Crise énergétique
Si la perspective d’une pénurie ou d’épisodes de rationnement de l’énergie semble s’éloigner peu à peu, la hausse des prix de l’énergie demeure une réalité qui touche tous les Français. Bien que le bouclier tarifaire ait pu la contenir pour certains ménages, les plus modestes sont les plus durement touchés par la crise énergétique et l’inflation généralisée qui en découle.
Une augmentation des prix de l’énergie de 28% en un an
Selon l’Insee, entre les deuxièmes trimestres 2021 et 2022, en cumulant le renchérissement de l’électricité, du gaz et des produits pétroliers, les prix de l’énergie ont augmenté de 28 % depuis un an pour les ménages. Cette hausse aurait été deux fois plus élevée (+54%) sans le bouclier tarifaire mis en place par le Gouvernement début 2022.
Plus précisément :
- Le prix de l’électricité pour les ménages a augmenté de 4,7 % au lieu de de 36,9 % si le bouclier tarifaire n’avait pas été mis en place ;
- Le prix du gaz pour les ménages a augmenté de 37,6 % au lieu de de 105 % ;
- Le prix du carburant à la pompe a augmenté de 33,8 % au lieu de 46,4 %.
Les autres énergies de chauffage sont également concernées par la situation. Impacté par le conflit en Ukraine, le prix du fioul a doublé en un an mais la demande reste forte (crainte de la pénurie, hausse du prix des autres énergies) et crée des tensions sur son prix. Quant au bois de chauffage, le nombre de ventes d’appareils de chauffage, encouragées par l’État, a connu un fort rebond en 2021. Cette hausse de la demande, notamment de granulés, doit faire face à une hausse des coûts de fabrication liée à la hausse du prix des autres énergies, et génère donc une hausse de prix.
Lire l’article de France 3 « Prix du fioul : pourquoi une pénurie n’est pas à exclure » et de Ouest France « Le prix du bois de chauffage flambe, existe-t-il un risque de pénurie en France ? ».
Les ménages modestes, ruraux et âgés sont plus durement touchés par la crise énergétique
Si ces hausses demeurent contenues, la crise énergétique, et l’inflation qui en découle (l’énergie étant une matière première, la hausse de son prix impacte celui des biens et services produits), touche plus durement les ménages les plus modestes. En effet, en plus de la hausse des prix de l’énergie de 28%, les produits alimentaires connaissent une inflation de 7%. Or l’alimentation et l’énergie sont deux postes de consommations qui représentent un poids plus important dans le budget des ménages les plus pauvres (respectivement 19% et 6%) que dans celui des ménages plus aisés (15% et 4%).
Autre facteur d’inégalités face à l’inflation et pouvant aggraver la situation des ménages : le lieu de vie et l’âge. En effet, les habitants des zones rurales dépensent plus que la moyenne pour le carburant et les factures d’énergie (12% de leurs dépenses sont consacrées à ces postes, contre 6% pour un ménage de l’agglomération parisienne, selon l’Insee). Les personnes âgées consacrent également plus de budget pour l’énergie (du fait qu’ils occupent généralement des logements plus grands et ont des besoins de chauffage plus élevés que le reste de la population).
Lire l’article de France info « Foyers modestes, personnes âgées, ruraux… Qui sont les Français les plus touchés par l’inflation ? ».
Une explosion des charges pour les locataires HLM
Contrairement à leurs factures de gaz, les achats d’électricité par les bailleurs sociaux qui leur permet d’alimenter les parties communes (ascenseurs, éclairage, etc.) ne sont pas couverts par le bouclier tarifaire. Or ces dépenses sont répercutées sur la quittance de charges des locataires HLM alors qu’ils sont 35% à vivre sous le seuil de pauvreté. « On assiste à une explosion stratosphérique des coûts de l’énergie. Pour un F3 moyen, la quittance passe de 473 € à 606 €, expose Guillaume Couturier, directeur général de l’Office public de l’habitat (OPH) Habitats de Haute-Alsace. Le bouclier va limiter cette augmentation à 579 €, mais nous nous préparons à un raz-de-marée d’impayés, avec des conséquences financières lourdes pour les OPH, dont le modèle économique et la capacité d’investissement sont mis à mal ».
Dans ce contexte, la fédération des Offices publics de l’habitat réclame une série de mesures pour protéger les organismes et leurs locataires. Parmi elles, l’extension du bouclier tarifaire aux immeubles avec chauffage électrique collectif et sur les achats d’électricité des parties communes, le versement du chèque énergie directement aux organismes HLM pour les locataires bénéficiant d’un chauffage collectif ou encore l’augmentation de la contribution des énergéticiens dans le financement des Fonds de solidarité logement.
Lire l’article du Moniteur « Les HLM inquiets de la flambée des prix de l’énergie ».
Une crise partie pour durer
Bien que la France soit moins dépendante au gaz que ses voisins européens, la réduction drastique des importations depuis la Russie l’a contraint à diversifier son approvisionnement : gaz de Norvège et d’Algérie, et gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis ou du Qatar. Or, selon certains experts, les capacités de production et d’exportations de ces pays ne sont pas illimitées et risquent de ne pas pouvoir répondre à la demande. Et pour ce qui est du GNL (solution qui consiste à acheminer du gaz de manière liquide depuis d’autres continents), c’est un gaz très coûteux et très demandé par d’autres pays. Autant de raisons qui laissent entrevoir un prix du gaz élevé et une situation très tendue tant que l’Europe devra se passer de gaz russe.
« Le vrai problème, ce n’est pas l’hiver prochain, évacue Julien Teddé dirigeant d’Opéra Energie, c’est l’hiver suivant [2024]. Là, on entame l’hiver avec un stock de gaz plein, car les cuves ont été remplies au cours du premier semestre, quand les livraisons de gaz russe ne baissaient pas. »
Le prix de l’électricité est également concerné par ce contexte car même si la France produit principalement son électricité grâce à des centrales nucléaires, le prix de l’électricité est couplé au prix du gaz puisqu’une partie de l’électricité distribuée en France provient du marché européen, où la part du gaz dans la production de l’électricité est plus importante.
Les prix de l’énergie devraient donc rester à un niveau élevé ces prochains mois voire ces prochaines années. Quant à la question de savoir s’ils resteront excessivement élevés, celle-ci reste entière…
Lire l’article de France info « Crise de l’énergie : que risque la France avec la suspension par Gazprom des livraisons de gaz russe ? ».
La crise énergétique laisse donc craindre que la situation des ménages en précarité énergétique s’aggrave, voire que ceux qui étaient jusque-là « épargnés » par le phénomène viennent grossir les rangs des 12 millions de Français concernés par les impayés d’énergie ou le rationnement volontaire (quelles que soient les injonctions institutionnelles).