle version de calcul du DPE basée sur la méthode 3CL publiée en juillet 2021 apparaît robuste et permet un traitement des bâtiments construits avant 1948. Néanmoins, des modifications ont été apportées sur ce nouveau DPE en octobre 2021, risquant encore d’impacter l’évaluation du nombre de passoires énergétiques en France.