L’éco-appart est un appartement témoin ouvert depuis mai 2016 à Nantes. Plus qu’un appartement pédagogique, c’est un vrai lieu d’animation pour les structures associatives locales autour de la lutte contre la précarité énergétique. Retour sur 5 années d’existence par les membres du réseau de l’éco appart.
Le sujet de la précarité énergétique émerge en 2008 sur le territoire
En 2008, c’est par une initiative portée par GDF Suez, qui souhaite sensibiliser et informer les ménages sur les tarifs sociaux de l’énergie, que les questions relatives à la précarité énergétique émergent sur le territoire nantais. Cela concorde avec l’obligation portée par décret en 2008 que les fournisseurs historiques d’EDF et GDF Suez doivent envoyer aux CCAS la liste des clients en situation d’impayés, de réduction de puissance et/ou de coupures d’énergie. GDF s’appuie alors sur une association d’aide à domicile, l’ANAF (Association nantaise d’aide à domicile), et conventionne avec elle pour commencer à mettre en place le repérage de ménages et des actions de sensibilisation sur le territoire Est de la Ville de Nantes. Un triporteur sera financé par GDF Suez pour aller plus loin : actions sur l’espace public, en pied d’immeuble et autres lieux ressources vont se multiplier pendant 2 ans avec des actions « aller vers » dans des lieux identifiés par l’ANAF et le CCAS de la Ville de Nantes.
Vers une meilleure compréhension du phénomène
La thématique de l’énergie est inscrite à l’agenda de la ville de Nantes en 2011 et les premiers éléments de mesure arrivent en 2011. Une sociologue, Elvire Bornand est chargée de mettre en place une recherche action qui verra le jour en 2012 et qui porte sur le non-recours aux droits sociaux. Une expérimentation est ensuite lancée entre juillet 2013 et mars 2014 : un dispositif expérimental via un parcours « conseil énergie » et une aide financière exceptionnelle.
En parallèle, l’ANAF crée son service de médiation sociale énergie par convention avec la ville de Nantes qui finance des visites à domicile pour comprendre ce qui se joue chez l’habitant. La commune de Saint Heblain décide également d’expérimenter les visites à domicile, elle aussi confrontée de plus en plus souvent à des ménages qui sollicitent des aides pour aider à payer des factures d’énergie. Le parcours entre instruction d’aide financière et visites à domicile de l’ANAF permet de mieux comprendre les ménages en situation de précarité énergétique. En effet, ce parcours conseil ne semble pas solutionner les difficultés des ménages, ceux-ci se retrouvant à nouveau quelques mois plus tard en dette énergie du fait de la faiblesse de leurs ressources, des caractéristiques structurelles de l’habitat, des coûts de l’énergie qui ne cessent de croitre et de la méconnaissance d’éco-gestes permettant de faire des économies et de mieux contrôler son budget énergie.
Fort de ces constats, le travail de la sociologue s’est poursuivi et l’idée d’un tiers lieu apparait : un appartement pédagogique où chacun pourrait expérimenter, se documenter et se former à la maitrise des énergies dans le logement.
Une démarche multi-partenariale sur le territoire
Le projet de l’Eco appart s’est construit avec les partenaires du territoire du Grand Bellevue, la commune de Saint Herblain s’étant associé à ce projet.
La précarité énergétique est un problème structurant sur lequel il s’avère que les aides financières n’ont que pas ou peu d’effets réels. L’incitation financière est un levier de lutte contre le non-recours et une réponse à l’urgence de la coupure à venir, mais les partenaires de terrain et ceux qui œuvrent dans la lutte contre la précarité énergétique avaient dès le début identifié que le sujet serait beaucoup plus large et qu’il toucherait aux notions de bien vivre dans son logement et aux questions de développement durable et de consommation responsable.
« Un appartement pédagogique où chacun pourrait expérimenter, se documenter et se former à la maitrise des énergies dans le logement. »
Dès la genèse du projet, les partenaires se réunissent et ont la volonté de travailler ensemble à définir les objectifs et le fonctionnement de ce lieu tiers. Un lieu physique où l’on voit, on apprend, on pratique et où l’on repart avec des savoirs. Un lieu qui ne soit pas un guichet social ou administratif mais un lieu d’échange, de convivialité, de bienveillance et de partage d’expérience autour des usages. Le défi est bien de « mailler » pour éviter le décrochage du ménage et d’aller plus loin en favorisant les passerelles pour lutter contre le non recours d’une part et favoriser le « mieux vivre » dans son logement d’autre part.
L’éco appart : plus qu’un lieu, un réseau de partenaires
L’éco appart a ouvert ses portes en mai 2016. La première année a nécessité un important travail d’interconnaissance des uns et des autres, préalable indispensable pour favoriser les orientations, comprendre la complémentarité de chacun des acteurs pour permettre la mise en lien. Cette phase a nécessité des ajustements et a été l’occasion d’impulser des projets et des expérimentations. Un des facteurs de réussite est la place de l’animateur de réseau. Il facilite le lien, impulse, coordonne et fédère les initiatives. Un comité d’animation de partenaires se réunit quant à lui deux fois par an pour faire un état des lieux des projets menés, ceux en cours et un bilan des actions avec les points d’amélioration.
Les deux premières années, les ateliers et les visites découvertes ont touchés de nombreux professionnels, convaincus de la pertinence d’un tel lieu ressource. Et pour autant, à partir de la troisième année, le constat a été posé de la difficulté de faire venir des ménages dans le lieu malgré le relais des professionnels de terrain. Les visites de groupes constitués par des partenaires relais semblent être un format pertinent : une première découverte accompagnée par un tiers de confiance permet, à l’issue de la visite, que de nombreuses personnes s’inscrivent sur plusieurs ateliers proposés, mettant ainsi en place une sorte de parcours sur quelques mois.
« Le “ faire ensemble” est devenu une clé de voûte du réseau. »
Peu à peu, le travail de maillage avec les professionnels associatifs et institutionnels de terrain a permis de développer les actions du « aller vers » et de nombreux ateliers se sont déroulés hors les murs. Il s’agit d’apporter des réponses adaptées à chaque situation en développant une dynamique de réseau d’acteurs aux compétences complémentaires. Le “ faire ensemble” est devenu une clé de voûte du réseau.
L’éco appart en tant que réseau est un catalyseur de projet : lutter contre la précarité énergétique est un travail qui se mène à plusieurs. Le volet curatif n’est plus suffisant. Aujourd’hui, le réseau de l’éco appart travaille à une démarche préventive autour de l’accès, du maintien et du mieux vivre dans son logement. Sensibiliser an amont les plus jeunes, les publics vulnérables ayant pas ou peu d’expérience du « habiter dans un logement de droit commun » est un objectif ambitieux mais nécessaire pour stabiliser le parcours de vie.
C’est faire l’expérimentation d’actions, d’outils, de formats inédits et innovants. Ceci est possible par le travail d’interconnaissance et l’animation du réseau. C’est prendre conscience qu’une intervention ponctuelle auprès du ménage n’est plus suffisante. La question du maillage est primordiale pour faciliter l’orientation en direct afin de ne pas perdre le ménage. Établir une relation de confiance et d’écoute afin de rendre le ménage acteur est également un facteur de réussite que le bouche à oreille se charge de faire connaitre. Outiller les professionnels est aussi un levier indispensable afin qu’ils puissent être en mesure d’identifier une situation de vulnérabilité ou de précarité énergétique et ainsi être en mesure de faire une orientation adaptée vers le réseau de l’éco appart.
Mutualiser la force du réseau pour aller plus fort et plus loin
L’éco appart dans sa version 1 est arrivée au bout de ses limites. Aujourd’hui, il est nécessaire d’aller plus loin. Dire aux ménages de mettre un couvercle sur une casserole ou de ne pas rester 10 minutes sous la douche n’est plus suffisant. Les éco-gestes sont connus et les ménages précaires sont souvent des modèles de sobriété. Les échanges de trucs et astuces en ateliers sont de véritables mines d’or ! Aujourd’hui, il s’agit d’expliquer pourquoi l’énergie coute chère, que malgré la mise en place d’éco-gestes les factures ne diminuent pas ! Pourquoi ? Il est primordial d’expliquer les fausses promesses faites par des fournisseurs peu scrupuleux qui profitent de la naïveté ou de la fragilité des ménages en promettant des diminutions de 20% sur des factures d’énergie et qui génèrent au bout du compte des factures de régularisations qui déstabilisent un foyer déjà vulnérable. C’est aussi expliquer les mesures nationales et locales qui permettent des aides à la rénovation énergétique pour les propriétaires ou locataires du parc privés.
« Partir du quotidien des habitants par la porte du logement et des énergies »
L’éco appart version 2, c’est partir du quotidien des habitants par la porte du logement et des énergies : j’entre dans mon logement, j’y vis avec les difficultés au quotidien, je mange, je consomme, je produis des déchets, je mène des démarches administratives (lien avec le numérique). Aller plus loin, c’est aussi inclure un volet environnemental et d’écocitoyenneté dont on ne peut plus faire l’économie aujourd’hui. C’est mutualiser la force d’un réseau pour aller plus fort et plus loin ensemble.
Le réseau de l’éco appart, co-écrit avec La Cime, la CLCV et le CCAS de Nantes
Réaliser une visite virtuelle et découvrir le programme de l’éco appart.
Voir également sur la médiathèque du RAPPEL une vidéo de présentation des aides de Nantes Métropole pour maîtriser sa consommation d’énergie (aide financière au paiement de la facture ou au remplacement d’équipements énergivores, visites à domicile SLIME, etc.).