De vives réactions et un nouvel arrêté
Les fournisseurs d’énergie et de carburant, qui sont les « obligés » du dispositif des Certificats d’économies d’énergie (CEE), ont l’obligation de réaliser un certain nombre d’opérations financées via ce dispositif au bénéfice des ménages « en situation de précarité énergétique » (plafonds de ressources des « modestes » de l’Anah) ou « en situation de grande précarité énergétique » (plafonds de ressources des « très modestes » de l’Anah) : il s’agit des CEE « précarité ». Pour les ménages « en situation de grande précarité énergétique », des bonifications permettent de doubler le volume de CEE récupérés par les obligés, afin de les inciter à aller vers ce public pour lequel des opérations d’économie d’énergie (travaux de rénovation notamment) peut sembler moins simple à mettre en oeuvre, pour des raisons financières.
Les « Coups de pouce » bonifient quant à eux le montant des primes octroyé pour certaines opérations au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique (plafonds de ressources des « modestes » et « très modestes » de l’Anah) : chauffage, isolation, thermostat, etc.
Réactions suite à la consultation publique
Le Ministère de la Transition écologique a mis en consultation publique un projet de décret et d’arrêté portant sur la 5e période des CEE (Certificats d’Économies d’Énergie) qui s’étend de 2022 à 2025. Ils prévoyaient la limitation de la contribution des CEE Précarité à 25% du total des CEE produits et l’arrêt des offres « Coup de Pouce » sur l’isolation et le remplacement des anciennes chaudières gaz par des chaudières très haute performance énergétique à partir de mi-2021.
Ces projets de texte ont suscité de vives réactions de la part des artisans comme de certains députés : voir l’article de Batiactu et le communiqué de presse de la CAPEB. Mais également du côté des associations : six organisations de lutte contre la précarité énergétique alertent dans une tribune au « Monde » sur le risque de voir réduire les aides à la rénovation énergétique pour les ménages modestes. Le CLER-Réseau pour la Transition énergétique a également adressé un courrier au Gouvernement formulant des propositions pour rehausser l’ambition de ces textes.
Un nouvel arrêté encadrant les CEE pour les ménages en précarité énergétique
Donnant une première suite à la concertation relative à cette 5ème période CEE, le Ministère de la Transition écologique a détaillé dans un « Flash info » les modalités d’application de l’arrêté du 11 mars 2021 qui modifie le fonctionnement du dispositif CEE et va impacter le bénéfice de CEE pour les ménages en précarité énergétique.
Il n’est plus question dans le nouvel arrêté de supprimer de manière anticipée les « Coups de pouce », mais de redéfinir dès à présent les catégories de ménages en situation de précarité énergétique et les aides dont ils pourront bénéficier :
- La catégorie de ménages « en grande précarité énergétique » est rebaptisée « ménages en précarité énergétique ». Désormais, cette catégorie de ménages est la seule à pouvoir bénéficier des CEE précarité énergétique. Cela concerne les opérations engagées à partir du 1er avril 2021 et les opérations achevées à partir du 1er octobre 2021.
- Les ménages de l’ancienne catégorie « en précarité énergétique », pour leur part, sont rebaptisés « ménages modestes » et ne peuvent désormais prétendre qu’aux CEE classiques. Il faut donc s’attendre à une baisse des aides via les CEE précarité, puisque les travaux engagés chez cette nouvelle catégorie de « ménages modestes », débouchent maintenant sur la production de CEE classiques.
- Les « ménages modestes » bénéficieront toutefois des bonifications Coups de pouce « Chauffage », « Isolation » et « Rénovation performante d’une maison individuelle ». Cette nouvelle catégorie entre en vigueur à compter du 14 mars 2021 pour ce qui concerne les chartes Coup de pouce « Chauffage » et « Isolation » et à compter du 1er avril 2021 pour ce qui concerne la charte Coup de pouce « Rénovation performante d’une maison individuelle ». L’autre catégorie de ménages, appelée désormais « en précarité énergétique (ex-« en grande précarité énergétique ») sont exclus de ces dispositifs «Coup de pouce ».
- Pendant la période de transition, l’arrêté prévoit que les opérations engagées jusqu’au 31 mars 2021 devront être achevées avant le 30 septembre 2021 pour bénéficier des modalités actuelles. Si les travaux sont achevés après le 30 septembre, ces opérations tomberont sous le nouveau barème moins généreux. L’objectif de ce dernier point est de répondre à un problème identifié par les sociétés délégataires de CEE : le risque d’un stock abondant de CEE « précarité » déjà atteint avant le début de la 5è période mais non valorisés par les obligés, que ces derniers pourraient utiliser dès le début de la 5è période pour atteindre rapidement leurs objectifs de CEE précarité. Les délégataires avancent en effet que la moitié voire 80 % de l’obligation précarité pour la cinquième période risque d’être atteinte dès fin 2021, soit avec quatre ans d’avance, ce qui n’inciterait plus les obligés à soutenir la réalisation de travaux pour les publics en précarité énergétique.
Les plafonds de ressources définissant les « ménages modestes » et les « ménages en précarité énergétique » sont consultables dans deux tableaux contenus dans l’arrêté.
Il faut donc s’attendre à ce que pour la 5ème période, les aides via les CEE représentent un levier moins fort pour lutter contre la précarité énergétique puisque les opérations réalisées chez les ménages, qu’ils soient « modestes » ou « en précarité énergétique », ne pourront plus s’appuyer sur les deux systèmes de bonification : ce sera soit les CEE Précarité énergétique, soit les Coups de pouce…
Lire également l’article de actu-environnement.com et celui du Moniteur.
Pour en savoir plus sur le fonctionnement des CEE, consulter l’article du RAPPEL « Quel est le fonctionnement général des certificats d’économie d’énergie ? » ou le Focus du RAPPEL « Le dispositif des CEE, outil financier au service de la lutte contre la précarité énergétique ».